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 La nouvelle carte de l'Europe (1815)

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Blackeu Viking
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MessageSujet: La nouvelle carte de l'Europe (1815)   La nouvelle carte de l'Europe (1815) EmptyMer 3 Mai - 16:43

Entre octobre 1814 et juin 1815, le Congrès de Vienne redessine la carte de l'Europe en annulant la plus grande partie des transformations géopolitiques provoquées par les guerres révolutionnaires et poursuivies pendant l'ère napoléonienne. Dernière manifestation des fastes diplomatiques de l'Europe de l'Ancien Régime, il consacre la défaite française, et pose les bases - précaires - d'un équilibre européen.

L'objectif de cette grande réunion des puissances européennes victorieuses de Napoléon est d'effacer les bouleversements qu'il avait infligés à la carte politique du continent. L'ouverture du congrès a été prévue dès la signature du traité de Paris (30 mai 1814): imposé après la première abdication de Napoléon, ce texte ramène la France à ses frontières de 1792, celles d'avant les conflits qui avaient opposé la Révolution à l'Europe des princes.



Les nationalismes européens


La nouvelle carte de l'Europe (1815) Droitsdelhomme_1789
La Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen (1789)



La tradition française, avec notamment Renan, définit la nation comme un vouloir-vivre collectif, une communauté de destin, plutôt que selon des critères ethniques ou linguistiques «objectifs», dont l'importance, en revanche, est grande dans la tradition allemande.



De l'époque des nationalités, où les peuples cherchaient à s'affirmer et à se constituer en Etats-nations, à celle des nationalismes, où ils exaltent leur spécificité et leur vocation historique, de longues pages de l'histoire européenne se sont écrites, avec leurs idéaux et leurs tragédies. Alors que les projets politiques de notre temps visent à dépasser les clivages exacerbés par les nationalismes, l'évolution de l'ancien bloc communiste en augure, pourtant, un certain réveil.

Le temps des nationalités (1789-1871)

La Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen place la souveraineté dans la seule nation, celle-ci étant entendue comme l'ensemble des citoyens. Les députés des États généraux jetaient ainsi les bases d'une opposition, appelée à une très grande fortune, entre l'origine divine et dynastique d'une part, «nationale» d'autre part, du principe du pouvoir. Le renversement est chose acquise dès juin 1789, et plus encore avec l'élimination du roi, d'août 1792 à janvier 1793 : «Louis doit mourir, disait Robespierre, parce qu'il faut que la patrie vive.» La nation française s'identifie à un territoire, sur lequel s'exerce sans intermédiaire et sans délégation sa pleine souveraineté, et la volonté clairement affirmée d'un groupe humain de s'y rattacher s'impose comme supérieure à la «tradition»: cette source du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes justifiera ainsi l'annexion de l'Alsace et du Comtat venaissin. Enfin, les guerres révolutionnaires ont inscrit une fois pour toutes dans les devoirs liés à la citoyenneté républicaine celui de défendre la nation les armes à la main.



Le modèle français (1789-1815)

Les révolutionnaires de 1789 ne définissent pas la nation selon des critères ethniques ou linguistiques. Ainsi, à l'époque, les Alsaciens ou les Bretons parlaient des langues différentes de la langue « nationale ». La caractéristique fondamentale de la nation est qu'elle représente l'intérêt commun contre les intérêts particuliers. La Révolution pousse ce principe à son terme en élisant à la Convention, haut lieu de la souveraineté nationale, des étrangers comme le Britannique Thomas Paine ou le Prussien Anacharsis Cloots. Cependant, cela ne va pas sans heurts : un Français qui ne parlait pas français était suspect, tels les Alsaciens accusés de pactiser avec la Prusse et l'Autriche; Cloots et Paine eux-mêmes furent arrêtés en application du décret du 26 décembre 1793 contre les étrangers.



Pour une conception nationaliste en germe, la préexistence d'une communauté se distinguant des étrangers va devenir centrale; pour la conception démocratique révolutionnaire, le concept central reste le peuple souverain des citoyens, qui constitue la nation. Dans les deux cas, le rôle de l'État, soit élément d'assimilation, soit ensemble des citoyens, est fondamental dans la vie de la nation.



De plus, l'idée nationale révolutionnaire revendique son universalité : le principe de la souveraineté nationale vaut pour tous les peuples de la Terre. Aussi, «la Nation française accordera fraternité et secours à tous les peuples qui voudront recouvrer leur liberté, et se donner, en légitimes souverains, un gouvernement libre». Ce décret de la Convention (novembre 1792) présente donc les monarchies européennes comme des usurpations, contre lesquelles l'insurrection est un droit des peuples, et non un crime contre la nature des choses ou contre l'ordre divin. De ce point de vue, la Révolution a bien répandu dans toute l'Europe le ferment de l'idée républicano-nationale, les deux aspects étant devenus indissociables. Il y eut ainsi un important jacobinisme batave, qui favorisa la création d'une «république sœur» de la France, comme celles qui furent instituées en Italie après la campagne de Bonaparte en 1796-1797, qui chassa les Autrichiens et les Bourbons de Naples. L'idée d'une Italie unie «des Alpes à l'Adriatique» commence alors à prendre corps.



Mais c'est aussi contre les armées françaises que se réveillèrent en Europe les aspirations nationales : dans les zones occupées, les réquisitions forcées et les actes antireligieux provoquèrent rapidement de très vives réactions (en témoignent les révoltes paysannes de 1798-1799 : Viva Maria en Toscane, Barbets dans le Mezzogiorno, Boerenkrijg en Belgique). Et le phénomène s'accentuera sous l'Empire napoléonien. Entre autres mesures, la départementalisation de la Belgique puis des Pays-Bas, de l'Italie du Nord et de la Toscane, pays soumis à une très forte pression fiscale, finira par susciter une hostilité générale. Cependant, Napoléon Ier reconstitua la Pologne, et surtout fit franchir une étape décisive à l'unité politique de l'Allemagne : en détruisant, en 1806, le Saint Empire, il détache les États allemands de la tutelle des Habsbourg et les rassemble dans une confédération dont il est le protecteur; mais, parallèlement, les conditions de paix très dures qu'il impose à la Prusse en 1807 sont le point de départ d'un véritable réveil du sentiment national, qui pesa sur l'évolution de l'idéalisme philosophique allemand vers la mystique patriotique et régénératrice de Fichte (Discours à la nation allemande , 1808).



