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| La Chine médiévale | |
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Vidar Blackeu Viking
Nombre de messages : 2711 Localisation : Dans la forêt d'Asgard Date d'inscription : 13/02/2006
| Sujet: La Chine médiévale Dim 9 Avr - 2:47 | |
| Après la dynastie des Han à l'Antiquité, s'ouvre alors une longue période (190-310) au cours de laquelle les chefs d'armée finissent par se partager l'ensemble chinois. En effet, à la dynastie impériale succède la période dite des Trois Royaumes (grande époque de la chevalerie chinoise, 220-280), avec le royaume de Wei (vallée du Huanghe), et deux pouvoirs méridionaux, les Shu dans le Sichuan et les Wu dans le bas Yangzijiang et quelques régions plus au sud. La réunification par les Jin de l'ouest (280-304) n'est qu'un rideau de fumée et l'Empire poursuit en réalité sa décomposition, dont profitent les Barbares cantonnés le long des frontières pour pénétrer en Chine.
Le temps des Barbares
Après les premières révoltes des Barbares (304), et surtout la prise de Luoyang, la vieille capitale impériale, par les Xiongnu (nomades asiatiques) en 311, s'ouvre une période obscure de trois siècles. Si la Chine du Nord voit l'étonnante succession des dynasties éphémères de «seize royaumes» barbares (304-439), un membre de la famille impériale qui s'était réfugié à Nanjing (Nankin) restaure (318) la dignité impériale (dynastie des Jin de l'Est ou Tsin méridionaux), dans une Chine du Sud qui reste prospère grâce à ses relations maritimes. Puis Chine du Nord et Chine du Sud inversent leur trajectoire.
Au Nord, la situation se stabilise quand une bande turque, les Topa, avec Kouei (386-409), entame un processus d'unification. En même temps qu'elle se sinise, cette bande donne naissance à l'empire des Wei (426-534), qui se convertit au bouddhisme (452) et reprend le trafic caravanier en Asie centrale: ainsi commercialement réanimée, la Chine du Nord retrouve son dynamisme. Mais, dans la vallée du Yangzijiang, les grandes familles terriennes constituent une aristocratie endogame qui domine un pouvoir central de plus en plus faible.
En 420, Lieu Yu renverse les Jin et les dynasties se succèdent si rapidement (Song, 420-479; Qi, 470-502) que l'Empire devient une façade. Puis Chine du Nord et Chine du Sud retrouvent un destin parallèle: la situation dans le Sud se détériore avec les Liang (502-557) puis les Chen (557-589), tandis qu'en Chine du Nord une guerre civile ravage l'empire des Wei (523).
C'est alors que de ces aristocraties militaires de sang mêlé du Nord sortent successivement deux dynasties qui vont refaire l'Empire. La première, les Sui, récupère la succession des segments dynastiques du Nord, puis reprend le contrôle du Sud (589). | |
| | | Vidar Blackeu Viking
Nombre de messages : 2711 Localisation : Dans la forêt d'Asgard Date d'inscription : 13/02/2006
| Sujet: Re: La Chine médiévale Dim 9 Avr - 2:48 | |
| Les Sui
La réunification de la Chine L'u ne des plus courtes dynasties de l'histoire chinoise, bien que d'une très grande importance sur le plan historique, la dynastie des Sui a régné de 589 à 610. Elle permit l'avènement des Tang, constituant, après trois cent soixante années de divisions, le point de départ d'un «Nouvel Empire». Vers la fin de la période des Six Dynasties, (période de renouvellement qui a succédé à la période des Trois Royaumes), la situation en Chine était fort confuse.
La réunification de la Chine Vers la fin de la période des Six Dynasties, (période de renouvellement qui a succédé à la période des Trois Royaumes), la situation en Chine était fort confuse.
