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 Les nouvelles donnes (1945/1989)

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Blackeu Viking
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MessageSujet: Les nouvelles donnes (1945/1989)   Les nouvelles donnes (1945/1989) EmptyMer 3 Mai - 18:00

Avec la Seconde Guerre mondiale, la défaite allemande, le 8 mai 1945, et la capitulation japonaise, le 2 septembre 1945, un monde s'éteint, un autre s'apprête à émerger avec une redistribution des cartes dans un «jeu» où les superpuissances vont bien vite tenter d'organiser, chacune à son avantage, la nouvelle donne géostratégique. Certes tout ne se fera pas du jour au lendemain.

Mais c'est bien à partir de 1945 que s'affirment dans tous les domaines - stratégique, politique, social, économique et scientifique - des changements fondamentaux.



La nouvelle donne géopolitique


Les nouvelles donnes (1945/1989) CON_DON_001
Le monde en 1946


L'année 1945 voit la victoire militaire des Alliés sur l'Allemagne, sur le Japon ainsi que sur ceux des pays qui s'étaient, bon gré mal gré, enrôlés sous la bannière nazie. Il était donc dans l'ordre des choses que les dispositions territoriales arrêtées dans l'immédiat après-guerre impliquent un retour au statu quo ante, non pas du point de vue des sphères d'influence mais plutôt en ce qui concerne les frontières.

D'ailleurs, si l'on se rappelle les modifications spatiales induites par les guerres balkaniques et la Grande Guerre, la carte du monde, telle qu'elle se présente à la fin de 1945, apparaît moins bouleversée. Ce qui est vrai pour l'Europe vaut tout autant en Asie avec le retrait des troupes japonaises de Chine et d'Asie du Sud-Est. Aussi serait-il imprudent de parler d'une nouvelle carte du monde.

L'observation des traités consécutifs à la guerre - entre 1945 et 1947 - montre que 87 % du kilométrage de frontières politiques terrestres dans le monde - et 70 % dans le cas de l'Europe - étaient déjà délimités avant 1945. Et il n'y a guère que treize nouvelles frontières qui soient alors dessinées. Sous la toise de la formation des frontières politiques européennes, le grand choc militaire n'aura eu finalement qu'une incidence modeste en terme de modification spatiale.

Les dispositions territoriales
Après la défaite de l'Allemagne et du Japon - et l'annulation des modifications territoriales qu'ils avaient imposées - les bouleversements qui s'annoncent en 1945 s'exercent donc moins sur les frontières et les Etats que sur leur insertion dans un nouvel ordre stratégique et idéologique. Tout indique en effet que les questions proprement territoriales vont être très tôt reléguées au second plan par le jeu des nouvelles alliances militaires. Seule des deux alliés, l'URSS réussit à obtenir quelques gains en Eurasie. Mais les espoirs de Staline d'engranger les dividendes de sa participation à la guerre contre le Japon - en gros le retour à la situation d'avant la guerre russo-japonaise de 1905 - seront vite déçus: l'URSS devra se contenter de conserver l'archipel des Kouriles. Et si l'on se tourne du côté des Etats-Unis, dont l'influence s'exprime certes en termes politique, militaire et économique, force est de constater que, à l'exception de quelques îles du Pacifique, leur expansion directe est quasi nulle.

En Europe
Les grandes conférences de 1944-1945 montrent bien qu'on y débat autant de la sécurité collective que des modifications de frontières. A Yalta, c'est du statut politique de l'Allemagne et de la Pologne - outre les conditions de la participation soviétique à la lutte contre le Japon - qu'il est surtout question; c'est aussi en Crimée que sont jetées les bases du système des Nations unies. A Potsdam, les Alliés préparent les futurs traités de paix en Europe, qui seront élaborés lors des conférences de Londres (septembre-octobre 1945) et de Moscou (décembre). Une fois encore les Soviétiques restent sur leur faim, n'obtenant ni mandat sur la Libye italienne, ni accès direct aux détroits turcs. Staline sera plus heureux avec la Prusse-Orientale, dont il reçoit l'enclave de Königsberg (Kaliningrad), le reste étant attribué à la Pologne. Les frontières orientales de celle-ci sont toutefois reculées de 150 km plus à l'ouest, ce qui offre à l'URSS de substantiels gains au profit de l'Ukraine et de la Biélorussie. La ligne Oder-Neisse marque la frontière occidentale de la Pologne. Conséquence la plus directe, Varsovie administre ainsi d'anciennes provinces allemandes - Silésie, Poméranie. Quant aux Etats baltes, ils sont incorporés à l'URSS, qui emporte également la moitié nord de la Moldavie. Staline se ménage des accès à la bordure occidentale des Carpates, en direction des plaines d'Europe centrale, et obtient le couloir slovaque: c'est là le prix payé par la Tchécoslovaquie et la Hongrie. Le glacis d'Etats satellites de l'URSS se met en place; la division ultérieure de l'Allemagne le complétera.

Pour ce qui est du reste de l'Europe «médiane», tous les Etats qui avaient emboîté le pas au Grand Reich afin d'obtenir la révision des frontières de 1919 réintègrent l'espace qui était le leur au lendemain de la Grande Guerre. Ce qui met donc un terme à l'autonomie slovaque, signifie le retour de la Hongrie dans sa carte du traité de Trianon (1920) et implique la reconstitution de la Yougoslavie, tandis que Sofia tire un trait sur ses rêves d'une Grande Bulgarie.

En Italie, si les revendications de l'Autriche sur le Tyrol méridional sont rejetées, deux secteurs sont touchés par des rectifications de tracés: dans un cas, au profit de la France (Petit-Saint-Bernard, Mont-Cenis); dans l'autre, les Alliés contraignent les troupes yougoslaves à évacuer Trieste dès juin 1945.

Au Proche-Orient
En se retirant du Proche-Orient, le souffle de la guerre a, là aussi, brouillé le jeu des impérialismes. La France et la Grande-Bretagne, dont la rivalité est traditionnelle, l'URSS et les Etats-Unis, qui manifestent un intérêt accru pour le Levant, vont tenter de peser sur le cours des événements. De la nouvelle donne témoignent l'indépendance effective du Liban et celle de la Syrie (1946), tandis que les pays de l'aire britannique restent fidèles à la puissance tutélaire. Mais, à Bagdad et à Amman, la dynastie hachémite n'a pas renoncé à son ancien projet d'union. Lorsque l'armistice est signé en Europe, il y deux ans et demi que la Seconde Guerre mondiale est terminée au Proche-Orient. Dans l'intervalle, l'activisme panarabe a fait des progrès. Si l'idée est déjà ancienne - la théorie de l'unité arabe apparaît en effet au XIX e siècle dans la partie moyen-orientale du monde musulman -, elle s'est trouvée nettement réactivée à la faveur du conflit. Forte du soutien des Britanniques, désireux de maintenir leur influence au Proche-Orient, la Ligue des Etats arabes naît officiellement au Caire le 22 mars 1945. Mais elle déborde vite le cadre que désirait lui fixer la Grande-Bretagne et s'en affranchit complètement dans la décennie d'après-guerre.

Sur l'échiquier proche-oriental, tout indique que le roi pétrole est plus que jamais la pièce maîtresse du «Grand Jeu». Tout au long du conflit, et sur tous les fronts, la Seconde Guerre mondiale a confirmé l'importance stratégique de l'or noir, et les gisements sont rapidement devenus des enjeux privilégiés. Les Etats-Unis sont de plus en plus intéressés par l'Arabie Saoudite, dont ils obtiennent, en contrepartie de l'aide apportée à Riyad, la base de Dhahran. En très peu de temps, les Etats-Unis, exportateurs de brut et de produits pétroliers depuis quatre-vingt-dix ans, vont devenir, pour la première fois, importateurs nets. A partir de 1948, l'industrie pétrolière américaine se tournera vers l'extérieur.

Les Soviétiques ne sont pas en reste au Proche-Orient. Dans l'Azerbaïdjan iranien, ils soutiennent l'instauration d'une république autonome, créée le 12 décembre 1945 par les communistes et les nationalistes régionaux sous la férule de l'Armée rouge. Le départ des troupes soviétiques - elles se retireront effectivement le 9 mai 1946 - sera subordonné à la constitution d'une société pétrolière soviéto-iranienne.

De l'Extrême-Orient il a été question lors de la conférence du Caire (1943), puis à Yalta (1945). La reddition du Japon marque la fin de sa présence sur les territoires situés hors de l'archipel: la Chine récupère la Mandchourie et Formose, la Corée retrouve son indépendance et l'URSS fait main basse sur les îles Kouriles et Sakhaline. Enfin, le Japon doit abandonner les îles Carolines, Mariannes, Marshall et Palau, dont l'ONU confie la tutelle aux Etats-Unis. Ce repli de l'empire du Soleil-Levant s'accompagne d'une volée d'indépendances. Dix Etats voient le jour en moins de douze ans: Indonésie (1945), Philippines (1946), Inde, Pakistan (1947), Ceylan et Birmanie (1948), Laos et Cambodge (1949), Viêt-nam (1954), Malaisie (1957). Toutefois, à l'exception de l'Inde, ces indépendances n'entraînent pas de modifications de frontières, les limites inter-impériales ou administratives étant reprises.

En Afrique
Sur le continent africain, les incidences territoriales directes de la guerre - sauf en ce qui concerne la Libye (1951), le Maroc et la Tunisie (1956) - se feront sentir plus tardivement qu'en Extrême-Orient. Mais là aussi elles seront le fruit d'un processus d'émancipation en tous points semblables. Au bout du compte, les Alliés se sont employés, lors des conférences frontalières de 1945, à consolider la carte du monde en s'éloignant aussi peu que possible de celle dessinée dans les deux premières décennies du siècle. Les configurations territoriales issues de la Première Guerre mondiale seront vite gelées par la «guerre froide». D'ailleurs, chacun des deux camps sait que toute remise en cause des frontières d'un Etat reviendrait à modifier un ordre impérial. C'est donc dans le double héritage territorial de la guerre russo-japonaise de 1905 et de la Grande Guerre que vont s'inaugurer à l'Est et à l'Ouest les deux grands espaces idéologiques antagonistes américain et soviétique.