Ainsi, le défi lancé par l'hégémonie française a encouragé les nations européennes à redécouvrir les sources de leur identité et à faire bloc autour de leurs souverains, voire de leurs autorités sociales et religieuses (Russie, Autriche, Espagne). C'est à partir de la résistance antifrançaise, plus que du projet révolutionnaire, que l'idée nationale a acquis une base populaire.



Le développement des nationalités (1815-1848)

L'Europe née du congrès de Vienne (1814-1815) défend un «équilibre européen» fondé sur l'intouchable légitimité des dynasties régnantes. Aussi celles-ci réintègrent-elles leurs États, et la Confédération germanique repasse-t-elle sous la présidence de l'empereur Habsbourg. Quant à la Pologne, Russes, Autrichiens et Prussiens se la partagent une nouvelle fois. Et avant 1830, le fonctionnement de la Sainte-Alliance suffit à étouffer les mouvements nationaux ou libéraux (car, pour les puissances conservatrices, c'est le même ferment) qui éclatent ici ou là : à Naples en 1820, à Turin en 1821 (où le mot d'ordre est, pour la première fois, l'unité de l'Italie sous l'égide de la maison de Savoie), en Espagne (expédition française de 1823 destinée à aider Ferdinand VII).



Le problème essentiel de cette période est posé par le lien entre revendication nationale et idées républicaines et sociales : l'égalitarisme démocratique, qu'on jugeait (ainsi chez Buonarroti) indissociable de l'œuvre d'unification nationale, ne peut qu'effrayer les bourgeoisies commerçantes et industrielles (d'Italie du Nord ou d'Allemagne rhénane), dont le concours est indispensable pour assurer la défaite des forces de la réaction, et qui lient plutôt un tel projet au libre-échangisme et au libéralisme politique. En Allemagne, la réalisation d'une première union douanière (Zollverein) autour de la Prusse, en 1833-1834, marque ainsi un pas en avant décisif.



Tout change cependant après 1830. Après avoir patronné l'indépendance grecque (par rapport à une puissance non chrétienne, l'Empire ottoman), l'Europe conservatrice assiste d'abord au renversement en France de la restauration bourbonienne, puis accepte, sous la pression de la Grande-Bretagne, l'indépendance de la Belgique (unie par le catholicisme et le sentiment antihollandais, mais tiraillée entre Flamands néerlandophones et Wallons francophones). D'autre part, le soulèvement polonais, s'il suscite un vaste mouvement de sympathie, est sanctionné par le Statut organique de 1832 (russification accélérée, mesures anticatholiques). Les décennies 1830 et 1840 voient aussi l'échec des coups de main de la Jeune-Italie fondée par Giuseppe Mazzini.

De la révolte à l'unité (1848-1871)

Les révolutions de 1848 (le «printemps des peuples») se caractérisent par un débordement de revendications d'indépendance ou d'autonomie contre des tutelles étrangères, mais aussi contre d'autres nationalités, elles-mêmes «opprimées»: les Slaves du Sud, notamment, ont exprimé de très fortes réserves devant une éventuelle intégration politique à une Hongrie indépendante dirigée par Kossuth. Le gouvernement de Vienne a su jouer de ces contradictions, en encourageant les entreprises armées des Croates et de leur «vice-roi», Jelacic. Mais les mouvements nationaux n'ont pu être maîtrisés que par la répression militaire, en particulier autrichienne à Prague et à Vienne. C'est également l'armée russe qui, sur ordre de Nicolas Ier écrasera les Hongrois à l'été 1849.



C'est toutefois en tant que mouvements révolutionnaires que les soulèvements nationaux ont échoué en 1848 : une fois remportée une première victoire politique, avec la promulgation de Constitutions libérales (à Berlin, Rome, Naples notamment), l'aspiration nationale s'est montrée incapable de résoudre les contradictions sociales. Les émeutes ouvrières berlinoises ont effrayé, et ont préparé le retour de la réaction. L'adhésion de la bourgeoisie catholique de l'Italie du Nord n'a pas résisté au tournant égalitariste et anticlérical pris par le mouvement italien, en particulier par la République romaine de Mazzini, que les Autrichiens anéantiront, conjointement avec les Français, entre avril et juillet 1849.



Pour l'Italie, les événements de 1848 ont démontré que rien ne serait possible sans l'appui de la France contre les Autrichiens, vainqueurs des Piémontais à Custoza – ce qui a anéanti l'espoir d'un royaume de Haute Italie dès l'été 1848 : la passivité de la IIe République française, malgré ses promesses, a pesé lourd dans la balance. Côté allemand, Frédéric-Guillaume IV a d'abord refusé le cadre politique démocratisé que lui proposait le Parlement de Francfort (avril 1849). Le sursaut autrichien l'a ensuite empêché de réaliser, au profit de la Prusse, une «union restreinte» des États de l'Allemagne du Nord : la reculade d'Olmütz, en novembre 1850, consacre le maintien de la tutelle des Habsbourg sur la Confédération germanique.
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MessageSujet: Re: La nouvelle carte de l'Europe (1815)   La nouvelle carte de l'Europe (1815) EmptyMer 3 Mai - 16:44

Mais le contexte international se modifie dans les années 1850. La France retrouve une place de premier plan parmi les puissances européennes, avec un empereur décidé à appuyer politiquement les mouvements nationaux, qui ont sa sympathie autant par tradition que par conviction. Le second facteur est l'affaiblissement de l'axe conservateur russo-autrichien, au lendemain de la guerre de Crimée. La méfiance qui s'installe alors entre les deux puissances rend possible un rapprochement diplomatique franco-russe qui permet de patronner en 1858 la création de la Roumanie, et qui assure surtout à Napoléon III la neutralité du tsar dans le cas d'une intervention en Italie. D'accord avec Cavour, président du Conseil piémontais, l'empereur lance les troupes françaises contre les Autrichiens, qui sont chassés du Milanais à la fin de 1859; les principautés d'Italie centrale, privées de protecteur, n'ont plus alors d'autre choix que de faire allégeance au nouveau souverain, Victor-Emmanuel, qui devra cependant, malgré l'action de Garibaldi, attendre 1871 pour installer sa capitale à Rome.