La fondation de la dynastie Sui Tandis que la dynastie chinoise des Chen dominait le Sud, le Nord était partagé entre deux royaumes issus de l'empire des Turcs Topa (Tabghatch), celui des Tcheou septentrionaux, centré sur le moyen Houang Ho, et celui des Ts'i septentrionaux, plus à l'est. C'est du premier royaume que viendra l'unification, laquelle sera l'œuvre de Yang-kien, descendant d'une puissante famille de l'aristocratie chinoise. Celui-ci, après avoir renversé les deux Etats nordiques, conduisit vers le sud une armée de cinq cent mille hommes, s'empara de la capitale des Chen et proclama la dynastie des Sui.
La réconciliation des deux Chines Malgré une longue domination barbare, c'est donc d'un milieu chinois qu'était venue la force capable d'assurer la réunification. Au cours du processus d'assimilation, les nomades avaient cependant transmis aux Chinois de nombreux traits déterminants (noblesse de la famille, noblesse des armes). Une fois constitué, l'empire des Sui eut à faire face à de graves difficultés. La première était de «réconcilier» les deux Chines, tâche d'autant plus difficile qu'au cours des quatre siècles de partition les dialectes avaient eu le temps de se différencier (ce fut l'amorce des deux grands groupes de dialectes actuels).
Le règne de Wen-ti Un obstacle majeur résidait dans les différences de structures économique et sociale. Le premier empereur, Wen-ti (Yangkien), se conduisit en soldat: il exigea obéissance et sens du devoir, et ne voulut pas composer avec les lettrés confucianistes (les historiens postérieurs firent à sa dynastie le même sort qu'à celle des Ts'in, la qualifiant de tyrannique).
Les réformes Ayant un sens de l'économie poussé jusqu'à l'avarice, Wen-ti pensa que seuls de grands sacrifices pourraient remettre l'Etat sur pied (la conjoncture était telle qu'on ne savait pas si les impôts rentreraient et si même on aurait les moyens de les acheminer). Son œuvre principale consista en une réforme agraire: redistribution des terres publiques, ainsi que des friches (80 % revenaient au Trésor public après la mort du paysan). Le commerce et l'artisanat reçurent également une impulsion nouvelle.
La population s'accroissant de manière sensible, les magasins impériaux se trouvèrent remplis. Les réformes de Wen-ti n'avaient guère atteint le Sud, aussi les propriétaires du bas Yangzi, mécontents, le firent-ils assassiner pour porter au pouvoir son fils Yang-li (605). Ce dernier installa sa capitale à Luoyang, plus près des centres céréaliers, et fit construire le Grand Canal pour permettre une meilleure mise en valeur des territoires méridionaux.
La fin de la dynastie Sui Les difficultés extérieures causèrent la perte des Sui: en effet, pour faire contrepoids à l'Empire chinois reconstitué, les Turcs s'étaient alliés aux Coréens. Wen-ti avait su écarter le danger en divisant les premiers par une astucieuse politique diplomatique, mais Yang-li commit la grave erreur d'envoyer en Corée une armée d'un million d'hommes: ce fut un désastre. Non content d'entreprendre une guerre si coûteuse, Yang-li se fit bâtir des palais d'un luxe extravagant, contraint alors de demander un paiement anticipé de dix années d'impôt! Ensanglantée de nouveau par la rébellion, la Chine aurait sans doute plongé dans le marasme si un jeune général, Li Che-min, ne s'était trouvé là pour recueillir l'héritage des Sui et fonder la grande dynastie des Tang.
Le Grand Canal L'œuvre la plus durable de la dynastie des Sui est sans conteste le Grand Canal que fit bâtir l'empereur Yang-li pour joindre le bassin du Yangzijiang à celui du Huanghe.
Lien économique avec le Sud La longue occupation du Nord par les Barbares avait favorisé l'expansion chinoise vers le sud, créant une situation toute nouvelle: les terres méridionales, désormais densément peuplées, étaient devenues un pôle d'attraction ignoré par les anciennes dynasties; de plus, elles s'étaient très vite affirmées indispensables par leur production à la survie du Nord. Yang-li fit alors construire la «Rivière des nuages», ou Yunho (nom chinois du Grand Canal), pour pallier l'insuffisance des voies navigables dans la grande plaine orientale (il existait déjà un certain nombre de petits canaux). Une fois terminé, l'ouvrage, qui pouvait recevoir des navires de charge de 800 t (tonnage inconnu dans l'Europe contemporaine), joignait les deux grands fleuves et permettait un approvisionnement direct de la capitale. Un embranchement secondaire desservait la région de l'actuelle Pékin. Une importante administration fut mise en place, aussi bien dans les localités traversées que dans la capitale, afin d'assurer l'organisation du transport et l'entretien du canal.
