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 Les révolutions industrielles

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Blackeu Viking
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MessageSujet: Les révolutions industrielles   Les révolutions industrielles EmptyMer 3 Mai - 16:53

Les révolutions industrielles Europe-industrielle-XIXe
L'Europe industrielle au XIXe siècle


La révolution industrielle, qui a marqué les XVIIIe et IXXe siècles, est un moment charnière dans l'histoire de l'Occident, elle a donné lieu à des mutations techniques, économiques et sociales importantes. La Révolution industrielle se décompose, par ailleurs, en plusieurs révolutions : la révolution agricole, la révolution urbaine, la révolution commerciale, la révolution technique et la révolution sociale.

La première révolution industrielle
Elle naît en Angleterre (1730-1803). La fonte au coke y fait son apparition vers 1735, grâce à l'invention de la famille Darby, mais un siècle entier s'écoule avant que disparaissent complètement les fourneaux au charbon de bois. L'extraction de minerai ne décollera vraiment que dans les années 1780. Dans l'industrie textile, l'innovation est partie du tissage avec la "navette volante" mise au point par John Kay en 1733 et diffusée autour de 1760. Cette période voit l'accroissement du prolétariat parallèlement à la rationalisation accélérée des méthodes de production. L'événement essentiel consiste en l'utilisation de la vapeur, via la machine mise au point par J. Watt entre 1765 et 1785, qui modifie la structure de la manufacture, désormais centrée autour de la source d'énergie.

La deuxième révolution industrielle
Elle se caractérise par le développement de nouvelles technologies telles que l'électricité et le moteur à explosion, et par l'apparition de la division du travail dans les grandes usines.
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MessageSujet: Re: Les révolutions industrielles   Les révolutions industrielles EmptyMer 3 Mai - 16:54

La première révolution industrielle
1730 - 1803


Les révolutions industrielles Machine_vapeur_Watt
La machine à vapeur de Watt (1765)


Les éléments de définition les moins contestables sont à rechercher dans la première «révolution industrielle», considérée comme archétypale: celle que connut la Grande-Bretagne au XVIII siècle et qui culmina au milieu du siècle suivant. Il s'agit d'une mutation essentielle de l'histoire humaine - une élévation considérable du volume de la production industrielle et du rythme de sa croissance, fondée sur un mouvement de concentration et de mécanisation du procès de travail et sur la généralisation de l'usage d'une source d'énergie, la vapeur. Fondamental, ce processus n'a pourtant pas été uniforme et n'a pas constitué une étape «obligatoire» de la modernisation de toutes les sociétés européennes. En effet, la diffusion des innovations techniques a été lente, et leur impact sur le volume de la production fortement décalé dans le temps.

La métallurgie
La fonte au coke, par exemple, a fait son apparition en Angleterre entre 1705 et 1720, à la suite des trouvailles de la famille Darby, mais un siècle entier s'est écoulé avant que disparaissent complètement les fourneaux au charbon de bois, et l'extraction de minerai n'a décollé vraiment que dans les années 1780 (2,5 Mt à la fin du XVII e siècle, 5 Mt en 1750, 10 Mt en 1800, et plus de 50 Mt en 1850).

Plusieurs autres perfectionnements seront nécessaires (technique du laminoir, machine à aléser en 1775, tour à fileter, puddlage, c'est-à-dire passage de la fonte à l'acier par décarburation, en 1784) pour que la fonte et le fer atteignent des qualités de solidité et de résistance suffisantes pour permettre leur emploi dans les ouvrages d'art (premier pont édifié en 1779, sur la rivière Severn) et la constuction navale (premier navire construit par Wilkinson, en 1787). Au XIX e siècle, la demande générée par le développement des chemins de fer favorise de nouveaux progrès en qualité qui accompagnent la croissance de la production.

Le textile
Dans l'industrie textile, l'innovation est partie du tissage (avec la «navette volante» mise au point par John Kay vers 1730 et diffusée autour de 1760, améliorant beaucoup la productivité), puis est remontée vers la filature. La spinning-jenny et le water-frame mis au point en 1767-1768, et surtout la mule-jenny de Samuel Crompton, introduite en 1779, permettent d'obtenir un fil de coton à la fois fin et résistant avec une productivité bien supérieure à celle du rouet. Ce rétablissement de l'équilibre entre le filage et le tissage ouvre la voie, en Angleterre, à une rationalisation accélérée des méthodes de production.

Il s'ensuit une chute des salaires des tisserands, une prolétarisation et une féminisation de la main-d'œuvre, une transition vers l'usine, et surtout une mécanisation - qui s'impose entre la fin des guerres napoléoniennes et 1850, alors que le métier à tisser mécanique d'Edmund Cartwright était au point depuis 1780. L'événement essentiel consiste en l'utilisation de la vapeur, via la machine mise au point par Watt entre 1765 et 1785, qui contribue à accroître la concentration, dans la manufacture, autour de la source d'énergie

L'impact social
Les conséquences sociales, enfin, sont immenses: les villes grandissent (dépassant la part des campagnes dans la population anglaise vers 1855), et accueillent une nouvelle population ouvrière salariée, d'origine rurale ou immigrée irlandaise, condamnée au salaire de subsistance. Le pays, dans les années 1820-1840, vit sous la menace de la «question sociale», qui engendre régulièrement des explosions protestataires, entretenant également une revendication démocratique à travers le mouvement chartiste.