Le soulèvement polonais de 1863 brouille la France et la Russie, qui se rapproche de la Prusse : celle-ci va trouver, après l'arrivée au pouvoir de Guillaume Ier (1861) et de Bismarck (1862), les conditions diplomatiques idéales pour préparer un affrontement armé avec Vienne. L'unité de l'Allemagne du Nord, sous l'égide de la Prusse, est chose acquise au lendemain de la victoire militaire de Sadowa (3 juillet 1866). Cette date essentielle de l'histoire européenne marque l'abaissement des Habsbourg : l'année suivante, François-Joseph sera forcé d'accorder l'autonomie à la Hongrie, transformant son empire en monarchie double, l'Autriche-Hongrie. Il reste désormais, pour attirer les États du Sud (Bavière, Wurtemberg) dans le giron prussien, à «agiter le chiffon gaulois» (selon le mot de Bismarck) : laissée à la responsabilité des Français, la guerre de 1870 conduit à la proclamation de l'Empire allemand, dans la galerie des Glaces de Versailles (18 janvier 1871).

Des nationalités aux nationalismes (1871-1945)

Le nationalisme en tant qu'idéologie

L'ère qui s'ouvre après la construction de l'unité de l'Allemagne et celle de l'Italie diffère très sensiblement de la phase précédente sur trois points essentiels, selon l'historien du nationalisme Eric Hobsbawm. Tout d'abord, on a abandonné « le “principe de seuil” qui était au centre du nationalisme de l'ère libérale »: une nation ne pouvait être revendiquée qu'à partir d'un certain seuil, caractérisé par son étendue, sa population, la puissance de son économie. Désormais, de nombreux groupes se considérant comme des nations se mirent à revendiquer le droit à l'autodétermination, c'est-à-dire à un État souverain et indépendant. Ensuite, « l'ethnie et la langue devinrent le critère central et de plus en plus décisif, voire unique, d'une nation potentielle ». Enfin, troisième changement dont l'importance historique sera par la suite déterminante dans l'histoire de l'Europe, il se produisit « un brusque glissement vers la droite des thèmes de la nation et du drapeau », et ce fut alors que l'on inventa le terme de « nationalisme ».



Ce passage de l'ère des nationalités à des formes plus agressives et xénophobes trouve une partie de son origine dans l'inachèvement des unités du milieu du siècle. Des fractions des peuples allemand et italien, du moins considérées comme telles par leur communauté de langue, sont restées à l'écart, et leur rattachement fait rapidement l'objet d'un mouvement revendicatif organisé («irrédentisme» en Italie à propos de Trieste et du Trentin, rêve d'Anschluss avec l'Autriche germanophone du côté du Reich). Mais, au-delà, le sentiment national allemand prend vite une coloration «pangermaniste»: à partir de l'avènement de Guillaume II, il débouche sur des projets d'accroissement territorial à l'est (l'un des principaux buts de guerre en 1914-1918 et en 1939-1945), et outre-mer. En France, la nostalgie des «provinces perdues» en 1870 (l'Alsace-Lorraine) est très vite à l'origine d'un culte civique républicain, sur lequel surenchérissent des organisations populistes, telle la Ligue des patriotes de Paul Déroulède.



Le nationalisme en tant qu'idéologie est ainsi patronné et encouragé par certains Etats, qui jugent cette évolution nécessaire pour consolider l'unité dans les esprits (le Kulturkampf bismarckien des années 1870, contre les catholiques). Cette attitude justifie aussi l'encouragement officiel aux recherches scientifiques visant à donner une base «objective» à la spécificité nationale, voire à sa vocation à dominer un espace donné (le Lebensraum, l'«espace vital» hitlérien). La science germanique a ainsi maintes fois apporté sa contribution à cette entreprise : l'histoire bien sûr (réactivation des vieux mythes germains et médiévaux avec Theodor Mommsen, culte de l'État avec l'œuvre de Heinrich von Treitschke), mais aussi la géographie (avec la grande œuvre de Friedrich Ratzel, qui a défendu l'expansion navale et coloniale allemande). La France montra la même volonté de retourner aux sources de la cohésion nationale (le catholicisme et la monarchie pour Maurras), faisant un même usage de l'histoire scientifique et scolaire (mythe de la «nation gauloise» propagé par Camille Jullian, culte des héros nationaux). Ce nationalisme «intégral» a été jalonné par quelques théories qui se veulent plus ambitieuses, mêlant la tradition herdéro-hégélienne au darwinisme social (les nations, comme les individus, «luttent pour la vie») et à la dynamique des populations : ce sont principalement celles de Gobineau (Essai sur l'inégalité des races humaines, 1853) et de Houston Stewart Chamberlain (les Fondements du XIXe siècle, 1899, œuvre clé du mythe aryen).



Deux derniers traits caractérisent cette mutation des nationalismes européens. D'abord, leur caution scientifique et leur version petite-bourgeoise s'alimentent volontiers d'attaques contre les juifs, dénoncés comme «sans patrie» et «inassimilables». Une propagande violente est menée contre eux, en France par Édouard Drumont (la France juive, essai d'histoire contemporaine, 1886) et par la Ligue antisémitique de Jules Guérin, en Allemagne par le pasteur Stoecker. L'affaire Dreyfus est, tout à la fin du siècle, l'occasion d'un déchaînement des passions nationalistes en France, tandis que la Russie des années 1890 connaît de grands pogroms, orchestrés en sous-main par le tsarisme (également à l'origine du célèbre faux intitulé Protocoles des sages de Sion ). Enfin, le nationalisme est entretenu par l'expansion coloniale, où d'aucuns voient l'illustration de la supériorité européenne ou de la réussite impérialiste (le «jingoïsme» britannique).