La logique des blocs
Un an avant la fin du conflit en Europe, les grandes lignes de l'organisation du monde d'après-guerre selon Washington sont arrêtées. Les grands principes tiennent tout entiers dans les «Quatre Libertés» chères à Franklin D. Roosevelt: liberté d'expression, liberté de culte, liberté face au besoin (grâce à la coopération économique), liberté face à la peur (impliquant une réduction des armements). Le plan de paix mondialiste - et son corollaire, la coopération internationale - n'est pas sans rappeler l'idéal wilsonien: «Rendre le monde plus sûr pour la démocratie». Il reste que l'œcuménisme américain a dû très tôt rabattre de son enthousiasme face aux réalités de la guerre. Déjà, lors de la conférence de Moscou (octobre 1943), l'ambassadeur des Etats-Unis, Averell Harriman, ne cachait pas sa méfiance à l'égard des Soviétiques et de leurs intentions hégémoniques en Europe de l'Est. Mais tout à son désir de s'assurer le concours total de l'Armée rouge en Europe et, à terme, en Asie, la Maison-Blanche ne peut alors agiter que de bien vagues protestations. C'est pourquoi Roosevelt confirme à Yalta le déplacement des frontières de la Pologne, une concession à la logique des «sphères d'influence». Que le président américain ait cru que l'URSS jouerait le jeu démocratique en Pologne et qu'elle adhérerait sans réticence aux principes généreux de la future Organisation des Nations unies, donne a posteriori la mesure de l'abîme qui déjà se creuse entre les Alliés.

Et quand Harry S. Truman arrive au pouvoir en avril 1945, l'essentiel de la vision pacifique et mondialiste de Roosevelt a rejoint l'ambition de T. W. Wilson au rayon des utopies sans lendemain. Plus pragmatique que son prédécesseur, Truman comprend très vite que les Soviétiques ne sont pas prêts à partager la conception du monde qu'ont les Etats-Unis. Aussi, dans les premiers mois de sa présidence, s'emploie-t-il à contrer les agissements soviétiques en favorisant, partout où cela apparaît possible, l'implantation des bases politiques d'une démocratie capitaliste de type américain. Et dans la mesure où la ligne de partage idéologique est quasi fixée en Europe après la capitulation allemande, la stratégie mondiale de Washington est tout entière tendue vers les champs de batailles asiatiques. Accordons qu'ici les Américains marquent quelques points.
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MessageSujet: Re: Les nouvelles donnes (1945/1989)   Les nouvelles donnes (1945/1989) EmptyMer 3 Mai - 18:01

Aux Philippines, les troupes du général MacArthur empêchent les forces communistes de la résistance de prendre le pouvoir; un an plus tard, le gouvernement pro-américain de Manille obtient l'indépendance promise depuis 1934. Scénario assez voisin en Corée, où la guérilla communiste de Kim Il-sung ne peut franchir le 38 e parallèle. Enfin, dans les Indes néerlandaises, le soutien bienveillant accordé par Washington au puissant mouvement nationaliste non communiste de Sukarno suffit à témoigner de la place centrale de l'Asie dans la politique de l'endiguement du communisme. Les affaires se compliquent dans les régions où la présence armée américaine fait défaut. Washington trouve certes des relais - Guomindang en Chine, maquisards de Hô Chi Minh en lutte contre l'occupation japonaise en Indochine -, mais qui se révéleront pour le moins peu fiables. D'ailleurs, en Indochine, la Maison-Blanche se défausse sur les Britanniques, au sud du 16 e parallèle, et sur les Chinois, au nord, pour recevoir la capitulation japonaise.

Jusqu'à l'été 1945, ainsi va la politique américaine, qui oscille entre la volonté de contrer les mouvements communistes sur le terrain et le désir de s'assurer les bonnes grâces de Moscou pour la conclusion du conflit dans le Pacifique. La réussite de l'explosion expérimentale de la première bombe atomique à Alamogordo, le 16 juillet, semble devoir délier les mains de Truman, puisque la participation soviétique n'est plus nécessaire pour en finir avec le Japon. Certes, avec Hiroshima et Nagasaki, la Seconde Guerre mondiale, commencée en septembre 1939 par le bris d'une barrière sur la frontière polonaise, s'achève en août 1945 dans la poussière radioactive de la fournaise atomique. C'est ainsi que s'ouvre le premier chapitre de la «guerre froide». Non pas que les Etats-Unis s'en trouvent les seuls responsables, mais plutôt parce que l'éclair atomique jette une lumière crue sur les positions respectives des deux camps. En arrimant aussi brutalement l'archipel nippon, la troisième zone industrielle de la planète, au camp occidental, les Etats-Unis confèrent un caractère irréversible à la soviétisation de l'Europe de l'Est. Ici, à l'ombre des formidables armées soviétiques massées sur les lignes de cessez-le-feu, se renforcent chaque jour les partis communistes; là, le retour de la démocratie s'opère dans l'impact aveuglant d'une arme tout aussi formidable. Mais en 1945, la bombe atomique n'est pas encore l'instrument privilégié de la «guerre froide». Mieux, sa possession n'implique nullement que Washington renonce à son grand projet fondé sur la sécurité collective, la liberté de commerce, le modèle américain de croissance, bref: à sa vision de prospérité et de démocratie pour tous. D'ailleurs, eu égard à la situation catastrophique en Europe occidentale, tout encourage les Etats-Unis à prendre des mesures énergiques dans les domaines de la politique et de l'économie. C'est bien sûr en Allemagne que vont porter principalement leurs efforts. Dès le début de 1946, il est décidé d'en finir avec le démantèlement des capacités industrielles allemandes et l'affaiblissement du pays préconisés par Moscou et Paris. Considérant la menace soviétique, la Maison-Blanche juge qu'il est de son intérêt de participer à la reconstruction d'une Allemagne économiquement puissante. On imagine même à Washington que la résistance à l'hégémonie soviétique passe par la constitution d'une fédération européenne qui bénéficierait de l'assistance et du leadership américains. De ce projet, étrange agrégat du pragmatisme de Truman et de l'œcuménisme rooseveltien, vont cependant naître le cadre intellectuel et les instruments institutionnels du gigantesque effort de reconstruction dont le modèle emprunte au New Deal: le plan Marshall.

De la grande vision d'intégration et de coopération planétaire, telle que les Etats-Unis l'avait élaborée en 1944-1945, le monde de l'après-guerre révèle le caractère utopique. En lieu et place de l'universalisme et de la stabilité par la démocratie s'établit une géopolitique binaire qui voit les Alliés d'hier fourbir les armes des luttes de demain. Est-ce pour autant dire que Washington a renoncé à son dessein? A considérer l'insistance avec laquelle les Etats-Unis ont appliqué leur grand projet œcuménique à la partie du monde qui s'est dérobée à l'emprise communiste, force est de conclure par la négative. En mars 1947, H. Truman expose devant le Congrès les grandes lignes de sa stratégie: contenir le communisme et faire le siège de l'Union soviétique jusqu'à ce qu'elle s'effondre d'elle-même. On le sait, l'affaire prendra plus de temps que ne l'avaient imaginé les stratèges américains de l'après-guerre. Pour l'heure, le triomphe est plutôt dans l'autre camp.

Le triomphe du communisme
En 1920, alors que les troupes du général Toukhatchevski avançaient sur Varsovie, les bolcheviks se voyaient bientôt à Berlin, deuxième étape de la révolution mondiale. Vingt-cinq ans plus tard, le rêve a pris une option sur la réalité: l'Armée rouge est effectivement à Berlin, occupant tout l'espace à l'Est, jusqu'aux îles Kouriles. Si la reconquête de cet espace n'entraîne pas une révolution procommuniste, la victoire militaire transforme radicalement le statut de l'URSS: grand triomphateur de Potsdam, Staline est à la tête de la deuxième puissance mondiale. Il appartient alors à l'URSS de capitaliser les effets de son prestige militaire pour en tirer de solides dividendes politiques.

Le triomphe politique du communisme en 1945 n'est pas exempt d'une dimension affective qui s'enracine dans le sentiment du salut - né au moment de la capitulation allemande à Stalingrad - et constamment ravivé à chaque nouvelle offensive victorieuse. A la Libération, personne ne peut ignorer que le lourd tribut payé par les Soviétiques est sans commune mesure avec les pertes britanniques ou américaines. Conséquence la plus visible, et la plus immédiate, les partis communistes voient affluer de nouveaux adhérents, jeunes pour la plupart. La traduction électorale du dynamisme communiste ne se fait pas attendre: les scores obtenus placent les partis communistes en acteurs incontournables de la scène politique, notamment dans les pays est-européens occupés par l'Armée rouge et dans trois autres pays, la France, l'Italie et la Finlande. La défaite de l'Allemagne et du Japon est également perçue comme la défaite du totalitarisme. Le communisme peut donc s'offrir une nouvelle virginité qu'aucune suspicion ne risque d'entacher. Le communisme sera un acteur à part entière dans l'extension générale du phénomène démocratique. Les partis communistes, étouffés sous la botte nazie et sous l'occupation italienne voient une extraordinaire progression de leurs forces dès le retour à des conditions politiques normales. On oublie le temps du Komintern - d'ailleurs dissous en 1943 - pour ne plus se souvenir que de l'engagement de l'URSS dans le camp antinazi à l'été 1941, quitte à tirer un trait sur le pacte germano-soviétique d'août 1939.

Forts d'une influence politique incontestable, riches d'un capital moral intact et perçus comme des acteurs sociaux incontournables, les communistes savent que le rapport des forces leur est favorable. Aussi vont-ils orienter leurs efforts vers la prise du pouvoir. La ligne de pente est tout entière balisée par une confidence de Staline à Tito: «Cette guerre ne ressemble pas à celles du passé. Quiconque occupe un territoire y impose son système social.» L'offensive, qui sera la même à l'Est et à l'Ouest, s'effectue sous le couvert, purement formel, de démocratie nouvelle. Le premier mécanisme du dispositif est constitué par la participation au gouvernement, de préférence dans la police et dans l'armée. Le deuxième ressort de l'offensive implique la mobilisation des masses sur fond d'exaltation de l'union nationale: mise à l'honneur dans le cadre de l'effort de guerre («jusqu'à la victoire»), celle-ci trouve un nouveau souffle dans le défi de la reconstruction (la «bataille de la production»). Enfin, en déployant une stratégie d'alliance avec les Alliés, les communistes s'assurent de la maîtrise, in fine, du cran de sûreté du dispositif. Il leur suffit de jouer à la fois sur la fibre patriotique - une manière de séduire la droite nationaliste - et sur la fibre sociale en poussant à la fusion avec des partis socialistes affaiblis. Ce n'est pas un hasard si dans toute l'Europe de l'Est les partis communistes se présentent aux élections sous l'étiquette de Front patriotique ou de Front national. Si les fusions avec les socialistes sont sans effet en Europe occidentale, il en va tout autrement à l'Est, où elles aboutissent à la liquidation du courant social-démocrate. Et il ne faudra pas longtemps pour que cette stratégie conduise, dans les pays sous occupation soviétique, au renversement des régimes démocratiques qui ont vu le jour en 1945.