Un modèle universel ?
Depuis Marx et sa théorie de l'accumulation primitive du capital, les économistes se sont préoccupés de fournir un schéma explicatif à la révolution industrielle, identifiant une série de conditions préalables à son déclenchement (la hausse de la productivité dans l'agriculture, le développement des infrastructures de transport et l'essor de l'esprit d'entreprise, selon William Rostow) et proposant une périodisation de son processus: il y aurait d'abord eu une phase de take-off, ou «décollage» (passage à une croissance plus rapide et plus régulière, entre 1783 et 1802 en Angleterre), puis une phase de «maturité».

Mais, soumise à la vérification historique, cette modélisation se révèle peu satisfaisante: s'agissant de la «révolution agricole» ou de la période du take-off, aucun chercheur n'est vraiment parvenu ni à les localiser dans le temps, ni même à en démontrer l'existence dans un pays comme la France.

L'agriculture
Selon les mêmes schémas économistes, les progrès agricoles sont supposés avoir dégagé de la main-d'œuvre excédentaire des campagnes pour les industries urbaines, produit les ressources alimentaires nécessaires pour la nourrir, et favorisé la formation du capital, qui s'est ensuite porté vers l'industrie.

L'apparition d'une main-d'œuvre campagnarde disponible (la fameuse «armée de réserve» de Marx) serait liée, en Angleterre, au non moins fameux mouvement des enclosures, c'est-à-dire à la restructuration des anciens biens communaux en propriétés privées délimitées, qui aurait détruit les liens communautaires entre paysans et poussé une partie d'entre eux hors de la terre, à partir du milieu du XVIII e siècle. En fait, les enclosures ne constituent qu'un aspect très partiel d'un vaste mouvement de remembrement et de concentration des exploitations, parallèle à un fort accroissement des surfaces cultivées. Ce mouvement a bien conduit à une augmentation du nombre des pauvres et des paysans sans terre dans l'Angleterre rurale de la fin du XVIII e siècle, mais pas nécessairement à leur transfert vers l'emploi industriel salarié, d'autant moins que les «lois sur les pauvres» (poor laws, 1795) contribuaient à les maintenir dans leur paroisse, seul lieu où ils pouvaient prétendre à un secours.

Une main-d'œuvre jeune
En réalité, le marché du travail industriel urbain s'est davantage nourri, dans un premier temps, des jeunes gens mis à sa disposition par une croissance démographique trop rapide que de paysans adultes ayant perdu leur place dans la société rurale. On peut même penser que le machinisme s'est imposé en Angleterre, à l'époque des guerres napoléoniennes, comme solution de substitution, remédiant à une relative pénurie de main-d'œuvre industrielle.

En France, l'œuvre agraire de la Révolution a plutôt aidé à la constitution d'une nation de petits propriétaires; l'aggravation du sort de ceux qui dépendaient des communaux (pâture des bêtes, fourrage, bois de chauffe) n'est devenue sensible qu'avec la surpopulation rurale des années 1840, qui a engendré le premier véritable exode rural de l'histoire du pays.

Productions en faible croissance
Quant à la «révolution» des rendements agricoles, on peut douter qu'elle se soit bien produite au XVIII e siècle: les innovations ayant bénéficié à la productivité sont soit bien antérieures (début du XVII e siècle pour l'introduction de l'irrigation des prairies, du labour continu dans le sud de l'Angleterre), soit bien postérieures, notamment pour la France.

Il n'y a en tout cas pas eu rupture, mais lente addition d'améliorations modestes, qui permirent de nourrir une population en expansion (viande, maïs et pomme de terre progressent dans l'alimentation populaire au XVIII e siècle) et, pour l'Angleterre, de réduire les variations temporelles et régionales des prix alimentaires.

Certaines années, les prix du blé ont peut-être permis qu'une portion des revenus des classes populaires se déplace du budget alimentaire vers les produits manufacturés, donc que s'élargissent les débouchés nationaux de l'industrie. Mais on ne peut l'évaluer sans référence à la démographie et à l'évolution des salaires.

Aristocratie, marchands et banquiers
Le rôle de l'aristocratie
La question se pose de savoir d'où venait l'argent qui a financé l'industrie naissante. Provenait-il de l'accumulation des capitaux agricoles? En fait, l'engagement des landlords dans l'activité industrielle était ancien, notamment à travers les industries rurales, les mines, les distilleries et les brasseries, dans les districts qu'ils administraient ou sur leurs domaines. Robert Peel (1750-1830), qui fit fortune dans l'industrie cotonnière, appartenait à une petite famille terrienne du Lancashire qui faisait travailler des tisserands en chambre depuis le XVII e siècle. Mais, au XVIII e siècle, le capital foncier aristocratique servit aussi beaucoup à des acquisitions de prestige (châteaux, enclosures) ou à de simples placements dans les emprunts d'Etat. Paradoxalement, le transfert des revenus fonciers vers l'industrie eut plus de poids en France, où la noblesse investit dans les mines de fer et la verrerie avant la Révolution, mais négligea d'autres secteurs, comme le textile.