D'autre part, la fragilisation de l'Autriche-Hongrie multinationale se poursuit pendant cette période, François-Joseph n'ayant pas su répéter avec les Tchèques et les Croates le compromis de 1867 avec les Magyars. Dans la péninsule balkanique, les Habsbourg cherchent à étendre leur influence, mais se heurtent à la Russie, qui se veut de plus en plus la protectrice «naturelle» des Slaves du Sud, relayée en cela par la Serbie (indépendante depuis la guerre russo-turque de 1877-1878); Vienne supporte particulièrement mal la forte attraction qu'exerce ce pays sur les minorités serbes de la Bosnie-Herzégovine voisine (occupée par les Habsbourg en 1878, annexée en 1908). L'évolution des relations internationales fait de cette zone au fragile équilibre ethnique un enjeu de premier plan; le regain de tensions à partir de 1905 pousse les États à s'armer, et les peuples à se préparer à une guerre jugée de plus en plus inévitable.



Le règlement de la paix, au lendemain de la Première Guerre mondiale, visait essentiellement à empêcher la propagation de la révolution bolchevique. L'Allemagne et la Hongrie sombraient dans le chaos, tandis que des mouvements sociaux de grande ampleur secouaient le Royaume-Uni, la France et l'Italie. La solution parut se trouver dans l'exaltation des nationalismes à travers le «droit des peuples à disposer d'eux-mêmes» inscrit dans les Quatorze Points de Wilson, ce qui conduisit au démembrement de l'Autriche-Hongrie. Mais de nombreuses minorités nationales subsistèrent à l'intérieur des frontières des nouveaux Etats : Hongrois dans le nord de la Yougoslavie (réunion des Slaves du Sud, récompensant la Serbie) et dans l'ouest de la Roumanie en particulier, mais aussi Allemands en Tchécoslovaquie (dans la région des Sudètes). Enfin, le rétablissement de l'État polonais était lourd de frustrations pour les Allemands de Silésie et de Poméranie intégrés à son territoire, et cette «sanction», comme l'ensemble du traité de Versailles, devait nourrir fortement le nationalisme revanchard durant la république de Weimar.



La poudrière de l'entre-deux-guerres

L'Europe rêve alors d'exorciser le spectre des nationalismes, qui vient de la conduire à un tel massacre. Le pacifisme devient une valeur politique de référence, notamment chez des intellectuels comme Romain Rolland, Charles-Ferdinand Ramuz, ou Alain. Dans les opinions publiques, les associations d'anciens combattants développent, dans la plupart des cas, une volonté d'apaisement. Après plusieurs années de tensions franco-allemandes (occupation de la Ruhr en 1923), des hommes d'État comme Briand et Stresemann cherchent à empêcher la renaissance de l'antagonisme entre les deux pays. La Société des Nations, issue de la paix de Versailles, se veut l'instrument d'un esprit nouveau de la politique internationale (l'«esprit de Genève»), substituant la concertation et l'arbitrage aux conflits : elle admet l'Allemagne dans ses rangs en 1926, mais son impuissance, faute de moyens militaires, sera vite patente.



Ces mesures ne suffiront pas à endiguer la marée des nationalismes que vont porter la crise économique et la progression des fascismes. Les déceptions nées du traité de Versailles, jugé insatisfaisant en Italie et vécu comme un diktat humiliant par l'Allemagne, ont contribué dans ces deux pays à la genèse des régimes fasciste et nazi. Une fois au pouvoir, Mussolini relancera l'Italie dans l'expansionnisme colonial (notamment en Éthiopie), réclamera le retour des terres irrédentes et revendiquera l'héritage de l'Empire romain. Le national-socialisme pousse, lui, à son paroxysme le racisme «biologique» de la fin du siècle précédent, en faisant de l'antisémitisme un des axes de sa politique. Les philosophes officiels, comme Alfred Rosenberg, la propagande du régime ainsi que les grandes célébrations collectives de Berlin ou de Nuremberg seront chargés d'entretenir un climat d'exaltation nationale. La théorie de l'« espace vital » est l'élément clé qui justifie l'Anschluss, puis les annexions de terres « allemandes », et enfin la guerre.



Enfin, la période est décisive pour le destin du dernier grand empire multinational, l'Union soviétique. Ayant proclamé l'égalité des différentes nationalités (dont les mouvements sont cependant jugés tantôt progressistes, tantôt réactionnaires, en fonction de leur base sociale selon les critères énoncés par Staline en 1912 dans le Marxisme et la Question nationale ), les bolcheviks les organisèrent en Républiques autonomes. Mais, dès 1921, ils reprirent le contrôle de l'Ukraine et des Républiques caucasiennes, qui s'étaient émancipées de l'orbite russe en 1917-1918, sans pouvoir en faire autant pour les pays baltes. Le système soviétique se veut fédératif, mais il masque mal une très réelle centralisation russe, aggravée par l'importance du parti par rapport aux structures étatiques : sous Staline, elle conduira à de véritables persécutions, par exemple contre les Ukrainiens, acculés à la famine au moment de la «dékoulakisation» - le koulak étant un «paysan enrichi» -, et après 1945 contre les Tatars de Crimée, jugés proallemands.
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MessageSujet: Re: La nouvelle carte de l'Europe (1815)   La nouvelle carte de l'Europe (1815) EmptyMer 3 Mai - 16:44

La Seconde Guerre mondiale et les nationalités

En Europe centrale, la guerre a cruellement fait sentir la disparition de l'unité politique que donnait à cette géographie ethnique compliquée la souveraineté de l'Empire austro-hongrois : satellites de l'Allemagne, les États de la région ne virent souvent pas d'autre issue que la conversion à un «fascisme national» (parfois présent dès les années 1930). Bulgarie et Roumanie se retournèrent ainsi contre les facteurs «corrupteurs» de la cohésion nationale (minorités juives ou hongroises, communistes, francs-maçons, etc.). En Yougoslavie, le phénomène dégénéra rapidement en un règlement de comptes entre nationalités : dans l'État oustachi d'Ante Pavelic, les Croates commirent de féroces exactions contre les Serbes.