L'inauguration On dit que l'empereur inaugura l'ouvrage à bord d'un bateau en forme de dragon, abondamment décoré, et dont la tourelle centrale atteignait une hauteur de 15 m. Pour transporter l'escorte d'officiels et de serviteurs, une procession de bateaux, longue de 100 km, était tirée de la berge par plus de quatre-vingt mille hommes. En fait, cette description extravagante a très vraisemblablement été propagée par les lettrés confucéens, désireux de justifier l'avènement des Tang conformément à la théorie chinoise de l'histoire cyclique, dans le seul but de discréditer la mémoire des empereurs Sui. | |
| | | Vidar Blackeu Viking
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| Sujet: Re: La Chine médiévale Dim 9 Avr - 2:49 | |
| Les Tang
Un demi-siècle de prospérité Treizième dynastie chinoise, la dynastie des Tang (ou T'ang) a régné de 618 à 907. Au lendemain d'une longue division entre le Nord et le Sud, cette dynastie, qui constitue le deuxième grand empire après les Han, brilla par son extension territoriale, sa civilisation pleine de vigueur et son large rayonnement.
Le règne de Kao-tsou Vainqueur des Sui, Li Che-min confia le pouvoir à son père Kao-tsou (618-626). Les nouveaux maîtres de la Chine reprirent l'œuvre de Wen-ti (des Sui) en procédant à une vaste réforme agraire, dont le principe de base était qu'aucune terre ne pouvait être donnée en fermage. Cependant, les cas d'exemption (fonctionnaires, monastères) étaient si nombreux que la loi ne put empêcher la «disparition des paysans».
Sur le plan administratif, une importante novation consista à confier les provinces à des gouverneurs militaires (ce sera, à longue échéance, la perte de la dynastie). Le gouvernement central, copié sur celui des Han, fut perfectionné par la création de sections techniques confiées à des experts plutôt qu'à des lettrés. Le bon fonctionnement du système permit une augmentation sans précédent du budget de l'Etat: la population atteignait le chiffre de cinquante millions d'habitants (dont deux millions pour la capitale).
Le règne de T'aï-tsong En 626, Li Che-min poussa son père à abdiquer et monta sur le trône (T'aï-tsong, 626-649). Son premier souci fut d'asseoir la puissance chinoise en Asie, tant par les armes que par la diplomatie. Il obtint en particulier l'alliance des Turcs Ouïgours. En 648, la domination chinoise fut de nouveau effective au Xinjiang; ce fut ensuite la conquête de la Corée, où les Chinois se heurtèrent pour la première fois aux Japonais, qui avaient des intérêts dans le pays.
Le règne de Kao-tsong Kao-tsong (650-683) consacra son règne à consolider l'œuvre de son père. Grâce à ses frontières bien protégées, à son administration, à ses routes, à ses canaux, l'Empire connut alors une prospérité générale. De nombreux étrangers convergeaient par terre et par mer, apportant avec eux les produits du monde entier, tandis que la langue chinoise devenait un moyen de communication universel dans tous les milieux cultivés de l'Asie orientale. Dès les dernières années du règne se manifesta cependant un déclin que plus rien ne devait freiner.
La période d'anarchie La faute en revient à l'impératrice Wu Tsö-tien (683-705), concubine de Kao-tsong, dont elle fit son jouet.
L'influence des concubines Une fois au pouvoir, Wu Tsö-tien mena la politique de la gentilhommerie chinoise, son alliée, mécontente de la politique turcophile de la cour et inféodée au clergé bouddhiste. Economiquement tout-puissant, ce dernier transformait les monastères en banques de dépôt et faussait le jeu monétaire en fondant l'argent des offrandes pour le thésauriser sous forme de statues. La politique de Wu Tsö-tien fut poursuivie par l'impératrice Wei. Pour recouvrer un certain équilibre, la réaction porta sur le trône Xuanzong (712-756), grand protecteur des arts, mais souverain faible, bientôt manipulé par un entourage sans scrupule, dont l'âme était la belle concubine Yang Kouei-fei.