L'apport des marchands et des banques
Le rôle du grand négoce et de la banque dans l'accumulation du capital est sans conteste beaucoup plus important que celui de l'agriculture. L'essor considérable du commerce colonial au siècle des Lumières avait enrichi toute une bourgeoisie d'armateurs et de commerçants, dont le comportement, face à l'ouverture de perspectives de profit industriel, fut toutefois inégal: très active dans certains cas - elle contribua, en Grande-Bretagne, à l'industrialisation de l'arrière-pays de villes portuaires comme Bristol ou Glasgow -, elle ne le fut guère dans les communautés marchandes de Nantes ou de Bordeaux. L'argent des marchands-fabricants, notamment du textile, fut en vérité le seul à être massivement dirigé vers l'activité industrielle.

Facteurs politiques et commerciaux
Pourquoi cette mobilisation de capitaux? Quelles perspectives de vente ont pu pousser les entrepreneurs à prendre le risque d'investir dans l'innovation technique? Des facteurs politiques «contextuels», et en premier lieu les guerres napoléoniennes, qui ont multiplié la demande de l'artillerie vis-à-vis des arsenaux et de la sidérurgie britanniques, ont pu encourager le changement d'échelle de la production et aider à bâtir des fortunes familiales (Carron, Walker, Wilkinson). Ensuite, l'antériorité de l'industrialisation de la Grande-Bretagne doit évidemment beaucoup à la suprématie commerciale et maritime acquise sur les puissances rivales (française et hollandaise) au XVIII e siècle et défendue par la politique étrangère de la Couronne; le monopole du commerce avec le monde colonial espagnol, obtenu en 1780, fut ainsi un pas vers la position d'«atelier du monde» qui sera celle de la Grande-Bretagne au XIX e siècle. Et, pour un produit comme le coton (dont 90 % de la production était exportée), les marchés extérieurs étaient bien plus essentiels que la demande intérieure anglaise.


La démographie
Passant de 7 à 14 millions de personnes entre 1750 et 1820, puis à 23 millions en 1860, la population anglaise a connu une croissance sans précédent, qui n'eut guère d'équivalent sur le continent, où l'évolution française fut beaucoup plus lente (de 26 millions à l'époque révolutionnaire à 37 millions en 1860, avec une dénatalité très précoce). Cette accélération précède-t-elle la révolution industrielle ou la suit-elle, en est-elle la condition ou la conséquence?

Trois générations sacrifiées
La pression démographique qu'a connue l'Angleterre aurait pu, comme aujourd'hui celle du tiers-monde, être un obstacle à l'industrialisation, et non un facteur positif. Quoi qu'il en soit, elle a permis de satisfaire le premier véritable grand appel de main-d'œuvre de l'industrie, qui eut lieu après 1815. La baisse légère de la mortalité qui l'avait rendue possible ne devait rien aux progrès de la médecine (efficients seulement après 1850), mais plutôt à ceux de la consommation (de sucre, de viande) au cours du XVIII e siècle, durant lequel l'amélioration du niveau de vie des classes populaires avait été sensible. Cependant, à partir des années 1780 et jusqu'en 1840, le niveau de vie des nouveaux ouvriers des villes et des anciens ouvriers ruinés par le machinisme (tisserands à bras, peigneurs de laine) se dégrada sérieusement. Leur dénuement était souvent extrême, et leurs conditions de logement désastreuses, comme le font apparaître les premières grandes enquêtes sur la classe ouvrière menées par Engels (1840) et Villermé (1841). Près de trois générations ont été ainsi sacrifiées à la révolution industrielle avant que celle-ci ne permette une véritable amélioration des conditions de vie du prolétariat, sensible dès 1850, et plus tard la transition vers un régime démographique «moderne», à natalité et fécondité plus basses.

Cependant, en termes de débouchés pour les produits industriels, notamment pour les textiles, c'est surtout l'urbanisation et la constitution d'une forte classe moyenne qui ont compté dans l'Angleterre de la première moitié du XIX e siècle, et plus encore en France, où la demande ouvrière et paysanne n'a joué qu'un faible rôle de stimulant de l'industrie avant le Second Empire.
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MessageSujet: Re: Les révolutions industrielles   Les révolutions industrielles EmptyMer 3 Mai - 17:27

Les mécanisme de la révolution industrielle


Les révolutions industrielles Rocket_Stephenson
Locomotive à vapeur "The Rocket" de Robert Stephenson" (1829)


Pour expliquer les mécanismes de la révolution industrielle, deux types de facteurs peuvent finalement être retenus: l'un privilégie le rôle de la technologie, l'autre envisage le changement essentiellement en termes d'organisation du travail.

Les facteurs technologiques
Un élément déterminant: le charbon
Nul doute, en premier lieu, que le passage d'une économie «organique», tirant de la terre l'essentiel de ses ressources, à une économie «minérale et énergétique» s'est étalé sur un temps très long, au cours duquel les deux types d'économie sont restés profondément imbriqués. Par exemple, l'Angleterre, qui avait utilisé très précocement la houille (dès le XVII e siècle), présentait encore, au milieu du XIX e siècle, les symptômes d'une économie dualiste, avec des secteurs énergétiques anciens toujours importants (manèges à chevaux et, surtout, moulins à eau).