Enfin, le génocide juif en Europe eut pour conséquence le «patronage» par les puissances victorieuses de la création de l'État d'Israël. Le sionisme, issu de la pensée de Theodor Herzl, - auteur de l'État juif en 1896 -, est un nationalisme en ceci que non seulement il revendiquait pour les juifs européens l'égalité de droits et de traitements avec les citoyens de leurs États de résidence, mais qu'il voulait également promouvoir le retour du peuple juif à sa terre originelle, constitutive de son alliance avec Dieu.

Reculs et renaissances

Dans l'Europe occidentale, au lendemain de 1945, la nécessité de faire face au monde communiste n'était pas sans rappeler la nécessité de s'opposer au bolchevisme des années qui suivirent 1917. Cette fois, cependant, les leçons du traité de Versailles, chèrement acquises, empêchèrent un nouveau morcellement de l'Europe et une résurgence des nationalismes. Au contraire, les premières initiatives diplomatiques et économiques visaient à convaincre que l'antagonisme franco-allemand n'avait rien d'irréductible.



La construction européenne

Amorcé par la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (1951), le rapprochement consista à poser que l'intégration des pays européens dans un espace économique «ouvert» devait permettre, à terme, d'atténuer les préjugés et les rancœurs historiques, et de tempérer le sentiment national par un sentiment d'appartenance à une «maison commune». Il y a donc une certaine continuité entre ces premiers pas et le traité de Rome (1957), puis l'élargissement de la CEE, et enfin le traité de Maastricht (union économique et monétaire, notamment). Désormais, en Europe de l'Ouest, le nationalisme n'est plus un élément central de l'évolution historique : il a perdu son rôle moteur, même dans le cas de la réunification de l'Allemagne. En effet, alors que celle-ci était un objectif politique clé vers le milieu du XIXe siècle, dans les années 1980 aucun parti politique allemand n'en faisait son cheval de bataille. La réunification allemande est ainsi liée à un événement survenu en dehors des frontières du pays : l'effondrement du camp soviétique. Les mouvements nationalistes n'ont pas disparu pour autant; ils sont devenus des ferments de division et contestent des unifications nationales parfois anciennes : c'est le cas des « nationalistes » basques en Espagne. Ces derniers, à l'instar des « nationalistes » corses, ont recours au terrorisme.



Enfin, certains Etats ne semblent pas à l'abri d'une partition géographique, ce qui remettrait en cause l'idée de nation; quelques groupes politiques s'expriment dans ce sens en Italie, et avancent l'idée de séparer le Nord du Mezzogiorno. Sans aller jusqu'à une division, on entrevoit des tendances marquées à l'affaiblissement du dogme de l'unité nationale en Grande-Bretagne, où l'Écosse, qui a déjà sa propre banque centrale et frappe monnaie, a obtenu par référendum en 1997 un Parlement autonome, suivie peu après par le pays de Galles. Dans ces derniers cas, le « nationalisme » local s'appuierait sur des différences reconnues de développement socio-économique, sans pouvoir justifier de particularismes linguistiques ou ethniques marqués.



La résurgence des nationalismes en Europe de l'Est

Le problème se trouve encore compliqué par les événements survenus en Europe centrale depuis l'effondrement du système soviétique. On sait qu'à l'époque de Staline et du Kominform, les «démocraties populaires» avaient été maintenues dans un étau. L'attitude des dirigeants du parti communiste de l'Union soviétique connut en fait, à l'égard de l'expression de divergences «nationales» par rapport à la ligne officielle, des phases plus tolérantes. Ainsi, le conflit avec Tito (exclu du Kominform en 1948) aboutit à la condamnation des «voies nationales» vers le socialisme qui s'écarteraient du modèle soviétique. Il fut apaisé par Khrouchtchev, qui fit admettre par le XXe congrès (1956) la «diversité des voies de passage» au socialisme. Mais l'émancipation yougoslave fut l'unique exception. Après l'écrasement des Hongrois en 1956, celui des Tchèques en 1968 par les armées du pacte de Varsovie fut l'occasion pour l'URSS de préciser la doctrine de ses rapports avec les «pays frères», en parlant de «souveraineté limitée». Malgré des initiatives originales en matière économique, par exemple en Hongrie, la marge de manœuvre était donc fort étroite (mise au pas de la Pologne en 1981), l'internationalisme socialiste fonctionnant en fait au service des intérêts stratégiques et idéologiques de la Russie soviétique.



Cependant, lorsque le centre s'est affaibli, les nationalismes ont resurgi de plus belle à la périphérie; faut-il en conclure que l'universalisme socialiste n'avait pas réussi à les étouffer, ou bien qu'en réalité il marchait main dans la main avec eux ? Le premier point est vérifié par les pays baltes, les peuples caucasiens et les Républiques musulmanes d'Asie centrale, qui ont rapidement fait la preuve de leur volonté de quitter l'Union en 1989-1991, et dont l'identité, soit pour des raisons historiques (l'annexion de 1939-1940 pour les Baltes), soit pour des raisons religieuses, était demeurée forte. Pour le second point, en Serbie, en Roumanie et en Asie centrale, les anciens communistes ont réussi à conserver le pouvoir en convertissant leur discours politique en un nationalisme agressif et xénophobe, ce qui révèle, entre ces deux idéologies, certains points communs tel le populisme. Il est avéré que les gouvernements des démocraties populaires, pour mieux faire accepter la tutelle soviétique et les difficultés économiques, ont à plusieurs reprises excité le nationalisme populaire contre les minorités : contre les juifs en Pologne, par exemple, en 1969; contre les Turcs en Bulgarie dans les années 1970; contre les Magyars en Roumanie dans les années 1980. D'autre part, la réécriture stalinienne de l'histoire et la politique en matière de sport de ces États ont réuni dans un même intérêt nation et communisme, grandeur et aptitudes «naturelles» de l'une, nécessité historique et réalisations de l'autre.