Les guerres civiles Un des membres de l'entourage de Hiuan-tsong, le général Ngan Louchan, avait su exagérer les risques d'une invasion barbare pour se faire confier une armée considérable, avec laquelle il marcha sur la capitale. En fuite, l'empereur abdiqua au profit de son fils Su-tsong (756-762), qui défit l'usurpateur avec l'aide de la cavalerie ouïgoure, mais la Chine ne devait pas se remettre de la guerre civile, qui coûta la vie à un tiers de la population. Quant aux alliés turcs, conscients d'être indispensables, ils se conduisaient en maîtres dans la capitale, où ils exigeaient de leurs chevaux un prix exorbitant. Dans les provinces, les gouverneurs cessèrent d'acheminer l'impôt et transmirent leur charge à leurs fils. Pour sauver la situation, le gouvernement décida en 845 d'interdire les religions étrangères. Il ne s'agissait pas de prendre une mesure antireligieuse, mais de récupérer l'argent des étrangers, placé dans les monastères bouddhiques, dans les temples mazdéens, les mosquées, etc. Cette manœuvre audacieuse n'intervint d'ailleurs qu'après l'écrasement des dangereux alliés ouïgours par les Turcs Cha-t'o.
La fin de la dynastie Tang La dynastie vivait ses derniers jours: le IX e siècle fut jalonné de révoltes paysannes réprimées dans le sang; au cours de la plus importante, qui dura six ans (874-880), eut lieu la prise de Canton, avec le massacre de cent vingt mille étrangers. La capitale fut sauvée in extremis grâce à l'aide des Turcs, mais la dynastie des Tang devait néanmoins sombrer en 907 dans le désordre général. La Chine allait connaître alors un nouveau morcellement (période des Cinq Dynasties) jusqu'à l'arrivée des Song.
La civilisation des Tang Les deux grands bâtisseurs du Nouvel Empire, Wen-ti des Sui et Li Che-min, des Tang, étaient tous deux originaires du Nord, longtemps dominé par les Barbares. Les populations nomades avaient été finalement assimilées; cependant, elles avaient transmis aux Chinois une part importante de leur civilisation, à commencer par les usages de la vie quotidienne, la musique, les divertissements. La chasse, le cheval, l'escrime complétèrent désormais la vie du lettré, lequel avait partiellement oublié ses préjugés contre la caste militaire et les marchands. Les Tang se voulaient pourtant chinois, depuis le gouvernement, copié sur celui des Han, jusqu'à la culture, avec la réaction classiciste en littérature. Ils avaient conscience d'être le deuxième grand empire.
La pensée Tang L'art des Tang est vigoureux et créateur, mais leur pensée n'est guère originale. Pour réaliser l'unification morale après l'unification politique, on procéda surtout à de grands travaux de compilation et d'études sur les classiques confucéens. Des recherches privées, plus originales, mettant en doute l'authenticité de certains textes, annoncent les philologues des dynasties postérieures.
Le bouddhisme et le taoïsme eurent leur rôle à jouer dans l'élaboration des contes Tang, œuvres de lettrés éclectiques. Tous sont d'une haute tenue littéraire; certains, telle la Biographie de Li Wa, sont de véritables joyaux. La grande prose, avec Lieou Tsongyuan (773-819) et surtout Han Yu (768-824), se place sous le signe du retour à l'antique, en réaction contre le style ampoulé des Six Dynasties.
Il faut rappeler le rayonnement de la civilisation des Tang sur toute l'Asie orientale et son apport à la culture mondiale. Nombre d'inventions déterminantes, et en premier lieu le papier et la porcelaine, quittèrent la Chine pour la première fois et gagnèrent le monde arabe, avant d'atteindre l'Occident.