Quant aux pays continentaux, qui n'avaient pas, comme la Grande-Bretagne, de réserves de charbon exploitables facilement et à faible coût, ils ne purent aller très vite dans la mise en place des innovations techniques telles que machine à vapeur et sidérurgie au coke. Les «transferts de technologie» furent certes nombreux dans le premier tiers du XIX e siècle (via les voyages, l'achat de machines et l'engagement de contremaîtres ou de techniciens britanniques par les patrons allemands ou français), mais ils ne concernèrent jamais que quelques établissements de pointe, et non l'ensemble de leur secteur d'activité. Certains pays ont répondu à la concurrence anglaise par des mesures protectionnistes, pour laisser à leur industrie le temps de se moderniser, mais la compétition brutale a pu produire aussi des effets de mise à niveau.

Un secteur de pointe: les chemins de fer
A cet égard, l'incitation produite par les chemins de fer fut sans doute primordiale: l'accélération décisive de leur construction intervint dès les années 1840 pour l'Angleterre, et entre 1850 et 1870 pour la France et l'Allemagne. L'équipement ferroviaire des territoires, encouragé et partiellement financé par l'Etat dans le cas français, augmenta incontestablement la vitesse de la diffusion technologique, homogénéisant les espaces (ainsi la grande région industrielle Belgique-France du Nord-Rhénanie) et les systèmes productifs, et contribuant, dans le cas des Etats-Unis (lignes transcontinentales achevées entre 1869 et 1883), à la conquête du territoire.

Il est permis de voir dans l'ère des chemins de fer une relance, ou une seconde phase, de l'industrialisation; ils ont joué, beaucoup plus nettement que le coton auparavant, le rôle d'un «secteur moteur» (leading sector), exerçant un effet d'entraînement sur les autres. Leur demande fit franchir un palier décisif à la sidérurgie (pour la quantité et pour la qualité), à la construction de machines, à l'industrie du bois. Les compagnies ferroviaires mirent en outre en place un système original d'organisation/division du travail entre services, hiérarchisé et spécialisé, qui peut être considéré comme l'ancêtre du système managerial du XX e siècle.

L'organisation du travail
Du point de vue de l'organisation du travail, la révolution industrielle a été marquée par la transition des formes dispersées proto-industrielles au factory system.

La proto-industrie
Le XVIII e siècle avait été favorable aux productions rurales, grâce à l'expansion des marchés et à l'effritement des privilèges qui jusque-là protégeaient les corporations urbaines. Il existait plusieurs types de répartition des tâches et des responsabilités entre ville et campagne (la ville se chargeant toujours de la finition des vêtements et disposant de la maîtrise des capitaux): elles étaient soit nettement rassemblées sous la tutelle urbaine (système des «marchands-fabricants»), soit organisées triangulairement (entre marchands des villes, maîtres tisserands des bourgs et familles paysannes travaillant à domicile).

Ces «nébuleuses» proto-industrielles existaient un peu partout en Europe et travaillaient chacune pour un marché précis: le lin des Flandres et de la Bretagne du Nord pour les Caraïbes et l'Amérique du Sud, la laine languedocienne pour les pays méditerranéens. Le système a d'ailleurs continué de prospérer au XIX e siècle, comme le montrent, côté français, la ruralisation des activités de la soierie lyonnaise à partir de 1820-1830 et le maintien de dizaines de milliers d'ouvrières à domicile dans les campagnes du Calvados (dentellerie), de la région de Saint-Etienne (bonneterie), ou du Nord (filature du lin) jusque vers 1900.

Vers la concentration industrielle
Comment les formes de travail proto-industrielles (où, le plus souvent, la famille rurale est propriétaire de son métier à tisser manuel ou de son rouet) ont-elles dérivé vers la concentration manufacturière, imposant à la main-d'œuvre une discipline de travail nouvelle (en termes d'obéissance au commandement, d'horaires, de normes de production), puis ont-elles franchi l'étape du machinisme? Les campagnes proto-industrielles étaient plutôt fortement peuplées (donc à main-d'œuvre excédentaire), parfois riches, plus souvent pauvres ou de structure agraire très morcelée: le travail à domicile y constituait un précieux revenu d'appoint. Du point de vue des marchands, il présentait en outre de nombreux avantages: souplesse d'adaptation du volume de l'activité à la conjoncture, docilité des ruraux par rapport à la main-d'œuvre urbaine et faiblesse des salaires. Mais il y avait des handicaps; les gains de productivité, en particulier, étaient empêchés par les fraudes sur la matière première, par l'irrégularité de l'engagement des ouvriers ruraux, bref, par l'absence de contrôle et de surveillance directs du procès de travail par le marchand-fabricant. Finalement, les entrepreneurs furent amenés, pour satisfaire la croissance de la demande et garantir une qualité plus uniforme, à opter pour un système de production plus concentré. Cela put aboutir à une prolétarisation «sur place», les proto-ouvriers glissant vers l'activité professionnelle unique tout en conservant leur résidence villageoise et un jardin potager: de nombreux bourgs de tisserands de la laine, en Flandre française ou belge, furent ainsi entièrement professionnalisés dès le milieu du XVIII e siècle.

La phase de mécanisation
Dans le secteur de l'indiennerie (teinture et impression du coton), la phase de la mécanisation (1800-1820), qui disqualifiait partiellement le savoir-faire des imprimeurs et des graveurs, fut un pas supplémentaire vers l'industrialisation. De manière générale, l'adoption du machinisme marqua le passage à la fabrique urbaine, celle-ci continuant parfois à employer des ouvriers d'origine paysanne faisant le déplacement quotidien du village à leur lieu de travail, comme on a pu l'observer à Rouen et à Elbeuf dans les métiers de la laine, ou en Alsace dans le tissage du coton, pendant la première moitié du XIX e siècle. Parce qu'elle induit la paupérisation des ouvriers ruraux (très rapide dans le textile anglais), la mécanisation est bien le signal de la transition vers l'usine et l'habitat urbains, transition toutefois progressive et incomplète.