La dislocation de la Yougoslavie et la guerre civile visant à constituer des États-nations ethniquement homogènes, les conflits entre Arméniens et Azéris marquent la persistance, plutôt que le renouveau, du nationalisme étroit et radical apparu à la fin du XIXe siècle. Car au-delà de la défaite de l'internationalisme communiste et des ratés de l'universalisme onusien, les années 1990 confirment qu'il n'y a presque aucune limite d'échelle à la revendication «nationale»: le « principe de seuil » évoqué précédemment n'a pas été réhabilité. Outre les excès, et parfois la dérive terroriste des autonomismes régionalistes en Occident, la situation créée, par exemple, dans les Balkans et dans le Caucase prouve que tout groupe humain opprimé par un joug étranger peut être amené à se faire l'oppresseur d'un plus petit que lui. Il semble que toute hégémonie «impériale», celle de l'URSS autrefois ou celle des Etats-Unis (en Amérique latine notamment), non seulement n'endort pas les nationalismes, mais tend à les exacerber.
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MessageSujet: Le Congrès de Vienne (1814)   La nouvelle carte de l'Europe (1815) EmptyMer 3 Mai - 16:46

La nouvelle carte de l'Europe (1815) Carte_Congres_Vienne
L'Europe au Congrès de Vienne (1815)


L'Europe à l'automne 1814
Ainsi, dès avant la tenue du congrès, les coalisés avaient déclaré non avenus certains des objectifs les plus importants de la stratégie extérieure de la France révolutionnaire, comme celui des frontières naturelles, qui avait permis l'intégration directe au territoire français de la Belgique - les anciens Pays-Bas autrichiens - en 1795 et de la rive gauche du Rhin (1800). Ainsi, il reste principalement au Congrès de Vienne à fixer le devenir des éphémères Etats réorganisés par Napoléon, principalement allemands (Confédération du Rhin, royaumes de Westphalie et du Wurtemberg) et polonais (Grand-Duché de Varsovie).

La volonté d'isoler la France
Les représentants de l'Autriche, de la Russie, du Royaume-Uni et de la Prusse entendent réaffirmer que les maisons régnantes installées avant les guerres révolutionnaires et impériales ont un droit légitime sur les territoires et les populations dont la Providence leur a octroyé le gouvernement. Pareilles résolutions sont, en théorie, en opposition complète avec les principes exportés par la Révolution française, comme avec celui de la souveraineté nationale, qui est la source du «droit des peuples à disposer d'eux-mêmes».

Il apparaît pourtant que les puissances coalisées rassemblées à Vienne ne souhaitent pas toutes tirer un trait sur cet héritage, même si, idéologiquement, elles le rejettent. Ainsi, l'Autriche ne manifestera jamais l'intention de remettre la main sur la partie des Pays-Bas qu'elle administrait avant 1792: les guerres révolutionnaires ont montré l'extrême difficulté à contrôler ces Etats, éloignés de Vienne et peu fidèles. En outre, l'impératif stratégique primordial étant d'isoler la France, il est préférable d'intégrer cette petite province, qui apparaît comme un maillon trop faible, à un Etat plus solide, en l'occurrence aux anciennes Provinces-Unies.

Le Royaume-Uni, entré en guerre en 1793 pour s'opposer à toute présence française sur les côtes de la mer du Nord, et en particulier à Anvers, son débouché naturel sur le continent, voit les choses de la même façon. De même, en Italie, où Metternich compte compenser l'abandon des Pays-Bas, l'Autriche préfère laisser le royaume de Naples à Murat, placé sur le trône par Napoléon mais qui a pris les armes contre lui en 1814, que le restituer aux Bourbons d'Espagne, qui contrebalanceraient son influence dans le sud de la péninsule. La question des duchés de l'Italie centrale, dont les souverains avaient été chassés par leurs propres sujets à l'époque de la présence française et avaient perdu une grande part de leur légitimité, pose également problème. Bien des libertés sont donc prises, dès l'abord, avec le principe de légitimité, et les revendications personnelles des princes se mêlent aux rivalités dynastiques et aux ambitions territoriales pour rendre la répartition des dépouilles difficile.

Le cas de la Pologne
Le cas épineux de la Pologne bloquera les travaux du congrès au moins jusqu'en janvier 1815: la Russie souhaite annexer la plus grande partie de l'ex-Grand-Duché, bien au-delà donc de ce qui lui a été attribué lors du partage de 1796, et le ministre du tsar, Nesselrode, a obtenu sur ce point l'accord des représentants du roi de Prusse. Avec ses ministres Hardenberg et Humboldt, Frédéric-Guillaume espère en effet réorienter l'influence prussienne vers l'Allemagne centrale; il est prêt à abandonner ses quelques millions de sujets polonais en échange du droit d'asseoir son autorité sur la Saxe, dont le souverain a soutenu Napoléon, et veut être dédommagé avec les anciennes principautés ecclésiastiques rhénanes.

L'Autriche et le Royaume-Uni s'opposeront violemment à ces projets, au point que la rupture paraîtra proche entre les Alliés au cours de l'automne: des menaces de guerre seront même agitées par Alexandre. Les Habsbourgs ne veulent en effet ni d'une mainmise de la Russie sur leur morceau de Pologne (Cracovie et la Galicie) ni d'un retournement de la puissance prussienne vers les Etats allemands - zone qu'ils dominaient encore au XVIII e siècle par l'entremise de la couronne du Saint Empire. L'Angleterre, avec Castlereagh au Foreign Office, est vite heurtée par les prétentions de l'autocratie tsariste, et elle juge également plus opportun que la Prusse vienne s'installer directement sur la rive gauche du Rhin, et contienne ainsi la France sur ses frontières orientales.
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MessageSujet: Re: La nouvelle carte de l'Europe (1815)   La nouvelle carte de l'Europe (1815) EmptyMer 3 Mai - 16:47

La réorganisation de l'Europe


La nouvelle carte de l'Europe (1815) Talleyrand
Charles Maurice, prince de Talleyrand-Périgord


Au Congrès de Vienne le 30 octobre, il est décidé, à l'instigation de Metternich, de former des commissions spécialisées par aire géographique et par problème particulier. Celles-ci commencent à se réunir fin décembre.

Un rôle essentiel sera tenu, pour fournir des bases objectives aux négociations, par la Commission de statistique, qui estimera la valeur des territoires, à partir d'informations démographiques et fiscales.

Les manœuvres de Talleyrand
Le représentant français, Talleyrand, travaille cependant à regrouper autour de lui les petits royaumes, afin de sortir la France de Louis XVIII de son isolement. Diviser les vainqueurs et jouer des rivalités traditionnelles pour ruiner cet axe russo-prussien lui permettra de miner le front uni, qui, au départ, se présente contre les intérêts français.