Pour avoir abandonné un temps le cadre de référence - la lutte contre le capitalisme pour le socialisme - au profit de la lutte contre le fascisme, Moscou a réussi à opérer une inflexion idéologique fondamentale. En identifiant communisme et démocratie, les stratèges moscovites ont accouché d'un postulat d'airain dont la première - et la plus durable - conséquence a été de miner le terrain de la contestation, interdisant que l'on s'interroge sur le vrai visage de la démocratie en URSS et dans le camp communiste.

Grâce à son apport décisif à la victoire alliée, l'URSS fait donc figure de superpuissance, au même titre que les Etats-Unis. Quant aux Etats qui prétendaient, dans les années 1930, au statut de grande puissance, trois d'entre eux - l'Allemagne, le Japon et l'Italie - connaissent, à des titres divers, une «année zéro». Paradoxalement, deux autres pays sortent affaiblis par leur victoire: victoire économiquement ruineuse pour le Royaume-Uni; victoire à la Pyrrhus pour la France, qui a connu l'occupation, le pillage, et qui doit au général de Gaulle, et à une résistance très minoritaire, sa place dans le camp des vainqueurs. Mais c'est sans doute du côté de leurs empires coloniaux que Londres et Paris vont prendre la mesure de leur abaissement géopolitique. En témoignent, à partir de 1945, les événements de Sétif pour la France, de l'Inde et du Proche-Orient pour la Grande-Bretagne.

Crise dans l'Empire français
Dès la fin de la guerre, tout indique que l'Empire traditionnel de la France est menacé. Les signes en sont multiples, qui relèvent autant de la subjectivité - l'image de la France sauvée par ses colonies est enracinée dans de nombreux esprits - que d'un réel avéré: c'est bien sur l'outre-mer que la France libre s'est appuyée pour reconquérir la métropole, c'est bien Alger que le Comité français de Libération nationale (CFLN) a élu capitale en juin 1943. Le sang des colonisés a coulé: ceux qui sont revenus des plages de Normandie le savent, et en témoignent. A la veille du débarquement, la France libre a effectivement recruté, hors de la métropole, quelque 560'000 hommes, dont 300'000 originaires d'Afrique du Nord, d'Afrique noire et d'Océanie. Pourtant, dans la surenchère patriotique née de la Libération, personne ne songe à abandonner la moindre parcelle d'Empire. Etrange disposition vue d'Alger, de Tunis, de Saigon, de Brazzaville, où l'on va bien vite opposer à l'arrogance retrouvée de la métropole la situation qui était la sienne en mai 1940, celle de l'Occupation et son cortège d'humiliations. Le général de Gaulle aura rapidement perçu que la guerre a fragilisé les liens entre les puissances européennes et leurs possessions coloniales. C'est là le sens profond de la conférence de Brazzaville (30 janvier-8 février 1944), où, pour la première fois, il est question d' «émancipation»: même si le mot d'indépendance n'a pas été prononcé, chacun garde à l'esprit que quelque chose s'est passé dans cette «Conférence africaine française», ne serait-ce que sous la forme d'une promesse d'évolution. D'ailleurs celle-ci obtient, avec la charte des Nations unies, un surcroît de «légitimité» aux yeux des colonisés, puisque le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes y figure en bonne place. Si l'idée de fédéralisme et d'autonomie remet en question les conceptions coloniales traditionnelles, il reste que, en 1945, la restauration de l'autorité de l'Etat, dans tous les domaines et en tous lieux, apparaît comme le souci majeur des dirigeants français.

La répression à Sétif et Kherata en Algérie (mai-juin 1945) et le retour en force de la présence française en Indochine - en dépit de la proclamation de l'indépendance du Viêt-nam par Hô Chi Minh, le 2 septembre 1945 - témoignent de la volonté de maintenir le statu quo dans l'Empire.

En resserrant, au sens propre du terme, les liens avec son Empire de façon aussi rapide et brutale, Paris tend à effacer, dans l'imaginaire collectif, le souvenir de Sedan et de Montoire. Que la manœuvre sur l'opinion métropolitaine soit convaincante resterait à prouver - disons que l'affaire fait alors débat -, en revanche les effets dans l'Empire se révèlent désastreux. La sauvagerie avec laquelle sont réprimées les émeutes algériennes - des villages sont bombardés par l'aviation et la marine - suscite un parallèle entre la barbarie nazie et les exactions coloniales. La Résistance, dont chacun se réclame en France comme pour exorciser la Collaboration, change de camp.
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MessageSujet: Re: Les nouvelles donnes (1945/1989)   Les nouvelles donnes (1945/1989) EmptyMer 3 Mai - 18:01

Dès 1945, les nationalistes en reprennent à leur compte et les ressorts et la symbolique pour la fondre, mieux sans doute que les Alliés n'avaient su le faire, dans un universalisme de la libération. Deux ans après Sétif naît au Caire un Comité de libération du Maghreb arabe qui vise à la coordination des principaux partis nationalistes en Afrique du Nord: Néo-Destour en Tunisie, Istiqlal au Maroc, Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques en Algérie. On connaît la suite. Moins de dix ans après la reddition des forces de l'Axe éclate en Algérie l'insurrection de novembre 1954, qui aboutira, au terme d'une terrible guerre, à l'indépendance en 1962.

En Afrique noire, pour n'être pas aussi spectaculaires que dans le Maghreb, les choses bougent aussi. La nouvelle élite - notamment Léopold Sédar Senghor au Sénégal, Félix Houphouët-Boigny en Côte-d'Ivoire - entend tirer bénéfice de la contribution du continent noir à l'effort de guerre. Il appartient au Rassemblement démocratique africain (RDA), fondé le 21 octobre 1946 à Bamako, d'organiser l'émergence du nationalisme africain. Paris tente toutefois de le canaliser. Aussi, dans la Constitution du 27 octobre 1946, l'expression «Empire français» cède-t-elle la place à l' «Union française».

Si certains éléments d'autonomie atténuent la tendance assimilatrice, l'autodétermination n'est pas à l'ordre du jour: le gouvernement de la République reste celui de l'Union, dont le pouvoir législatif est assuré par le Parlement de la République. Au bout du compte, les organes de l'Union n'ont que des attributions consultatives. Un peu partout, les autochtones désespèrent des «promesses» de Brazzaville, quand elles ne manifestent pas leur impatience de la manière la plus brutale, comme à Madagascar en mars-avril 1947. La terrible répression de l'insurrection malgache apparaît comme la dernière remise au pas dans l'Empire. Ailleurs, en Afrique noire, en Algérie et dans le reste du Maghreb, la multiplication des résistances et des soulèvements finira par déborder la République.

Massacres à Madagascar
Le bricolage juridique qui consiste à substituer l'Union française à l'Empire français suscite un peu partout dans les colonies amertumes et déceptions. Mais à Madagascar, colonie devenue territoire d'outre-mer en 1946, ce sentiment se traduit par une dramatique flambée de violence. Le 30 mars 1947, des centaines d'insurgés attaquent simultanément, dans une dizaine de districts, des dépôts d'armes, des centres de colonisation, incendiant les concessions, coupant les voies ferrées. Quelque 150 civils et militaires sont assassinés. La métropole détourne de leur route des troupes se rendant en Indochine pour encercler les insurgés. Dans un premier temps, ceux-ci se réfugient dans la grande forêt orientale de l'île. Les opérations, interrompues par la saison des pluies, reprennent en avril 1948. La répression sera alors d'une grande cruauté. Aujourd'hui encore, il est impossible de connaître avec précision le nombre des victimes.

Dans une enquête menée en 1952 aux fins d'indemnisation, l'administration française fera état de 11'325 morts. Pour sa part, le Comité international de la paix, d'obédience communiste, dénoncera le colonialisme français coupable d'avoir causé la mort de 80'000 Malgaches. En 1958, l'île devient une république autonome, avant d'accéder à l'indépendance deux ans plus tard.

Remise en question dans l'Empire britannique
Dans l'autre grand Empire, celui du Royaume-Uni, se présentent des difficultés analogues. Les forces de l'Axe y ont porté la guerre en tous points, en Asie et dans les océans Pacifique et Indien, au Proche et Moyen-Orient - où les troupes britanniques ont dû occuper plusieurs «satellites», comme l' Egypte et l' Irak, pour les contraindre à participer à la guerre dans le camp des Alliés. Mais, dès 1945, Londres entend remettre la main sur ses possessions. Aussi, les Britanniques s'empressent-ils de réoccuper ce qu'ils avaient un temps perdu. Leur attitude à l'égard de Hongkong - qu'ils refusent de remettre à la Chine, leur alliée - est à cet égard exemplaire. Mieux encore, ils multiplient de grandioses projets de développement du Moyen-Orient et de l'Afrique, quitte à oublier que la métropole sort économiquement exsangue de la guerre. Pourtant, cette euphorie volontariste s'accommode mal de la réalité de 1945. Des lézardes commencent à se dessiner qui vont aboutir, en l'espace de vingt ans, à la ruine quasi totale de l'édifice impérial. Les raisons en sont multiples, et leurs conjonctions redoutables.

La déferlante japonaise en Asie du Sud-Est a mis à mal le prestige des Britanniques. Et personne n'ignore que le redressement militaire n'a été possible que grâce à l'intervention américaine. La chute de Singapour, véritable «ligne Maginot» destinée à protéger l' Australie et la Nouvelle-Zélande, a été perçue à Canberra et à Wellington comme une catastrophe aux accents de trahison. On y reste loyal à la métropole, mais on sait aussi que seuls les Etats-Unis sont capables d'assurer la sécurité des océans. De plus, la force d'attraction des Etats-Unis dans la zone Pacifique se trouve renforcée par le discours anticolonialiste de Washington. D'ailleurs, Winston Churchill avait tenté, dès 1941, de limiter la portée de la Charte de l'Atlantique en spécifiant qu'elle ne concernait en rien les peuples coloniaux. Un point de vue que les Etats-Unis n'ont jamais partagé: tout au long de la guerre la Maison-Blanche a multiplié promesses et encouragements aux nationalistes - notamment en Inde -, tandis que Londres redoutait que l'anticolonialisme traditionnel de son allié ne lui impose d'inadmissibles concessions. Par ailleurs, la propagande japonaise - promesses d'instauration d'une «aire de coprospérité» des peuples asiatiques indépendants - a pu prospérer sur le terrain de l'humiliation britannique.