Des révolutions industrielles nationales
Il convient de souligner la variété des modes par lesquels s'est effectuée la révolution industrielle en Europe.

En France
L'industrialisation française se distingue de la britannique par un rythme beaucoup plus lent - après une première vague de mécanisation dans le textile, sous le Premier Empire, l'étape décisive, marquée par le développement des chemins de fer et de la sidérurgie, est franchie entre 1840 et 1860 - et par un dualisme plus persistant des secteurs avancés et des secteurs anciens (industries rurales, métiers urbains, artisanat). Le déclin de la population active agricole (encore légèrement majoritaire au début du XX e siècle) y est tardif, et la croissance des villes nettement moins liée à la demande de travail de la grande industrie.

En Allemagne
La révolution industrielle allemande est également très décalée par rapport aux rythmes anglais, d'autant que le morcellement politique du pays donne des situations très variables avant l'achèvement de l'unité en 1870. Ignorant pratiquement la phase textile (sauf en Saxe), l'industrialisation démarre en Allemagne avec les chemins de fer aux alentours de 1840. Les effets d'entraînement sur l'extraction minière et l'industrie lourde sont démultipliés dans les années 1860-1880, où s'affirment les grands pôles régionaux (Ruhr, haute Silésie). A la fin du siècle, l'Allemagne se retrouve en avance sur les pays rivaux pour l'intensité des liens tissés entre banques et entreprises industrielles et la précocité de l'introduction des innovations techniques dans la chimie et l'électricité. Les petits pays européens eurent une trajectoire plus originale encore.

En Belgique
En Belgique, un pays qui disposait de ressources minières importantes et d'un bon équipement proto-industriel (travail du lin partout en Flandre au XVIIIe siècle), l'élargissement des débouchés consécutif à l'intégration dans l'Empire français et la disparition de la concurrence anglaise du fait du Blocus continental stimulèrent le textile dans les bassins de Gand et de Verviers, et accélérèrent sa mécanisation. En contrepartie, l'industrie belge connut de graves crises de réadaptation après 1815, et encore après l'indépendance (1830). Mais l'impulsion était alors déjà passée aux mines et à la sidérurgie, intégrées dans de grosses entreprises, comme Cockerill, et qui consolidèrent leur rôle de secteur moteur avec le boom du réseau ferré, à partir de 1840.

En Suisse
La Suisse démontra la même précocité, profitant de sa position géographique de carrefour en Europe, de sa puissance financière (place de Genève, réseaux bancaires protestants) et de son tissu proto-industriel (coton, rubanerie, horlogerie): elle exploita au maximum ses ressources hydrauliques, et la mécanisation y fut une réponse au défi concurrentiel anglais dans les années 1820-1840. Elle sut aussi développer une spécialisation poussée dans les domaines où elle avait une supériorité technologique ou des savoir-faire très éprouvés (horlogerie, broderie, indiennerie), travaillant pour des marchés étrangers (orientaux ou américains) bien ciblés.

Aux Etats-Unis
Le cas des Etats-Unis est encore différent. La révolution industrielle y franchit très tôt des étapes déterminantes, l'immigration britannique ayant transféré en Nouvelle-Angleterre la technologie de l'industrie textile dès les années 1800-1820. Fortement capitalistique, utilisant aussi bien les ressources hydrauliques que la vapeur, l'industrie du coton fut «dopée» par l'expansion rapide du marché intérieur et la demande de la Frontière. Les besoins de l'agriculture expliquent également les performances élevées rapidement atteintes par l'industrie de la machine-outil. Après le ralentissement consécutif à la guerre de Sécession, la protection douanière et surtout l'arrivée massive d'immigrants européens relancèrent le dynamisme du pays, qui se retrouva au tout premier rang mondial dans la vague de changements techniques de la fin du siècle.
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MessageSujet: Re: Les révolutions industrielles   Les révolutions industrielles EmptyMer 3 Mai - 17:28

La seconde révolution industrielle
Environ 1860 à 1920


Les révolutions industrielles Montage_Ford
Chaîne de montage des automobiles Ford


Bien que l'expression «révolution industrielle» soit problématique, y compris quand elle désigne la réalité vécue par les Européens dans la première moitié du XIX e siècle, on peut être tenté de distinguer d'autres phases qui, depuis, ont profondément modifié les rythmes de la croissance et les principes de l'organisation du travail, en un mot d'autres révolutions industrielles.

Dès les années 1860-1870, l'industrialisation européenne et américaine fait apparaître des traits nouveaux qui touchent aussi bien les domaines de progrès scientifique et technique (chimie, électricité, magnétisme) que l'organisation interne des entreprises (division accrue du travail, séparation des services). Leur diffusion va bouleverser le visage de l'activité industrielle et du travail humain, au point que la période allant grosso modo de 1880 à la fin des années 1920 peut apparaître comme une «seconde révolution industrielle». De nouvelles sources énergétiques, l'électricité (comme mode de distribution de l'énergie) et le moteur à explosion (comme mode de transformation d'un combustible - le pétrole - en énergie), mobilisent autour d'elles la dynamique de l'innovation et les effets d'entraînement. Parallèlement, cette période correspond à la confirmation de la «grande usine» comme modèle d'organisation productive, à l'approfondissement de la division du travail et au tournant taylorien des sociétés occidentales aux alentours de la Première Guerre mondiale.