Il croit son heure arrivée lorsque, le 3 janvier 1815, il arrache à Castlereagh un accord secret, impliquant aussi l'Autriche, le Hanovre, la Bavière et les Pays-Bas, prévoyant même des clauses militaires contre les «alliés ingrats» susceptibles de menacer l'équilibre européen. Cette victoire s'avérera illusoire, car la question de la Saxe, sur laquelle achoppent toutes les négociations liées à la Pologne, ne tarde plus à se débloquer.

Fin janvier, la Russie est assurée d'avoir les mains libres en Pologne, c'est-à-dire que les autres puissances se désintéressent des garanties (institutions représentatives, droits linguistiques) à donner aux Polonais. Un compromis est donc trouvé sur la Saxe: la Prusse n'en annexe que le Nord, la partie la plus peuplée, conserve sa part de Pologne (la Posnanie), et acquiert la Poméranie suédoise; à la mi-février, après des dosages subtils de populations, le roi Frédéric-Eugène de Saxe, cousin germain de Louis XVIII, obtient de conserver une importante partie de ses Etats, avec Dresde et Leipzig.

Les Français y voient une victoire, alors que cet accord consacre les manœuvres de Castlereagh visant à installer la puissance prussienne sur le Rhin: les Hohenzollern reçoivent des territoires occidentaux homogènes, que seul le Hanovre, redevenu possession de la dynastie anglaise, sépare encore du Brandebourg et de leurs terres orientales.

Le retournement de Murat
Toutes les divisions disparaissent du jour où parvient à Vienne la nouvelle que Napoléon a fui l'île d'Elbe. Le 25 mars, les coalisés renouvellent le pacte de Chaumont, qui les engage à ne pas conclure de paix séparée, tandis que le congrès poursuit ses travaux sur les questions italienne et allemande. D'entrée, pour le prix de sa renonciation à une partie de la Savoie, le royaume restauré de Piémont-Sardaigne reçoit les possessions de Gênes, soit l'ensemble de la Ligurie. Parme est attribuée comme prévu à l'ex-impératrice Marie-Louise, sans que soient garantis les droits de son fils, un Bonaparte.

Quant à l'attribution du trône de Naples, elle ne se réglera pas avant les Cent-Jours; l'Autriche est liée à Murat par le traité secret du 11 janvier 1814 en échange de son engagement dans la coalition antifrançaise - Ferdinand IV renoncerait à Naples et se cantonnerait à la Sicile. Malgré la violente hostilité de Londres, de Paris et de Madrid envers Murat, l'Autriche ne peut se dédire jusqu'à ce que l'ex-maréchal d'Empire creuse sa propre tombe pendant les Cent-Jours: le 15 mars, Joachim I er conduit son armée à travers les Etats pontificaux à la rencontre des Autrichiens, dont il espérait fixer ainsi d'importants effectifs dans la péninsule pour soulager Napoléon. L'échec est rapide: fin mai, les troupes du prince Léopold investissent Naples et préparent le retour de Ferdinand.

Le sort du nord de l'Italie
Enfin, le congrès consacre, bien entendu, la mainmise de l'Autriche sur le nord de la péninsule, par le biais de la parenté Habsbourg des ducs de Modène et de Toscane, et surtout par la constitution d'un vaste royaume lombardo-vénitien intégré directement à l'Empire (comme la Pologne à la Russie), où François est représenté par un vice-roi. Vienne se fait aussi céder le Tyrol par la Bavière, de façon à assurer une meilleure communication entre ses possessions de part et d'autre des Alpes. Il est clair pour tous les négociateurs que l'Autriche s'arroge ainsi le droit de maintenir l'ordre dans toute la péninsule.

Les nationalités oubliées
Lorsque le traité est enfin signé, le 9 juin 1815, à quelques jours de la bataille de Waterloo, le bilan est mitigé: négatif pour les petites maisons allemandes, qui n'ont guère pu faire valoir leur légitimité, et pour les défenseurs ultimes de Napoléon - la Saxe et le Danemark, amputés d'une partie de leurs territoires -, il est dramatique pour les nationalités, dont les aspirations, réveillées pendant l'ère napoléonienne (par la France d'abord, puis contre elle), n'ont pas été prises en compte.

Non seulement les peuples -Allemands, Italiens, Polonais - n'ont pas été consultés, mais ils ont souvent été répartis arbitrairement entre les maisons. Tandis que le congrès consacre l'affaiblissement de la France sur l'échiquier européen, les gains territoriaux de l'Autriche (qui a gardé la Galicie polonaise et récupéré les Provinces Illyriennes, donc une façade maritime), de la Russie (la Bessarabie, en plus de la Pologne) et de la Prusse sont importants, sans être forcément fondamentaux pour l'avenir.

Ces pays, déjà sur la défensive, vont se replier sur un conservatisme policier, à l'intérieur comme à l'extérieur: la Sainte-Alliance (26 septembre 1815) prouve à sa manière que les traités de Vienne sont d'emblée fragiles, et ne peuvent être respectés que si se perpétue une entente efficace entre les deux empires, la monarchie des Hohenzollern et le Royaume-Uni. Celui-ci ne tardera pas à se retirer du dispositif pour travailler à entretenir l'équilibre des forces entre ses partenaires continentaux.