La poésie C'est surtout grâce à la poésie que le nom de «Tang» a acquis une célébrité mondiale. Ce genre se développe considérablement, en particulier pendant le règne de Hiuan-tsong. Outre les deux plus grands poètes chinois, Du Fu (Tou Fou) et Li Po, il faut citer Po Kiuyi (772-846), auteur du très beau Tch'ang-hen-ko («Chanson des longs regrets»), très longue pièce en vers réguliers qui chante la fuite de Hiuan-tsong et la mort de Yang Kouei-fei; Wang Wei (701-761), poète, peintre et musicien; Meng Hao-jan, grand poète paysagiste; enfin, parmi bien d'autres, Tou Mou, Yuan Tchen et Tchang Ki.
La poésie des Tang, qui est l'aboutissement de techniques élaborées dès l'époque des Han, marque cependant un complet renouvellement de l'inspiration. Aux descriptions surchargées de palais (Six Dynasties) succède un sentiment profond de la nature, adouci par la quiétude bouddhique. De grands poètes comme Du Fu, enfin, se penchent pour la première fois sur les misères du peuple.
Le périple de Hiuan-tsang L'aspect politique du bouddhisme des Tang ne doit pas nous faire oublier une vie religieuse profonde dont Hiuan-tsang fut le parfait exemple. Intrigué par des textes obscurs, il partit vers les Indes en 629, afin d'en trouver l'interprétation. Après avoir maintes fois risqué sa vie le long de la Route de la soie, il atteignit le Cachemire, où il étudia pendant deux ans, avant d'arriver en 633 aux sites de la vie du Bouddha. Aux Indes, il acquit une telle réputation que l'empereur Harsha l'invita à présider un concile. Revenu en Chine en 645, après seize ans d'absence, Hiuan-tsang entama la traduction des quelque six cent cinquante-sept ouvrages qu'il rapportait, enfermés dans cinq cent vingt boîtes. Il n'en put traduire que soixante-treize avant de mourir en 664, vénéré de tous. La qualité de ses traductions, les premières véritablement irréprochables, permit aux bouddhistes chinois d'améliorer leur compréhension de cette religion étrangère. Hiuan-tsang a également laissé le Si Yeou Ki (Récits d'un voyage à l'ouest), ouvrage mi-réaliste, mi-fabuleux, qui a été traduit dans de nombreuses langues.
L'art des Tang Puissant et vigoureux, l'art des Tang est le reflet d'une époque de grande sécurité, optimiste et énergique. C'est aussi le produit d'une société matérialiste et satisfaite d'elle-même. Influencés par l'art des Six Dynasties, les artistes Tang abandonnent les conceptions lyriques et le goût du fantastique pour se tourner vers l'aspect solide et réel des choses. Jamais, cependant, les éléments étrangers n'ont été aussi déterminants: le bouddhisme d'abord, protégé par les impératrices et parvenu à son apogée, puis la foule des voyageurs venus par mer ou par la Route de la soie et qui apportent leurs idées, leurs techniques et leurs arts.
L'architecture et la sculpture L'architecture bouddhique a beaucoup souffert de la persécution de 845. Il reste quelques exemples de pagodes en briques, mais les bâtiments en bois de cette époque ne sont conservés qu'au Japon, où les temples de la période de Nara en sont des copies fidèles: toits presque rectilignes, toujours imposants par leur volume, piliers majestueux, système de consoles encore assez dépouillé. Jusqu'au IX e siècle, la décoration des temples et des monastères a mobilisé l'énergie de la plupart des artistes. La statuaire doit beaucoup à la peinture: lignes fluides qui semblent nées du pinceau, reliefs qui sont presque des dessins incisés. La ronde-bosse elle-même donne une impression très graphique, avec un usage savant des drapés. Les formes arrondies, sensuelles, trahissent l'influence grandissante du Gandhara et de l'Inde après la sévérité des Wei.
La peinture Le même caractère exotique se retrouve dans la peinture; les traités picturaux de l'époque nous livrent un grand nombre de noms d'origine centre-asiatique, tel le Kachgarien Yu-tch'e Yi-seng, dont on vantait la «peinture en relief» (obtenue en fait par une application de couleur couche sur couche, jusqu'à ce que le sujet se détache effectivement). Les meilleurs artistes des villes indo-européennes de la Route de la soie affluèrent à la capitale et laissèrent une empreinte profonde.