La sidérurgie
La dynamique de l'innovation, dans le dernier quart du XIX e siècle, touche d'abord les anciens secteurs et en premier lieu la sidérurgie, à la fin des années 1870 (convertisseur Bessemer, accélérant la décarburation de la fonte, qui remplace peu à peu le puddlage; procédé Thomas-Gilchrist de déphosphorisation du fer); le résultat le plus sensible est la diminution considérable du prix de revient des aciers (de 100 à 12 dollars la tonne chez Carnegie, de 1870 à 1900), tandis que les progrès de la métallographie engagent la sidérurgie dans l'ère des alliages (au tungstène ou au chrome, expérimentés dès les années 1860) et des aciers spéciaux, grâce aux applications de l'électricité (fours à arc, électrolyse).

Bref, tout concourt à alimenter une demande à la fois plus abondante et plus variée à mesure que s'élargissent les débouchés de la métallurgie: bâtiment, avec l'essor de la construction en hauteur aux Etats-Unis (premiers gratte-ciel à infrastructure métallique à partir de 1890), construction navale (la marine à vapeur prend définitivement le pas sur les clippers - déjà construits en grande partie en fer - au milieu des années 1880), bientôt automobile (années 1900) et aéronautique (pendant et après la guerre de 1914-1918).

La «fée électricité»
Néanmoins, c'est l'électricité qui, au terme d'un long processus de découvertes scientifiques (pile de Volta en 1800, lois d'Ampère et de Faraday dans les années 1820) et d'inventions d'autodidactes (dynamo de Gramme, 1871; lampe d'Edison, 1879), devient la base d'un nouveau système technique affectant aussi bien la vie quotidienne que les données du travail industriel. Les premiers réseaux d'éclairage public (à partir de 1880 aux Etats-Unis) et de distribution firent de la «fée électricité» le symbole de toute une époque, célébré par les expositions universelles de la fin du siècle.

Le moteur électrique
Les retombées industrielles de l'électricité devaient se révéler plus importantes encore, après que furent résolus les problèmes de transport du courant (mise au point du transformateur vers 1890; premières lignes à haute tension en 1908): le lien entre gisements énergétiques et localisations industrielles se distendait définitivement. L'innovation clé fut le moteur électrique, mis au point vers 1880: commode et réversible (c'est-à-dire capable de produire de l'énergie mécanique à partir d'une alimentation électrique, et inversement), il ouvrait la possibilité d'une alimentation individuelle de chaque machine en fonction dans une usine, là où tout était relié, auparavant, à la machine à vapeur centrale par un système de transmission complexe (engrenages, poulies, courroies) et coûteux (pertes par frottements).

Les retombées
Outre les économies de matériel et le gain en sécurité, l'électricité donnait une liberté nouvelle pour rationaliser l'organisation spatiale des usines de façon strictement conforme à la succession des étapes de la fabrication. Autrement dit, la taylorisation du travail et les chaînes de montage - apparues en Amérique dès les années 1910 - sont en grande partie filles de l'électricité. Cette vague d'innovations fut financée, la plupart du temps, par l'initiative privée, de grandes firmes allemandes et américaines, comme Siemens ou Westinghouse, exploitant à leur profit une intense compétition entre les inventeurs, et aussi, de plus en plus, entre des équipes de chercheurs mobilisés sur des objectifs précis. Elle fut étroitement liée, via les transports urbains (tramways adoptés un peu partout dans les années 1890) et l'éclairage, au mouvement d'urbanisation et à la demande qu'il entretenait, particulièrement en Amérique du Nord. On a donc bien affaire à la fondation d'un système technique global, à propos de quoi il convient de souligner les décalages nationaux - la France, par exemple, fit preuve d'un certain retard, l'électrification des campagnes et les grands programmes de barrages datant seulement des années 1920 et 1930.

Les innovations du secteur chimique
L'autre vague d'innovations caractéristique de la seconde révolution industrielle s'opère dans la chimie. Les domaines d'application de cette industrie s'étendent démesurément dans le dernier quart du XIX e siècle, avant même qu'elle n'entre dans l'ère du pétrole. La mise au point de procédés nouveaux multiplie les capacités de production de la chimie de base (acides sulfurique et nitrique, soude Solvay, ammoniac) et ses débouchés possibles: engrais azotés, explosifs (avec un boom décisif en 1914-1918), consommations intermédiaires industrielles, etc.

Cependant, la chimie organique s'affirme comme une branche de première importance: les colorants dérivés du benzène sont mis au point expérimentalement vers 1850-1860; des firmes comme BASF lancent ensuite de grands programmes de recherches sur les couleurs de synthèse (notamment la couleur indigo, mise sur le marché en 1897) et, mettant fin à la dépendance du secteur textile par rapport aux plantes tinctoriales, s'ouvrent d'immenses débouchés. Les matières plastiques connaissent un premier développement - surtout comme substituts à des matériaux en situation de pénurie - avant de trouver leur usage propre (ainsi le Celluloïd, inventé en 1870, avec l'industrie de la photo et du cinéma, ou la Bakélite).
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Le pétrole
Le pétrole, avant de provoquer une véritable révolution des transports, est d'abord raffiné (vers le milieu du XIX e siècle aux Etats-Unis) pour l'huile d'éclairage, puis pour ses autres dérivés (goudrons, solvants, essence). A une phase où l'extraction est extrêmement dispersée succède, à la fin du siècle, une intégration en amont au profit des grandes entreprises de raffinage, telle la Standard Oil of New Jersey.