Le triomphe du Royaume-Uni
C'est peut-être lui le plus grand vainqueur du Congrès de Vienne, qui consacre la puissance mondiale qu'elle a bâtie pas à pas au fil des conflits du XVIII e siècle. Le Royaume-Uni a imposé l'arrangement territorial le plus antifrançais qui soit, sur les bords du Rhin, on l'a vu, et à la frontière nord, en favorisant l'intégration de la Belgique au royaume des Pays-Bas, confié à la dynastie protestante des Nassau. Elle parfait encore sa maîtrise des mers en s'octroyant nombre d'anciennes colonies hollandaises (Ceylan, Le Cap, la Guyane) ou françaises (l'île Maurice, les Seychelles, les îles à sucre des Caraïbes): contrôlant presque complètement la route des Indes, elle possède en outre des bases précieuses de la Méditerranée (Malte, prise en 1798) à la mer du Nord (Helgoland, prise au Danemark).
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MessageSujet: Re: La nouvelle carte de l'Europe (1815)   La nouvelle carte de l'Europe (1815) EmptyMer 3 Mai - 16:49

La naissance des Etats modernes


La nouvelle carte de l'Europe (1815) Sainte_Alliance
Les souverains de la Sainte-Alliance
Alexandre I, François II et Frédéric-Guillaume III constituant la Sainte-Alliance


La Sainte-Alliance
Pacte d'alliance contre-révolutionnaire conclu à Paris le 26 septembre 1815 entre le tsar Alexandre Ier , l'empereur François d'Autriche et le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III, «au nom de la Très Sainte et Indivisible Trinité». La Sainte-Alliance désigne, de façon plus générale, la concertation entre les grandes puissances européennes pour préserver, en Europe, l'ordre diplomatique et politique issu des guerres de l'Empire et des traités qui les suivirent immédiatement.

Lors des négociations qui amenèrent la deuxième paix de Paris, après Waterloo, le tsar Alexandre proposa (dans un de ces élans de mysticisme conservateur dont il était coutumier) à l'Angleterre, à l'Autriche et à la Prusse de signer un texte où ils se présenteraient comme les «membres d'une même nation chrétienne». Dans ce texte, purement formel, la Prusse et l'Autriche, cependant, virent les bases d'une alliance entre les grandes puissances pour des interventions concrètes contre un éventuel renouveau des mouvements révolutionnaires et, en particulier, contre les mouvements d'indépendance nationale, que Metternich avait toute raison de redouter, étant donné le caractère multinational de l'empire d'Autriche.

L'Angleterre, qui n'avait pas signé le texte même de la Sainte-Alliance, proposa aussitôt une Quadruple-Alliance, en vertu de laquelle les quatre grands Etats se concerteraient périodiquement pour maintenir l'ordre en Europe.

Ce fut plutôt cette Quadruple-Alliance qui permit les interventions contre-révolutionnaires et antinationalistes caractéristiques de l'«Europe de Metternich» (1815-1848). Mais les libéraux européens préférèrent employer l'expression de Sainte-Alliance, dont la consonance médiévale était apte à provoquer l'ironie et l'indignation.

Des minorités nationales avides de liberté
Le courant de liberté qui a parcouru l'Europe et le sentiment national né de la lutte contre l'envahisseur français ont renforcé le désir d'indépendance ou d'unité de nombreux peuples. Ils refusent ce nouvel ordre européen et se révoltent contre le retour aux principes monarchiques. La Sainte-Alliance réprime ces mouvements d'indépendance.

Allemagne
Le rêve des nationalistes allemands est annihilé par les artisans du Congrès de Vienne, qui restaurent la plupart des princes dans leurs prérogatives, conservant toutefois la structure politique simplifiée mise en place par Napoléon, soit une confédération de trente-huit Etats dotés chacun d'une grande autonomie. En 1817, les étudiants allemands manifestent et réclament l'unité des Etats allemands.

Belgique
Les Belges n'acceptent pas la domination du roi de Hollande, qui supprime les libertés et impose le néerlandais comme seule langue officielle. Malgré le développement de l'hostilité envers les Hollandais, il fallut attendre l'arrivée à Bruxelles des nouvelles de la révolution de Juillet à Paris, pour qu'un soulèvement soit possible. Le 25 août 1828, l'étincelle fut mise aux poudres par la représentation d'un opéra d'inspiration patriotique d'Auber, la Muette de Portici.

Italie
Les différents Etats italiens sont divisés et une grande partie d'entre eux sont soumis à l'Autriche. En 1820 éclatent des insurrections au Piémont et dans le royaume de Naples, aussitôt écrasées par les Autrichiens, qui entrent dans Turin. En 1831, les révolutions de Bologne, Modène, Reggio, Parme et Rome sont réprimées par l'Autriche. Une nouvelle génération d'opposants apparaît: Giuseppe Mazzini (1805-1872) souhaite construire une Italie unifiée et républicaine, grâce à l'éducation et à l'action des masses, tandis que Massimo d'Azeglio souligne que l'unité ne peut se faire que par la guerre d'une monarchie italienne contre les Autrichiens.

Grèce
Jusqu'au XVIII e siècle, les Grecs avaient dû s'accommoder tant bien que mal de l'occupation turque, qui était pourtant parfois très dure. Ils ne purent la rejeter qu'au XIX e siècle, avec l'aide de la France, de la Grande-Bretagne et de la Russie qui, sous la pression du philhellénisme, intervinrent en faveur de la cause de l'indépendance grecque (victoire navale de Navarin, 1827), après une guerre sanglante, commencée en 1821. Le sultan fut contraint d'accorder l'autonomie au pays en 1829 (traité d'Andrinople). L'indépendance fut acquise en 1830.

Espagne
Après une période modérée, une série de scandales et le déséquilibre permanent provoqué par l'alternance des gouvernements O'Donnell et Narváez provoquèrent, un complot militaire ourdi par les généraux Juan Prim et Francisco Serrano (1810-1885) qui contraignit Isabelle II à s'exiler. La France vient en aide au roi Ferdiand VII. Le mouvement est écrasé en 1823.

Pologne
Les Polonais acceptent mal leur nouveau statut, la révolte gronde. Le mécontentement croissant des Polonais se manifeste contre le tsar, qui ne donnait satisfaction ni à leurs aspirations libérales, ni à leurs aspirations nationales (réunification au royaume des provinces de l'ancienne Pologne annexées par la Russie). En novembre 1830, une insurrection qui éclata contre le tsar Nicolas I er , successeur d'Alexandre, empêcha les troupes russes de participer à la répression des mouvements révolutionnaires en Belgique et en France; l'insurrection fut matée après une guerre de dix mois de l'armée polonaise contre l'armée russe.

L'Amérique latine
Entre 1810 et 1825, la guerre d'indépendance éclate en Amérique latine. Le Chili, le Pérou, l'Argentine et le Mexique se libère de la domination espagnole. En 1822, le Portugal pert le Brésil qui devient indépendant.
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