Fortes zones de turbulences également au Proche et au Moyen-Orient, où le panarabisme fait des progrès. A la recherche de l'établissement d'un pôle régional qu'elle influencerait, la Grande-Bretagne a donné sa bénédiction au mouvement. Aussi les Britanniques vont-ils transformer, en mai 1945, le statut de la Transjordanie sous mandat en accordant à son souverain le titre royal et en faisant du «royaume de Jordanie» un Etat indépendant. L'Egypte, qui a pris conscience des attraits de la carte panarabe, prend toutefois soin d'associer l'Arabie Saoudite à la partie, dans l'idée de faire contrepoids à l'Irak. Le puzzle du nouveau monde arabe se met en place; viennent le compléter la Syrie et le Liban, émancipés du protectorat français. L'activité que déploie le Foreign Office dans la région laisse à penser que Londres a pris en compte les bouleversements de la guerre - sans doute mieux que la France à l'égard de ses colonies - et qu'il tente de les maîtriser à son avantage. Les gains en sont néanmoins relatifs. En ayant donné au vieux projet panarabe les instruments de son instauration, la Grande-Bretagne a certes convaincu quelques frères ennemis de souscrire à une assurance unitaire, mais celle-ci se révélera fragile: les pays arabes, trouvant le montant de la prime politiquement trop élevé, ne tarderont pas à résilier le contrat.

Quoi qu'il en soit, en 1945, l'heure est encore à l'unité, d'autant plus que, vue des capitales arabes, la question palestinienne appelle au front commun du refus: sur les dix-sept résolutions prises lors de la réunion du Conseil de la Ligue, le 14 décembre 1945, onze concernent la Palestine. De son côté, la Grande-Bretagne, prise entre les espérances sionistes, après le drame de l'extermination du judaïsme européen, et l'opposition arabe à tout Etat juif, doit bientôt renoncer à imposer son arbitrage. Non seulement les moyens financiers font défaut, mais le soutien américain à la cause sioniste interdit toute aventure militaire en Palestine. On s'achemine donc vers l'épreuve de force qui aboutit, en 1948, à la création de l'Etat d' Israël et à la première guerre israélo-arabe.

Comparée à l'effervescence proche-orientale, la situation de l'Afrique est moins problématique. En dehors de quelques pays, comme le Ghana ou le Nigeria, les nationalistes n'y constituent qu'une maigre force. Pour le reste, les Britanniques continuent de jouer, pour encore quelques années, des rivalités ethniques. Ils sont d'ailleurs encouragés par leur puissant dominion sud-africain à s'opposer à toute tentation de décolonisation rapide.

L'émergence du tiers-monde
Au Moyen-Orient - comme en Europe -, la fin de la guerre voit se mettre en place les futurs contours de la «guerre froide», tandis que les Etats-Unis reprennent dans la région le rôle de la puissance britannique défaillante. La proximité de l'URSS aidant, Washington réussit à arrimer la Turquie et l'Iran au camp occidental, alors que le nationalisme arabe, en réaction à la présence britannique et à la persistance du problème palestinien, s'orientera peu à peu vers le non-alignement et le rapprochement avec Moscou. Au Proche-Orient, l'Arabian American Oil Company tend à supplanter le Foreign Office.

Aux aspirations des peuples à la libre détermination, les grandes puissances répondent en ordre dispersé. Les «promesses» de Brazzaville sont lourdes des violences qui agitent déjà l'Indochine et l'Algérie; la conférence du Caire, acte de création de la Ligue des Etats arabes, montre que la Grande-Bretagne tente d'accompagner le mouvement. En fait, l'immense vague émancipatrice née de la victoire de la Grande Alliance, remportée au nom des droits des peuples à l'autodétermination, menace les empires coloniaux. Les mouvements nationalistes s'engouffrent dans la brèche ouverte par la charte de San Francisco et trouvent, directement ou indirectement, un soutien auprès de Washington et de Moscou.

D'ailleurs, l'URSS de Staline partage, pour des raisons idéologiques autant que stratégiques, la volonté des Etats-Unis de hâter l'émancipation des peuples. Une volonté non dénuée d'arrière-pensées, au moment où les grands blocs se mettent en place et où se dessine l'affrontement Est-Ouest. Chacun peut voir, en 1945, les effets immédiats de la guerre: pertes humaines effroyables, déplacements de populations, destructions par pans entiers de villes, etc. Les grandes puissances coloniales, confrontées à l'urgence de la reconstruction, sont plutôt enclines à remettre à plus tard la question des colonies, quitte à opérer ici et là quelques replâtrages, voire une remise au pas. Il reste que, un peu partout, les nationalistes travaillent au réveil du Sud, du futur «tiers monde», qui deviendra un phénomène majeur de l'histoire contemporaine.
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MessageSujet: Re: Les nouvelles donnes (1945/1989)   Les nouvelles donnes (1945/1989) EmptyMer 3 Mai - 18:02

La guerre froide


La guerre froide : nom donné au raidissement diplomatique et idéologique entre les pays occidentaux (Europe de l'Ouest et Etats-Unis) et les pays du bloc socialiste (Chine populaire, URSS et pays d'Europe de l'Est), entre 1945 et 1989.

La question allemande au cœur de la guerre froide
Jusqu'au début de l'année 1945, les exigences de la lutte commune contre les forces de l'Axe ont fait passer au second plan les désaccords entre les vainqueurs concernant l'organisation du monde après la défaite de l'Allemagne. Le semblant de cohésion affiché à Yalta (février 1945) n'est déjà plus qu'un souvenir lors de la conférence de Potsdam (juillet). Bien trop vagues, les accords de Potsdam - dénazification de l'Allemagne, question des réparations - ne sont pas de nature à offrir aux Alliés les moyens de trancher les différends qui naîtront de leur application.

C'est ainsi que l'URSS, qui sort exsangue de sa lutte contre l'Allemagne, transforme très vite sa zone d'occupation en zone de pillage. Si la partition de l'Allemagne n'intervient qu'en 1949, tout indique qu'elle est contenue dans les prises de position antagonistes dès 1946, ce qui n'avait pas échappé à Winston Churchill, qui, en mars 1946, parle déjà d'un «rideau de fer». Plus tard, les espoirs suscités par la disparition de Staline (mars 1953) font long feu, comme en témoigne l'échec de la conférence des ministres des Affaires étrangères, à Berlin, en 1954. Bien plus, en voulant renégocier le statut de Berlin, Nikita Khrouchtchev est loin d'apaiser les tensions.

Les points chauds de la guerre froide
Si l'Europe centrale - où tous les pays sont passés dans la zone d'influence soviétique entre 1947 et 1948 - et l'Allemagne constituent le terrain des premiers affrontements de la guerre froide, celle-ci s'étend en Asie avec l'arrivée au pouvoir des communistes en Chine (1949). Dès lors, l'affrontement est-ouest acquiert une dimension planétaire.
L'invasion de la Corée du Sud par les troupes nord-coréennes en 1950 est interprétée par les Etats-Unis comme un complot communiste. Toutefois, la Chine et l'URSS ne se sont nullement concertées en la matière. D'ailleurs Pékin ne se décidera à intervenir que lorsque l'avance américaine paraîtra menacer son territoire. Premier avatar dramatique de la guerre froide, l'affaire de Corée conduit les Etats-Unis à adopter une stratégie d'encerclement de l'Union soviétique (endiguement du communisme), d'une part, en déployant un réseau de bases militaires, de l'autre, en concluant une série d'alliances périphériques (OTAN, OTASE). C'est dans le même esprit que Washington accélère la reconstruction du Japon.

A partir des années 1950, la guerre froide se déplace au Moyen-Orient, avec la signature du pacte de Bagdad (1955). L'intervention américaine au Liban, en 1958, pousse l'URSS à soutenir la Syrie. Moscou apportera son appui aux pays arabes lors de la guerre israélo-arabe de 1967. Finalement, les Etats du Moyen-Orient vont être divisés entre pro-occidentaux et pro-soviétiques sous l'effet de la guerre froide.

Les stratèges du Pentagone expliquent alors l'expansion soviétique dans le monde à l'aide de leur «théorie des dominos»: l'Union soviétique chercherait à faire tomber un à un les pays alliés des Etats-Unis, la chute d'un de ces pays entraînant une déstabilisation de la région susceptible à son tour de faire basculer de nouveaux pays dans le camp socialiste. Les Etats-Unis y répondent par la politique du «containment»: il faut contenir l'expansionnisme socialiste en intensifiant l'intervention militaire dans les pays menacés. Ainsi, les Etats-Unis sont amenés à intensifier leur intervention militaire, notamment au Laos, au Cambodge et finalement au Viêt-nam.

La guerre froide et le spectre atomique
Le monopole américain en matière d'armes atomiques offre un curieux paradoxe. C'est en effet pendant cette période - de 1945 à 1953 - que le communisme engrange ses plus grands succès sur l'échiquier international. L'Europe de l'Est est entièrement soviétisée - à l'exception de la Yougoslavie -, le communisme triomphe en Chine, l'URSS mène une politique très agressive (blocus de Berlin, pression sur la Turquie et l'Iran).

En revanche, le spectre de l'atome plane, en 1956, sur la crise de Suez - Moscou n'hésite pas à brandir la menace atomique, avec la complicité de Washington, pour rappeler à l'ordre Paris et Londres - et lors de la crise des fusées à Cuba (1962). Celle-ci représente un tournant dans la guerre froide, en introduisant une sorte d'armistice qui ouvre, l'année suivante, la voie à une série de mesures de contrôle de la menace nucléaire («téléphone rouge», traités prohibant la plupart des essais nucléaires, non-dissémination des armes de ce type).

La fin de la guerre froide
Les décennies 1960, 1970 et 1980 connaissent encore nombre de crises et voient Américains et Soviétiques s'affronter par pays tiers: en Ethiopie (1962), en Angola (1975), au Mozambique (1975), en Afghanistan (1980) ou au Nicaragua (1982). Par ailleurs, le traité de Moscou (1963) n'entame en rien l'intensification de la course aux armements nucléaires que se livrent les deux superpuissances. Toutefois, la rivalité américano-soviétique n'apparaît plus comme le trait fondamental de la situation internationale. Dans de nombreux cas de figure, les deux grandes puissances se sont plutôt employées à calmer leurs alliés qu'à pousser leurs pions respectifs.

L'arrivée au pouvoir en URSS de Mikhaïl Gorbatchev (1985) aboutit rapidement à un dégel américano-soviétique, puis au démantèlement de l'empire soviétique en 1991. Mais déjà, la chute du mur de Berlin, en novembre 1989, par sa portée symbolique, peut être considérée comme la fin de la guerre froide.

L'héritage de la guerre froide
La redistribution des cartes au lendemain de l'effondrement d'un des deux piliers de la guerre froide ouvre, à l'aube du troisième millénaire, une période d'instabilité et d'incertitude géopolitique. Les Etats-Unis hésitent à assumer seuls le rôle de superpuissance, alors qu'il paraît certain que la Russie, dépositaire de l'héritage de l'ex-URSS, entend, malgré ses difficultés politiques et économiques, ne pas se contenter d'un rôle de figurant sur l'échiquier international.