Au tournant du XX e siècle, ces sociétés ont la surface financière suffisante pour lancer les premières campagnes de prospection au Moyen-Orient, qui vont contribuer à la première internationalisation de l'économie pétrolière. Mais, avant la Seconde Guerre mondiale, l'impact industriel du pétrole (dont la production mondiale en 1939, américaine à 70 %, n'est encore que de 285 Mt) passe par la révolution des modes d'organisation du travail qui s'opère dans l'automobile.

L'automobile: Ford et le taylorisme


Après la mise au point du moteur à explosion à quatre temps par les ingénieurs allemands Otto et Daimler (entre 1865 et 1885) et son application à l'automobile, plusieurs améliorations technologiques viennent compléter la fiabilité et le confort de la voiture à essence: pneumatiques à chambre à air (entre 1900 et 1920), système de freinage, boîte de vitesses synchronisée (après 1929). Surtout, alors que l'Europe en reste à des structures dispersées et à une grande variété de modèles, la première standardisation du produit automobile et la première production de masse sont réalisées aux Etats-Unis, chez Ford, peu avant 1913.

Tributaire des travaux de Frederick W. Taylor commencés en 1905 et publiés en 1911 (The Principles of Scientific Management), cette expérience pionnière affecte le rendement du travail humain (parcellisation des tâches, chronométrage des gestes visant à maximiser leur efficacité, introduction de la chaîne de montage), la répartition des pouvoirs dans l'entreprise et les relations de l'industrie avec ses marchés. Par la standardisation, la diminution des coûts et la banalisation du produit, l'offre suscite et entretient la demande, comme l'avait démontré l'American manufacturing system dans la seconde moitié du XIX e siècle pour certains biens de consommation (chaussures, montres, rasoirs).
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Progression variable des nouvelles méthodes
A la suite de cette première standardisation interviennent, dans l'entreprise, l'essor des services commerciaux, du démarchage, de la publicité et, dans les sociétés de l'entre-deux-guerres, celui du secteur tertiaire.

Cependant, la diffusion du taylorisme et du fordisme connaît des rythmes très variables selon les pays; en Europe, elle franchit un palier capital avec la Première Guerre mondiale et ses expériences de production de masse dans l'armement; puis la rationalisation du travail ouvrier et de l'espace usinier s'imposent, dans l'entre-deux-guerres, dans l'aéronautique et la construction mécanique, sans faire vraiment disparaître le dualisme des structures productives.
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MessageSujet: Re: Les révolutions industrielles   Les révolutions industrielles EmptyMer 3 Mai - 17:30

La troisième révolution industrielle


Les révolutions industrielles Macintosh_1984
Ordinateur Macintosh (1984)
Cet ordinateur, lancé par Apple en 1984, révolutionna le monde de l'informatique par son interface graphique conviviale et l'utilisation de la souris.


Du pétrole au nucléaire
Dans l'après-guerre, on a d'abord poursuivi l'extension des usages du pétrole (grâce à l'essor de la chimie des plastiques et à celui du parc automobile mondial) et développé ceux de l'électricité, dont la provenance a changé: l'hydraulique demeure stable, les centrales fonctionnant au charbon ou au fioul déclinent, le nucléaire progresse. Mais rares sont les pays comme la France, où la crise pétrolière des années 1970 a suscité une politique d'indépendance énergétique conduisant quasiment au tout-nucléaire (en fait 70 %), et la prise de conscience des risques environnementaux fait douter des possibilités d'extension de ce type d'énergie dans l'avenir.

Le nucléaire civil prend place dans l'histoire des développements de la physique atomique: la découverte des radiations radioactives d'éléments naturels comme l'uranium remonte à la fin du XIX e siècle, mais il fallut plusieurs décennies de travaux (la plupart du temps universitaires) pour arriver à contrôler des réactions en chaîne qui provoquent la fission atomique et dégagent d'énormes quantités d'énergie pure, et la durée de la Seconde Guerre mondiale pour en maîtriser les applications militaires. Celles-ci précédèrent la mise au point d'un réacteur nucléaire, utilisable d'abord pour la propulsion des navires de guerre, puis pour la production d'électricité (première centrale en 1956). Mais la physique atomique et la mécanique quantique devaient aussi aboutir à l'exploitation des différents rayonnements (X, gamma, laser) dans la technologie médicale ou la mécanique de précision.