Le rapprochement opéré entre Moscou et Pékin en 1996, destiné à contrebalancer le renforcement, cette même année, de l'axe Washington-Tokyo, suffirait à témoigner que la période de flottement qui a suivi la disparition de l'empire soviétique toucherait à sa fin. S'il reste néanmoins difficile d'envisager avec certitude ce que sera l'après-guerre froide, on peut affirmer que l'affrontement idéologique qui a opposé les deux blocs pendant une cinquantaine d'années a contribué à la désagrégation des empires coloniaux et à l'émancipation de l'Asie et de l'Afrique. Une réalité qui constitue, au regard de l'histoire, l'un des événements majeurs du XX e siècle.
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MessageSujet: Re: Les nouvelles donnes (1945/1989)   Les nouvelles donnes (1945/1989) EmptyMer 3 Mai - 18:03

Les mutations culturelles et idéologiques


L'Europe est un champ de ruines
Plus encore qu'en 1918, l'Europe est un champ de ruines. Le défi de la reconstruction trouve à s'exprimer, à une vitesse étonnante, dans tous les domaines. Loin d'être le seul fait des politiques, des fonctionnaires ou des architectes, il est l'affaire de tous. Chacun entend y participer, même l'Eglise. D'ailleurs, «la recherche d'un homme nouveau», qui préoccupe les intellectuels européens, témoigne à sa manière que l'ambition de reconstruction déborde largement le cadre matériel, qu'elle ne touche pas seulement l'économie et la politique. Avec la défaite du fascisme italien et du totalitarisme nazi, l'idée de la démocratie fait un retour triomphal; c'est à sa mesure que s'organisent les grands chantiers, elle en balise l'horizon, en constitue à la fois les fondations et les étais. Aspiration collective, la démocratie se trouve de nouveaux habits - pas seulement américains, puisque même Staline en est revêtu un temps. Légitimée par tous, jusqu'au pape Pie XII, qui lui donne sa bénédiction, la démocratie politique accouche de la Sécurité sociale, semble découvrir le souci du plein-emploi.

Avec ces réformes, l'Europe occidentale acquiert ce supplément d'âme aux couleurs sociales qui lui manquait. En posant comme une hypothèse de sa propre survie l'égalité des conditions, la démocratie prétend à cet universalisme qui s'exprime dans les accords de Bretton Woods, dans la fondation des Nations unies et dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. L'enthousiasme pour la liberté, et son corollaire, le rejet de l'obéissance, qui a fait le lit des totalitarismes en Europe et en Asie, prend le visage d'une véritable guérison par l'action: le plan Marshall puis la réconciliation franco-allemande en seront les témoignages formels. La manière pragmatique des Américains ou la praxis communiste montrent la voie. L'idée de progrès en fédère déjà les antagonismes, jette une passerelle de part et d'autre du «rideau de fer».

Le progrès comme fuite en avant
Pour remettre la machine en marche, il faut croire au progrès. De l'enthousiasme pour le progrès dépend cette résurrection qui se fera, sinon au prix d'une amnésie collective, au moins dans la fuite en avant. Pourtant trois faits massifs obscurcissent l'intelligence: la déportation et l'extermination massives des Juifs d'Europe, la mise en place du rideau de fer, l'installation dans la moitié de l'Europe débarrassée du nazisme du totalitarisme soviétique, avéré depuis dix ans et dénoncé par de nombreux intellectuels, tel Arthur Koestler dans le Zéro et l'Infini (1940) et le Yogi et le Commissaire (1945). L'attitude des opinions progressistes en France et au Royaume-Uni est à cet égard exemplaire. L'idéalisation dont bénéficie l'URSS du fait de sa contribution à la victoire y prend des allures d'absolution. On ferme les yeux sur les camps de concentration soviétiques, les procès de Moscou et la servitude à l'Est, péchés de jeunesse de ce côté de l'Europe. Faut-il, à peine sortis de la résistance au nazisme, s'engager sur la voie d'une autre résistance, celle-là contre le communisme? Peu nombreux sont alors ceux qui en manifestent l'intention. Bien plus, la fascination du communisme a pour effet de rendre inopérante la réflexion politique sur la nation et la société inaugurée au XVIII e siècle.

L'imprégnation de l'hitlérisme et du communisme dans le paysage mental de l'immédiat après-guerre semble devoir reléguer dans la préhistoire de la pensée, comme un objet incongru et incertain, toute critique du progrès, pourtant entreprise en France, un peu plus de dix ans auparavant, avec une étonnante acuité par le sociologue Georges Friedmann (la Crise du progrès, 1937). Alors même que l'on sort de la plus formidable régression de l'humanité - mais aussi sans doute parce que l'on en sort -, l'idée de modernisation, intimement liée à celle de perfectibilité, est très largement partagée: elle se décline sur le mode du devoir, fait figure de point de départ, est unanimement acceptée comme condition de la renaissance. Spiritualistes, chrétiens, libéraux classiques, existentialistes et marxistes s'y retrouvent qui, pour diverger sur la vision du monde futur, n'en sont pas moins tous impuissants à porter un regard pénétrant sur un passé immédiat, à méditer sur la mort et la résurrection d'une culture.

Cette réflexion sera pourtant menée par une jeune génération d'intellectuels, auxquels Hannah Arendt montre, dès 1945, la voie en étudiant de façon historique et systématique les Origines du totalitarisme (1950), quitte à faire se juxtaposer communisme et totalitarisme. Une préoccupation que partagent, notamment, Albert Camus - l'Homme révolté (1951) relie à notre histoire nazisme et stalinisme - et Ludwig Wittgenstein, avec les Investigations philosophiques (1945), mais qui ne leur vaut finalement qu'une audience restreinte, quand il ne s'agit pas d'une volée de bois vert administrée par des intellectuels venus d'horizons les plus divers. Analyses dérangeantes, réflexions à contre-courant vaudront à ces figures incommodes de connaître une manière de purgatoire dont l'historiographie marxiste conservera les clés pendant une trentaine d'années.

Le philocommunisme en Europe occidentale
On l'a dit, la contribution de l'URSS à la victoire des Alliés lui vaut un prestige immense. Face à l'héroïsme des soldats de l'Armée rouge, en regard du martyre du peuple soviétique, les procès de Moscou (1936-1938) ou le pacte Ribbentrop-Molotov d'août 1939 ne sont que «détails». L'engouement massif et durable pour le communisme stalinien est, dès 1945, l'expression la plus spectaculaire de cette amnésie. Certes, l'adhésion ou l'imprégnation communiste d'une grande partie de l'intelligentsia n'est pas en soi une chose nouvelle: les années 1930 ont connu leur lot d'intellectuels français, britanniques, américains qui ont considéré avec bienveillance les premiers pas de Staline. Mais, à l'époque, cette sympathie parfois active se doublait de l'engagement d'écrivains, d'artistes, d'universitaires non moins nombreux en faveur du fascisme. En 1945, la donne est nouvelle. Le fascisme a été balayé, et la ligne de démarcation qui séparait démocratie et totalitarisme, derrière laquelle chacun organisait ses certitudes, a quelque peu perdu ses contours jadis évidents pour tous.

La soviétophilie naît avant tout du rejet de la démocratie de type classique, celle qui a conduit, par pusillanimité, à l'embrasement général. En rappelant que ce sont les accords de Munich qui ont montré que la liberté selon les démocraties occidentales était finalement une valeur non transcendante - le monde sera toujours assez vaste pour qu'on y commerce, fût-ce avec un allié de moins -, on fait le procès des démocraties mercantiles et décadentes tout en cédant à la tentation d'offrir à l'URSS stalinienne le rôle de grand juge des aveuglements d'hier. Pour avoir accepté l'Anschluss et la disparition de la Tchécoslovaquie, les démocraties libérales ont clairement montré leur cynisme. Le temps est donc venu de retrouver le chemin d'une démocratie plus authentique dont l'Union soviétique indique la direction. Les intellectuels laïques ne sont pas les seuls à montrer de l'intérêt pour l'expérience communiste. En France, notamment, on assiste au basculement d'une fraction significative des intellectuels catholiques vers le marxisme et le communisme. Pour s'être compromise avec le régime de Vichy, la hiérarchie catholique voit une partie de ses fidèles glisser vers «l'Eglise de Moscou». Il convient d'ailleurs de rappeler que l'URSS n'a pas ménagé sa peine pour discréditer la papauté. C'est en effet des pays du bloc de l'Est que sont parties les campagnes contre Pie XII et ses «silences». Celles-ci poursuivent alors un double objectif: d'une part, il s'agit de démanteler les citadelles catholiques subsistant sur les nouveaux glacis de l'empire soviétique; de l'autre, de contrarier, en argumentant sur le thème du «pape germanophile», les formations des démocraties chrétiennes, essentielles dans l'établissement des nouveaux équilibres politiques en Europe occidentale.

Plus globalement, et loin des manœuvres moscovites, les intellectuels, laïques et catholiques confondus, n'ont pas oublié la place et la fonction tenues par l'anticommunisme dans les discours et les crimes des collaborateurs et des nazis. Dans le grand chantier matériel et spirituel de l'après-guerre, l'antifascisme est la valeur refuge par excellence, tout entière incarnée par l'URSS.

Le modèle culturel américain
Face à l'influence de l'Union soviétique, la vitalité américaine va, jusqu'en 1947, s'exercer moins sur le terrain de la politique que dans le domaine de la culture, comprise dans sa signification la plus large: des arts au mode de vie. Partout dans le monde, l'image des Etats-Unis est forte. En Asie, les soldats américains sont venus à bout de l'expansionnisme nippon. Leur départ rapide se traduit par un surcroît de prestige et une admiration sans bornes pour le mode de vie, les matériels et les méthodes américains.

Au Japon, la société se met à l'heure yankee. Ainsi l'alimentation change-t-elle: avec l'introduction des produits laitiers, les japonais vont grandir en moyenne d'une vingtaine de centimètres en quarante ans. Les «G.I.» qui se promènent dans les rues de Paris, de Berlin ou de Tokyo ont dans leur paquetage du Coca-Cola - boisson considérée comme hygiénique - et des cigarettes, dont les Européens ont été privés pendant des années. Moins prosaïque, la demande de divertissements, notamment en Europe, trouve aussi son compte avec la présence des Américains. Conscients du formidable marché qui s'ouvre à eux, les producteurs de cinéma d'outre-Atlantique organisent leur offensive vers l'ensemble de ces marchés. Très vite se mettent en place accords et traités commerciaux destinés à faciliter l'exportation de produits culturels.

En France, en Grande-Bretagne, et bien sûr en Allemagne et en Autriche occupées, les producteurs déploient des trésors d'imagination pour contourner les dispositifs de protection contre la concurrence des films américains. Tandis que les Britanniques doivent ouvrir largement leur marché, les Français maintiennent des quotas protecteurs: quatre semaines par trimestre sont réservées aux films français (accords Blum-Byrnes du 28 mai 1946). L'engouement pour ce nouvel american way of life, non dénué d'une insouciance consumériste largement partagée, durera jusqu'en 1947.