Le traitement de l'information
L'élément structurant de l'ensemble des changements industriels intervenus depuis 1945 est pourtant à chercher ailleurs, dans les techniques de traitement de l'information. L'histoire de ces techniques remonte au tout début du siècle, avec l'invention de la diode (Fleming, 1904) et de la triode (De Forest, 1906), sortes de «lampes-tubes» capables de recevoir et d'amplifier des ondes électromagnétiques. Les travaux menés dans les laboratoires de grandes firmes électriques ou de télécommunications (comme General Electric, ATT, Marconi) ont permis d'élever la puissance des émetteurs et d'explorer les possibilités des ondes courtes, jusqu'à l'explosion commerciale de la radio durant la Première Guerre mondiale et les années 1920. La fin des années 1930 représente, avec la deuxième génération des tubes à vide et les ondes hertziennes, un pas nouveau dans le perfectionnement des liaisons (y compris, indirectement, pour le télégraphe et le téléphone) et l'internationalisation des réseaux (grands câbles sous-marins).

A la veille de la Seconde Guerre mondiale, on découvrait que l'électronique pouvait aussi permettre la décomposition de l'image en faisceaux et en signaux lumineux; les premières émissions de télévision commençèrent en 1937 en Grande-Bretagne (Marconi-EMI) et en 1939 aux Etats-Unis (RCA). La seconde moitié du siècle a seulement, de ce point de vue, fait entrer les télécommunications dans l'ère de la consommation de masse, l'industrie électronique exploitant les possibilités de miniaturisation et de diminution des coûts créées par l'invention du transistor (1947) et des composants, les maisons de production (disques, films, émissions télévisées) faisant pression pour la destruction des monopoles d'Etat (très récente en France pour la télévision) et agissant pour la mondialisation des marchés (en cours d'achèvement).

La révolution informatique

Les retombées de la technologie militaire et spatiale sur les télécommunications ont été nombreuses (radar pour le transistor, satellites de renseignements pour la transmission des images); et c'est encore de besoins précis définis par les états-majors pendant la Seconde Guerre mondiale, en l'occurrence le décodage des messages secrets allemands par les Anglais et l'établissement de tables de trajectoires balistiques par les Américains, que sont nées les premières entreprises de traitement automatisé de l'information.

A partir de ces gros calculateurs électroniques, utilisant déjà le langage binaire, les progrès survinrent avec le développement de la capacité des mémoires magnétiques (années 1950), l'accroissement des performances et de la miniaturisation par les circuits intégrés (années 1960) et les microprocesseurs (années 1970 et 1980, réalisant une densité de 40'000 transistors au centimètre carré).

Chaque étape correspond à peu près à une «génération» de produits informatiques, mais ce sont la naissance et la diffusion des langages de programmation, dans les années 1960, puis l'expansion du micro-ordinateur (depuis 1979) qui devaient provoquer une véritable révolution, dans le travail industriel d'abord, dans les bureaux ensuite. Il est encore trop tôt cependant pour en mesurer les conséquences ultimes, l'informatique étant très loin d'avoir fourni tous ses développements.

Vers une redéfinition du travail
L'automatisation, la robotisation et la conception assistée par ordinateur permettent des gains de productivité décisifs au Japon depuis 1980, et s'imposent ailleurs comme indispensables au maintien de la compétitivité industrielle. Elles tendent à réduire l'intervention humaine - dans la métallurgie, la mécanique de précision et même dans ce bastion du taylorisme qu'est l'automobile - à des fonctions de contrôle et de supervision, et placent les sociétés occidentales dans une logique de diminution continue de l'emploi industriel, ou au moins de modification profonde des critères de sélection et de formation de la main-d'œuvre. La rationalisation des tâches tertiaires dans l'entreprise induite par l'informatisation du traitement des données pose des problèmes complexes; elle contribue (mais pas partout) à faire baisser le volume de l'emploi, notamment dans les banques et dans les services publics, suppose une élévation de la culture technique des utilisateurs (qui n'est pas sans remettre en question le rôle des programmateurs) et alimente un mouvement complexe de redéfinition du contenu du travail, parfois déqualifiant et aliénant (par exemple, pour la saisie de données), parfois requalifiant et diversifiant.

Mais il semble, du moins en France, que la rigidité de la division taylorienne du travail empêche pour l'instant la disparition des barrières entre conception et exécution et la fusion des compétences dont l'informatique pourrait être l'instrument, et cela malgré la généralisation d'un type de discours et de management invitant les salariés à une attitude plus participative et innovatrice.

Des volontés étatiques
Le durcissement de la concurrence dans ce secteur stratégique des technologies du traitement de l'information a définitivement déplacé la dynamique de l'innovation du côté des laboratoires de recherches des entreprises et des universités; il l'a mise aussi dans la dépendance de la volonté politique et financière des Etats, dans la mesure où la préservation de la compétitivité des firmes devient un enjeu qui engage la survie de branches tout entières, si ce n'est l'indépendance nationale. L'institutionnalisation de la recherche dans la stratégie des firmes, sa professionnalisation et son interrelation avec les structures universitaires, déjà nettes entre les deux guerres, se sont accélérées par la suite (20'000 chercheurs aux Etats-Unis en 1921; 1,5 million aujourd'hui).

Pour les travaux de longue haleine, le financement étatique est une absolue nécessité: il s'opère aux Etats-Unis pour les programmes de recherches militaires, et en Europe à travers d'importants crédits de l'Union européenne, comme le programme Jessi (Joint European Semiconductor Silicon), qui représente 3,8 milliards d'écus sur huit ans, sans exclure d'ailleurs les accords de recherche-développement et de synergies interentreprises privées. En tout état de cause, les technologies du traitement de l'information se trouvent au cœur des transformations actuelles des économies et des sociétés occidentales, et de leurs défis futurs.
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