Dès lors, le gouvernement américain va mener à l'extérieur une politique culturelle active dont l'objectif est de contrer l'idéologie communiste. Aussi, la culture américaine suscite-t-elle de violents débats qui épousent assez fidèlement le clivage entre communistes et anticommunistes. Expression du capitalisme et de l'impérialisme américain, les productions de Hollywood sont dénoncées comme telles par le parti communiste français, mais aussi par les travaillistes britanniques, qui tentent d'en limiter la pénétration au sein du Royaume-Uni.

Pour la première fois, la culture est ainsi promue au rang d'agent de la politique extérieure américaine. Jusqu'à la CIA qui est mise à contribution pour la diffusion des valeurs libérales dans le monde. Plus classiquement, c'est par le biais des bourses Fulbright, instaurées en 1947 par le sénateur de l'Arkansas, que des échanges sont organisés entre universitaires.

Au bout du compte, et en dépit des résistances et protectionnismes divers, les modèles américains s'imposent dans une large partie du monde, pénétrant rapidement dans les sociétés européennes, dans celles de certains pays d'Asie, tout comme au Canada ou en Amérique latine. Champions du marketing, les Américains ne feront qu'en étendre les règles élémentaires à la culture.
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MessageSujet: Re: Les nouvelles donnes (1945/1989)   Les nouvelles donnes (1945/1989) EmptyMer 3 Mai - 18:04

Le nouvel ordre économique


Le succès de la diffusion du modèle culturel américain, tout entier permis par la puissance économique des Etats-Unis, n'est finalement que l'expression d'un savoir-faire antérieur à la guerre. Le quasi-désert culturel européen ne constitue, en effet, qu'un formidable appel d'air en forme de demande pour l'industrie cinématographique et discographique américaine. Pourtant, à sa manière, l'irruption des géants de l'industrie hollywoodienne en Europe et, dans une moindre part, en Asie témoigne que rien ne sera plus comme avant.

En 1945, l'économie mondiale vient, dans les trois dernières décennies, de subir de plein fouet deux guerres mondiales et la grande crise économique de 1929. Complètement désorganisée, elle doit faire face à des problèmes qui se posent en termes nouveaux.

Le dollar roi
Pendant trente ans, le système mondial des échanges et des paiements internationaux, assuré jusqu'en 1914 dans le cadre de l'étalon-or, s'était essoufflé à la recherche d'une nouvelle cohérence. Cette impuissance avait pris la forme d'un repli sur les Etats-nations, voire sur des espaces régionaux. C'est la raison pour laquelle la mise au point d'une nouvelle organisation de l'économie internationale après la Seconde Guerre mondiale peut être considérée comme la prise de conscience de la nécessaire solidarité des économies nationales. D'ailleurs, l'émergence des nouveaux rapports de force stratégiques et militaires ne s'est pas immédiatement traduite dans les projets de réorganisation des échanges; que l'aide du plan Marshall fût offerte aux pays du futur glacis soviétique en est la parfaite illustration. Ce n'est que plus tard, quand la division du monde en deux blocs antagonistes sera avérée, que la constitution du Conseil d'assistance économique mutuelle, ou COMECON, fera pièce à l'organisation des économies libérales.

Pourtant, dès 1941, les Etats-Unis avaient envisagé les problèmes de la reconstruction de l'après-guerre dans une optique libérale. Parmi les objectifs du gouvernement américain figurait en bonne place la disparition des systèmes préférentiels dont la Grande Dépression avait favorisé l'apparition ou renforcé la tendance. L'entrée en guerre des Etats-Unis après le coup de tonnerre de Pearl Harbor constitue à cet égard une étape majeure, comme l'indique le fait que la loi prêt-bail, votée par le Congrès, considérait l'aide matérielle apportée par les Etats-Unis à leurs alliés comme faisant partie de leurs dépenses propres. A partir de 1944, afin de répondre aux besoins les plus urgents, les Etats-Unis créèrent l'UNRAA (Administration des Nations unies pour les secours à la reconstruction). Les deux plans élaborés en 1943, d'un côté par les Etats-Unis, de l'autre par la Grande-Bretagne, pour tenter d'organiser la coopération internationale étaient guidés par une inspiration commune: il s'agissait de créer un système de changes fixes - finalement assez proche de celui du XIX e siècle -, mais prohibant le recours constant à la déflation chez les pays débiteurs. Inspiration commune, souhait partagé de voir naître une organisation internationale chargée d'autoriser, en cas de nécessité, les dévaluations économiquement justifiées, mais avis divergent quant à la nature de l'institution internationale qui devait présider au nouveau système de changes. Les Britanniques penchaient pour un système autorisant tout pays à compenser ses échanges sans pour autant être astreint à une absolue fixité de son taux de change.

Pour leur part, les propositions américaines visaient à rétablir l'étalon-or: pour Washington, il était plus important de revenir à l'équilibre des balances des paiements entre nations que d'assurer la reconstruction stricto sensu du système des échanges. Au-delà de l'aridité du débat technique, on voit poindre l'enjeu politique. Alors que le Royaume-Uni espère continuer à jouer un rôle international dans le système financier en ne cédant rien sur ses rapports commerciaux avec les pays du Commonwealth, les Etats-Unis s'efforcent d'assurer au dollar le rôle de monnaie mondiale, une prétention que leur prééminence économique semble pouvoir légitimer. La solution américaine s'imposera. Si le système mis en place à Bretton Woods en 1944 n'est pas sans rappeler le Gold Exchange Standard de l'entre-deux-guerres, il s'en démarque par un trait essentiel qui en modifie la nature en profondeur. Dans le cadre du Gold Exchange Standard, la définition de la valeur de la monnaie était donnée en or ou en devises convertibles en or.

En revanche, le système de Bretton Woods introduit une perspective toute différente en stipulant que la définition de la monnaie se fait «en termes d'or, pris comme commun dénominateur, ou en dollars des Etats-Unis, du poids et du titre en vigueur le 1er juillet 1944». De surcroît, si une banque centrale est amenée à vendre ou à acheter de l'or contre sa monnaie à la parité-or déclarée de cette dernière, elle est dispensée d'intervenir sur le marché des changes. Cette disposition va se révéler favorable aux intérêts américains. En effet, à la fin de 1947, les Etats-Unis pouvaient déclarer - par simple lettre adressée au Fonds monétaire international (FMI) - qu'ils vendraient et achèteraient de l'or contre des dollars à 35 dollars l'once à toute banque centrale qui en ferait la demande: ce qu'ils étaient en réalité pratiquement les seuls à pouvoir faire en raison du volume considérable de leur stock de métal précieux. Les Etats-Unis ont pu financer leur déficit avec la monnaie nationale, puisque les banques centrales des pays partenaires se trouvaient dans l'obligation par convention de racheter le dollar à taux fixe de manière à maintenir leur propre parité. On peut objecter que ces dollars étaient convertibles en or. Certes. Mais encore aurait-il fallu que les autorités américaines puissent se procurer du métal à proportion des dollars émis en règlement de leur déficit extérieur: au prix devenu trop bas de 35 dollars l'once, l'affaire se révéla rapidement impossible. C'est ainsi que s'est mis en place le système de création de monnaie internationale par le déficit extérieur des Etats-Unis.

Arsenal des démocraties pendant la guerre, les Etats-Unis étaient prêts à organiser le grand jeu des échanges financiers et commerciaux sitôt la paix revenue. Dès 1945, la puissance américaine reprend le rôle de régulateur du commerce mondial qui avait échu avant 1914 à la Grande-Bretagne. Aussi, à partir de la guerre, l'allure conjoncturelle américaine a-t-elle largement conditionné la croissance et les fluctuations de nombreuses économies nationales.

La parenthèse réformatrice en URSS
A l'égard de l'URSS, le rôle de l'aide américaine pendant la guerre trouve des prolongements au cours des années 1945-1946. Tout au long du conflit, le concours des Etats-Unis a été utilisé de façon beaucoup plus efficace qu'il ne l'avait été dans les années 1930, quand Moscou importait ce qui lui faisait défaut, il est vrai à prix fort. Sous la pression des événements, les conditions de fonctionnement de l'économie soviétique se sont alors fortement améliorées. Les gains de productivité obtenus dans l'industrie de l'armement entre 1942 et 1944 l'indiquent clairement.

Il n'est donc pas étonnant que l'expérience de la guerre ait amené un certain nombre d'économistes soviétiques à considérer sous un angle nouveau la forme future de l'économie planifiée. C'est probablement dans le domaine agricole que les tendances réformatrices se sont le mieux exprimées. Une forme de décollectivisation s'observe en Ukraine par le biais de contrats passés par les kolkhozes avec les familles paysannes organisées en brigades. Impulsées par A. Doubynine, responsable de la reconstruction en Ukraine, ces réformes sont alors soutenues par Nikita Khrouchtchev. Expériences innovantes également dans l'industrie. Les méthodes de planification font l'objet de débats importants durant l'hiver 1945-1946. Certaines des pratiques qui se mettent en place ne sont pas sans rappeler ce que prônaient des adversaires de la collectivisation, comme Boukharine, en 1927 et 1928. De nombreux articles paraissent qui tournent autour de l'efficacité des investissements, certains auteurs appelant à la mise en place de critères «objectifs» de gestion de l'économie. Jusqu'au plan de reconstruction du pays, qui suscite des discussions quant à la nécessité d'envisager la planification sur un mode plus souple. Toutefois, en choisissant le camp des conservateurs - dont Malenkov et Beria orchestrent la partition -, Staline sonne le glas du réformisme. Les économistes qui avaient manifesté trop d'enthousiasme pour les débats sur l'efficacité économique sont priés de rentrer dans le rang de la planification orthodoxe. Nikolaï Voznessenski, directeur du Gosplan, est arrêté et exécuté. Quant à Khrouchtchev, il est réduit à prononcer une humiliante autocritique.

A partir de 1948, la planification emprunte de nouveau sa syntaxe et sa grammaire aux manuels des années 1930. Un mouvement de recollectivisation est à l'œuvre dans les campagnes, qui condamne les effets positifs des mesures adoptées pendant la guerre et juste après la fin des combats. La reconstruction s'abîme dans le chaos économique, l'inefficacité le disputant au gaspillage. Ce brutal retour au dogme planificateur est très exactement contemporain du «coup de Prague», qui écrit la première page du grand livre de la guerre froide. D'ailleurs, la planification telle qu'elle s'impose au même moment dans les pays du bloc communiste se fait, non sur le mode des expériences de 1945, mais bien plutôt sur celui des années 1930: au plan économique, la soviétisation de l'Europe de l'Est apparaît comme un surgeon de l'industrialisation accélérée qu'a connue l'URSS quinze ans auparavant.
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MessageSujet: Re: Les nouvelles donnes (1945/1989)   Les nouvelles donnes (1945/1989) EmptyMer 3 Mai - 18:04

Les bouleversements scientifiques


La maîtrise de l'atome que les Américains libèrent par deux fois à la verticale du Japon signe un double message en forme de symbole. D'une part, l'intégration de la science à l'arsenal militaire, de l'autre, la primauté des Etats-Unis parmi les puissances scientifiques mondiales. Si la Première Guerre mondiale avait été "la guerre des chimistes", la Seconde Guerre mondiale aura été celle "des physiciens". Peu à peu, et ce depuis le début du conflit, les incidences de la recherche et du développement dans le domaine de l'armement ont convaincu les militaires de son importance et de la nécessité de poursuivre l'effort de recherche en temps de paix. L'explosion de la bombe d'Hiroshima a d'ailleurs convaincu la classe politique, et sans doute aussi une bonne partie de l'opinion, que la recherche fondamentale participe aussi à la survie des nations.

L'exportation du modèle américain de recherche
L'imbrication entre la recherche et l'industrie, non dénuée d'une fascination certaine pour l'instrumentation technique, ainsi qu'une tendance avérée au travail en équipe sont autant de caractéristiques de la science américaine. A bien des égards, l'effort de guerre a tiré avantage de ces prédispositions: pour avoir été associés aux projets américains, de nombreux chercheurs alliés s'en sont fait l'écho auprès de leurs gouvernements et n'ont pas manqué de répercuter leurs convictions. L'effet se fait sentir immédiatement dans l'organisation de la recherche en Europe. Eu égard à sa dimension militaire et aux attentes dont elle est maintenant investie dans le domaine civil - pour nombre de chercheurs, la maîtrise de l'atome constituait un horizon lointain dix ans plus tôt -, la physique nucléaire bénéficie d'une attention toute particulière. Quitte à brûler les étapes et à passer outre aux procédures programmatiques habituelles. C'est ainsi que la France se dote d'un Commissariat à l'énergie atomique (CEA) quelques semaines après la fin du conflit (octobre 1945). Consacré à la recherche et au développement, le CEA se trouve placé directement sous l'autorité du président du Conseil. Disposant d'une autonomie financière et administrative, il va fonctionner selon le principe de la grande mobilisation scientifique dont les Etats-Unis ont fourni le modèle.

En Grande-Bretagne, les choses semblent se présenter sous de bons augures. Tout au long de la guerre, les Britanniques ont fait figure de partenaires majeurs dans la collaboration scientifique alliée, s'attachant à maintenir une activité de recherche avancée dans les secteurs de pointe. D'ailleurs, le premier réacteur non américain - œuvre d'une équipe franco-britannique, dépêchée outre-Atlantique en 1942 dans le cadre du projet Manhattan - a pu entrer en fonction au Canada, en septembre 1945. A la fin du conflit, le Royaume-Uni continue de progresser dans le domaine de l'électronique des micro-ondes, n'étant devancé par les Etats-Unis que dans la construction d'accélérateurs de particules. Mais, si dans un premier temps les restrictions sur la diffusion des informations concernant les aspects militaires et les applications industrielles de l'énergie atomique n'ont touché que les puissances tierces - dont la France -, les Britanniques vont très vite apprendre à connaître les limites de la coopération scientifique. En juillet 1946, la loi MacMahon exclut la Grande-Bretagne de tout accès aux nouveaux résultats de la recherche nucléaire atomique.

En dépit du nouveau départ de la science européenne - et des efforts considérables consentis par le Royaume-Uni et la France -, il n'en demeure pas moins que c'est aux Etats-Unis que la mobilisation scientifique permanente a affecté de façon durable et en profondeur le système de recherche. Grâce aux subventions - quatre ans après Hiroshima, 96 % des fonds alloués à la recherche scientifique provenaient du Département de la Défense ou de la Commission de l'énergie atomique -, les universités américaines ont pu maintenir leurs politiques d'équipement et de recrutement. Pour certaines d'entre elles, cela allait signifier deux fois plus de personnel, quatre fois plus de ressources et dix fois plus de fonds qu'à la fin des années 1930.

L'impact du nucléaire dans la pensée stratégique
Il a suffi de deux bombes pour briser la volonté de résistance du Japon, pourtant dominé par un clan militariste résolu à se battre jusqu'à la dernière extrémité. Si Hiroshima et Nagasaki ouvrent bien le cycle de la dissuasion, la pensée stratégique nucléaire n'a pas encore d'existence réelle en 1945. Pour les stratèges de l'époque, le flash atomique apparaît moins comme un nouveau type de guerre que comme une nouvelle modalité de bombardement. Et les rares spécialistes qui ont pu déceler les germes logiques de la pensée stratégique ont essentiellement souligné - à tort - le risque d'une prolifération rapide des nations nucléaires, grandes ou petites. Aussi, il faut attendre que la bipolarité soit avérée pour que se mette en place le jeu abstrait de la dissuasion réciproque.

Les premières conceptions de la stratégie nucléaire découlent du monopole atomique des Etats-Unis. A partir de 1948, les dirigeants politiques et militaires américains acquièrent la conviction que leur pays est invulnérable, dans la mesure où ils conservent entre leurs mains un terrifiant appareil de destruction capable d'arrêter toute tentative soviétique d'agression. La «stratégie périphérique» - qui s'est concrètement traduite par l'établissement d'une ligne continue de bases aériennes américaines allant de l'Alaska au Japon en passant par le Groenland, l'Europe occidentale, la Méditerranée, le Moyen-Orient et les Philippines - est alors censée réaliser les conditions d'une menace permanente. Jusqu'en 1953, c'est sur la forme d'une juxtaposition de deux types de guerre que sera envisagée la perspective d'un nouveau conflit: d'une part, un conflit classique, conduit avec des moyens terrestres, navals et aériens; de l'autre, une guerre atomique, avant tout aérienne, et visant à la destruction des objectifs stratégiques de l'adversaire. Les dirigeants américains sont alors persuadés que la seule virtualité de la menace atomique doit suffire à décourager toute tentation agressive. Dans leur esprit, le Strategic Air Command (SAC), solidement installé tout autour de l'adversaire, constitue la cheville ouvrière de la dissuasion.

Cette conception de la stratégie va toutefois réserver à la politique américaine quelques amères désillusions et offrir à l'historien, selon la formule de Raoul Girardet, «la constatation d'assez surprenants paradoxes». C'est en effet pendant la période du monopole nucléaire des Etats-Unis, soit entre 1945 et 1949, que l'URSS et la cause communiste vont marquer des points décisifs sur le plan international: instauration des démocraties populaires en Europe orientale, «coup de Prague», victoire de Mao Zedong en Chine. C'est aussi pendant cette période que Moscou fait montre d'une agressivité certaine: blocus de Berlin, pression sur la Turquie et sur l'Iran, guerre civile en Grèce, blocage systématique à l'ONU, campagne de propagande violemment antiaméricaine. Une situation paradoxale qui tient à l'appréciation qu'ont déjà les Soviétiques de la dialectique nucléaire. Tout semble en effet s'être déroulé comme si Moscou était persuadé que, à condition de ne pas dépasser une certaine limite, les dirigeants américains n'oseraient pas utiliser l'arme absolue. Dans cette perspective, le rapport des forces éclaire d'un jour intéressant la posture stratégique des deux camps. Les Etats-Unis et les puissances alliées ont précipité leur désarmement après 1945, alors que l'URSS conserve, en matière de moyens conventionnels, une supériorité écrasante. Bien que cet avantage se trouve théoriquement compensé par le monopole atomique américain, il paraît évident que l'arme nucléaire ne peut être considérée comme une arme semblable aux autres. Quelque chose dans son pouvoir effrayant de destruction indique que son emploi est moralement interdit, du moins pour un enjeu secondaire ou de caractère local. A contrario, il n'y a guère que l'invasion de l'Europe occidentale qui aurait pu légitimer l'intervention des bombardiers du SAC à la verticale du territoire soviétique. On sait que Staline ne s'y est pas risqué. Finalement les Etats-Unis détenaient bien une arme décisive, mais ils ne possédaient que celle-là. C'est ainsi que la possession de la bombe par les seuls Américains aura eu ce curieux effet de contribuer à consolider le rideau de fer, conférant une valeur absolue à une ligne de démarcation qui n'avait été tracée à l'origine que pour délimiter temporairement les zones d'occupation sur le territoire de l'Allemagne vaincue.

La «guerre froide» se transforme localement en «guerre chaude» quand, le 25 juin 1950, les troupes communistes de la Corée du Nord franchissent le 38e parallèle et envahissent le territoire de la Corée du Sud. Pour beaucoup, le risque d'un troisième conflit mondial paraît plausible. En dépit de l'appui important fourni aux troupes nord-coréennes par la Chine communiste, le conflit va rester géographiquement limité: l'aviation américaine s'abstient de bombarder les usines et les aérodromes de Mandchourie; de leur côté, les avions communistes évitent de s'en prendre aux bases américaines du Japon. En même temps, les Etats-Unis ne recourent pas à l'arme atomique contre l'adversaire communiste chinois, quand bien même son emploi pouvait apparaître susceptible de provoquer l'effondrement du régime de Mao Zedong encore précairement établi. Que la péninsule coréenne ait finalement été le champ clos de l'affrontement tient à un certain nombre de facteurs inhérents à la stratégie atomique américaine. Etant donné l'organisation de l'appareil militaire américain, l'utilisation de la bombe constituait le seul moyen d'obtenir l'écrasement total de l'adversaire: l'interdit moral s'est opposé à son emploi. De plus, en renonçant à attaquer, même avec des moyens conventionnels, le «sanctuaire mandchou», les Etats-Unis ont pris soin d'interdire l'extension générale de la guerre à un moment où les pays de l'Europe occidentale se trouvaient pratiquement désarmés devant une attaque possible des divisions soviétiques: c'est bien en Corée que la dialectique du risque et de l'enjeu a fonctionné pour la première fois. Au bout du compte, les conceptions stratégiques ont enfermé dans des limites très étroites le champ de décision de la politique américaine.

Dès 1945, les Etats-Unis se sont appuyés sur leur supériorité économique, aérienne et nucléaire, alors que l'URSS se comportait en conquérant traditionnel dans un espace-temps militaire et politique localisé. C'est ainsi que les postures réciproques des deux Grands - d'un côté les actions politico-militaires soviétiques, de l'autre les actions économico-nucléaires globales américaines - ont formé un système stratégique qui voit sa double logique se nouer en 1948 sous le signe d'une bipolarité dissymétrique: sur un théâtre terrestre dominé par la poussée communiste et la masse des divisions soviétiques, le bombardement aérien nucléaire oppose une menace virtuelle. Il faudra attendre le milieu des années 1960, avec l'apparition des missiles balistiques intercontinentaux et des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, pour que s'opère un «recentrage» de la bipolarité sous l'effet de la course aux armements symétrique.
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MessageSujet: Re: Les nouvelles donnes (1945/1989)   Les nouvelles donnes (1945/1989) EmptyMer 3 Mai - 18:06

Vers une nouvelle Europe


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Le monde en 1957


Dans l'histoire récente de la construction européenne, on distingue trois phases: celle de l'union douanière, réalisée à la fin des années 1960; celle des tentatives d'harmonisation des structures économiques, épuisée vers la fin des années 1970; celle de la relance de la construction européenne depuis 1985, autour des thèmes de l'achèvement du marché intérieur et de l'union économique et politique.

On trouvera dans la section "Pays" un dossier sur " Le continent européen". La fiche " La construction européenne" présente les rubriques suivantes :

* Les traités de Rome
* L'union douanière et la dynamique européenne
* Les premières tentatives d'harmonisation
* Le succès du SME et de l'écu
* L'objectif du grand marché intérieur
* L'union économique et monétaire

Ce dossier sera développé ultérieurement, en particulier sur la Convention européenne et l'élargissement de l'Europe aux nouveaux pays.
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Les enjeux du Futur


Les nouvelles donnes (1945/1989) CON_DON_007_a


L'homme n'a cessé d'accumuler des progrès techniques


Au cours des millénaires, l'homme n'a cessé d'accumuler des progrès techniques, qui lui ont permis de maîtriser son environnement. Pensées religieuses et recherche philosophique ont forgé peu à peu sa conscience. Aujourd'hui, avons-nous répondu aux espoirs de nos lointains ancêtres ?

A en juger par l'ampleur des problèmes à résoudre, ce n'est pas encore certain !

Villes surpeuplées, pollution, stress, solitude, criminalité, délinquance, drogue, pauvreté, inégalité, chômage, concentrations industrielles, terrorisme, l'hyperpuissance américaine, pauvreté du tiers et quart-monde : nos sociétés complexes maîtrisent de plus en plus mal une croissance en pleine ébullition, ouvrant sans cesse de nouvelles voies, dont certaines se révèlent être des impasses. Les dangers qui nous menacent, à la mesure du pouvoir des hommes sur la planète, risquent de nous ramener loin en arrière.

Cinq défis majeurs
Il nous reste encore un long chemin à parcourir et beaucoup de voies à explorer. Sans prétendre à la vérité, cinq défis majeurs s'offrent à notre réflexion pour les années à venir :

La première condition, nécessaire pour la survie de notre espèce, est, que chacun dans le monde puisse bénéficier des soins nécessaires à sa santé. Triste constat inexcusable de voir encore, au XXI e siècle, des hommes et des femmes luttant pour leur survie. Famine, malnutrition, maladies doivent être combattues. Nous en avons les moyens.

Face à toutes les intolérances, nous devons aujourd'hui renouer avec les valeurs de liberté, de justice, de solidarité, d'égalité, dans le respect et la dignité de tous les hommes. Il nous faut garder à l'esprit que les progrès technologiques, commerciaux, scientifiques doivent, avant tout, servir au bien de l'humanité. L'éthique doit être le moteur de notre conduite.

Nos ancêtres, de l'Antiquité à l'Epoque moderne, ont utilisé les ressources de la Terre pour y trouver les éléments utiles à leur confort et leur bien être, pourtant ils ont su nous laisser en héritage une planète vivante et belle. Aucun futur ne sera possible, si nous ne trouvons pas une juste harmonie avec notre environnement.

Le commerce et les échanges ont été des moteurs d'évolution et de progrès en mettant les hommes en contact et en créant des richesses. Aujourd'hui la mondialisation des marchés permet à un petit nombre d'amasser des fortunes colossales. Il est urgent d'imaginer de nouveaux systèmes de répartition des richesses. Les bénéfices générés par l'effort de tous doivent être le bien commun de l'humanité et permettre à chacun de manger à sa faim et de vivre décemment.

L'accès au savoir pour tous est sans doute une priorité absolue, fondement de l'égalité des chances et de la justice sociale. L'éducation constitue un élément fondamental pour permettre à l'humanité de maintenir ses acquis et de progresser encore. Nous n'avancerons, qu'en partageant, et en développant une intelligence collective à l'échelle de la planète.

Alors de quoi sera fait le troisième millénaire ?
C'est à nous de l'inventer...
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MessageSujet: Re: Les nouvelles donnes (1945/1989)   Les nouvelles donnes (1945/1989) EmptyMer 3 Mai - 18:09

Vers une mutation de civilisation au XXIe siècle ?


Les enjeux du Futur
La croissance de la démographie n'a cessé de s'accélérer, elle est devenue explosive. Pour la première fois de son histoire l'homme est confronté à la limite de son territoire. Les villes sont en crise, les problèmes les plus graves sont la pollution, la solitude, la criminalité, la délinquance, la drogue et les transports.

Aucun problème majeur ne peut être désormais résolu sans une référence à l'ensemble de la planète. Il est urgent de régénérer la démocratie. La créer là où elle n'existe pas pose le problème du niveau de culture des masses et de la capacité de libre détermination des individus. Commencer par respecter l'autre, c'est ne pas avoir des idées toutes faites sur ce qui lui convient. Il faut préserver la diversité du monde et se méfier des solutions qui engendrent l'uniformité. Face à la baisse d'influence de l'Etat-Nation, il faut promouvoir une nouvelle géopolitique qui passe notamment par des organismes mondiaux.

L'humanité actuelle porte gravement atteinte à l'équilibre écologique de la planète. Les effets néfastes de la pollution se sont dramatiquement amplifiés ces 20 dernières années, en particulier l'effet de serre, la destruction de la couche d'ozone, les excès de pesticides, le stockage des déchets nocifs, la déforestation et tant d'autres pollutions. Il faut trouver des sources d'énergie non polluantes et durables : le soleil, la géothermie, le vent, les marées. Des expérimentations sont en cours avec des centrales de fusion nucléaire, non polluante, utilisant de l'hydrogène lourd.

L'histoire humaine est sans cesse éclaboussée du sang des luttes entre chefs et groupes pour une suprématie. Au XX e siècle, l'on dénombre plus de 150 guerres (deux guerres mondiales, le Vietnam, l'Algérie, le Liban, la guerre Iran-Irak, etc). Est-il possible de surmonter ou de canaliser les haines accumulées depuis des siècles et qui se manifestent avec une violence croissante dans des affrontements entre communautés ethniques ou religieuses. L'agressivité humaine n'est pas fatalement inscrite dans les gènes, l'homme a une nature sociale évidente.

Deux modèles économiques s'affrontaient : le capitaliste et le communiste. Si le capitalisme a triomphé, les problèmes économiques liés à la globalisation, l'inégalité des richesses et la perturbation des marchés monétaires montrent que ce système provoque de très graves problèmes d'inégalité. La conquête de positions dominantes, la rationalisation et la mondialisation sont devenues une finalité, elles engendrent en particulier du chômage. Il faut réorienter l'économie et la mettre au service des hommes et non le contraire. Une réflexion doit être effectuée sur la réussite collective, le partage des richesses, l'art du consensus et le souci du long terme.

Les problèmes du Tiers-Monde sont catastrophiques. La malnutrition, des épidémies, l'analphabétisme, le sous-développement industriel et l'effondrement du cours des matières premières piétinent. La domination politique, économique et culturelle qu'exerce le Nord sur le Sud est écrasante, si des solutions ne sont pas trouvées pour un partage des richesses et un transfert de la technologie au Sud, il y aura inévitablement des conflits très graves.

L'homme en Devenir
Il est à peu près certain que le futur ne suivra plus " un mythe du progrès " garanti, mais qu'il sera aléatoire et ouvert sur des possibles dans un monde en constante transformation. Après avoir été "le maître de la nature", l'homme devrait devenir le maître de lui-même. Cela constituerait une évolution capitale de l'humanité avec la création d'une réelle société planétaire des individus, des ethnies et des nations.

Après avoir été "maître de la nature", l'homme devrait devenir maître de lui-même et ainsi poursuivre une cinquième phase. Cela constituerait une évolution capitale de l'humanité avec la création d'une réelle société planétaire des individus, des ethnies et des nations.

Face aux multiples défis de l'avenir, l'éducation constitue l'élément fondamental pour permettre à l'Humanité de progresser. L'homme hérite de gènes, mais aussi d'une culture transmise dès son enfance, l'éducation contribue de façon décisive à faire évoluer l'humanité. Cette éducation doit passer autant par un apprentissage des méthodes que par l'acquisition de données, en tenant compte des préoccupations et des rythmes de l'enfant. Le rôle de la famille est essentiel, il faut réapprendre à former les caractères et les esprits.

Actuellement un enseignant a la charge d'un grand nombre d'élèves ce qui l'oblige à faire le même cours pour tous. Or chaque étudiant est un cas particulier avec ses rythmes propres, et le cours unique n'est pas le moyen adéquat pour tirer le meilleur parti des richesses individuelles de chacun. L'utilisation de l'enseignement assisté par ordinateur permettra à chacun d'apprendre à son rythme et d'aller chercher soi-même les informations sur des bases de données, l'éducation consistant à transformer l'information en connaissance. Le rôle de l'enseignant doit être revalorisé en devenant un conseiller et un guide.

Le défi de l'intelligence collective consiste à découvrir ou inventer un au-delà de l'écriture, un au-delà du langage tel que le traitement de l'information puisse être coordonné et distribué partout. Que l'homme ne soit plus l'apanage d'organes sociaux séparés, mais qu'il s'intègre au contraire naturellement à toutes les activités humaines et qu'il apprenne à vivre et à être.

Jusqu'au XVIII e siècle, la majorité de l'humanité a été occupée à cultiver la terre en faisant travailler ses muscles, mais pratiquement pas sa matière grise. Une mutation de la civilisation devrait permettre à chacun de développer sa propre créativité : en particulier de développer son autonomie, son esprit critique, le sens des responsabilités, le goût de s'autocultiver tout au long de sa vie et d'être mobile dans sa carrière. Après avoir fonctionné selon des schémas colonialistes, l'homme trouvera-t-il son épanouissement dans la multi-appartenance ? Commencer par respecter l'autre, c'est ne pas avoir des idées toutes faites sur ce qui lui convient

Notre époque connaît un foisonnement sans précédent, l'homme se cherche et s'interroge. Les valeurs s'effritent, la jeunesse ne se reconnaît plus dans les modèles traditionnels. Nous vivons aujourd'hui l'aventure inconnue de "la métamorphose des Dieux". Pour la première fois l'on atteint les limites de la croissance démographique. Traversons-nous une crise économique mondiale qui se résorbera ou assistons-nous aux prémisses d'une mutation de civilisation ou même d'un changement d'ère ?
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