Les thèmes de cour Dans l'ensemble, la peinture bouddhique des Tang se laisse séduire par les techniques étrangères. Toutefois, l'art du grand maître Wu Tsao-tseu (né vers 700) est purement chinois. C'est encore au Japon qu'il faut chercher des exemples de son style, ample et majestueux. Ces dernières qualités se retrouvent dans la peinture de cour, comme le montre un remarquable rouleau de Yen Li-pen (mort en 673), les Treize Empereurs. Outre les scènes de palais, les portraits des concubines de l'empereur ou les représentations d'animaux étranges envoyés en tribut par les pays vassaux, les artistes officiels se voyaient commander les portraits des chevaux impériaux. Certains y excellaient, tel Han Kan (actif vers 750), dont le Cheval avec son palefrenier est un des chefs-d'œuvre de la peinture mondiale.
Le paysage En marge de cet art académique s'annonçaient, avec Li Seu-hiun et Wang Wei, les deux grandes traditions du paysage. Le premier, considéré comme le fondateur de l'école du Nord (distinction tout arbitraire établie sous les Ming), aimait les grandes compositions, la perfection du détail, les harmonies bleu-vert. Sa manière devait dégénérer en un art purement décoratif. Il n'en fut pas de même de Wang Wei (né en 701), «fondateur» de l'école du Sud et de la peinture des lettrés. Grand poète et peintre de premier plan («ses peintures étaient des poèmes et ses poèmes des peintures»), il sut saisir la réalité profonde des choses. Ses paysages de neige, fondus dans la brume, exécutés avec un minimum de moyens, sont célèbres à juste titre.
On ne saurait conclure sans souligner la vigueur et la qualité de l'artisanat des Tang. Les porcelaines et les grès restent dans la tradition des Six Dynasties, mais l'apport barbare se signale par de nombreuses figures funéraires: chasseurs, chevaux, danseurs, en grès vernissés (dominante brun et vert). D'une finesse exquise, l'orfèvrerie est profondément marquée par l'art sassanide.
Les autres arts On ne saurait conclure sans souligner la vigueur et la qualité de l'artisanat des Tang. Les porcelaines et les grès restent dans la tradition des Six Dynasties, mais l'apport barbare se signale par de nombreuses figures funéraires: chasseurs, chevaux, danseurs, en grès vernissés (dominante brun et vert). D'une finesse exquise, l'orfèvrerie est profondément marquée par l'art sassanide. | |
| | | Vidar Blackeu Viking
Nombre de messages : 2711 Localisation : Dans la forêt d'Asgard Date d'inscription : 13/02/2006
| Sujet: Re: La Chine médiévale Dim 9 Avr - 2:50 | |
| Les Song
Correspondant à la XIX e dynastie chinoise, les Song ont régné de 960 à 1279. Contrairement aux autres grandes dynasties chinoises, les Song ont brillé beaucoup plus par le raffinement de leur civilisation que par leur puissance. Le transfert de la capitale au sud, sous la poussée nomade, permet de distinguer deux périodes: les Song du Nord et les Song du Sud.
Les Song du Nord (960-1126) Envoyé contre les nomades par l'empereur des Zhou (Tcheou) septentrionaux, l'un des souverains de cette période terrible qui suivit la fin des Tang, le général Zhao Kuang-yin (Tchao Kouang-yin) fut forcé par ses lieutenants de revêtir la robe impériale et de marcher sur la capitale, Kaifeng, pour y fonder une nouvelle dynastie, celle des Song. Devenu l'empereur Tai-zu (T'ai-tsou, 960-976), Zhao anéantit le pouvoir des généraux et dirigea lui-même l'armée. Souverain énergique, contrairement aux apparences, il sut redonner à l'empire une certaine puissance et plaça le Tonkin sous son protectorat en 973.
La sélection des hauts fonctionnaires Pour réorganiser l'administration, qui s'était désintégrée au cours de la période des Cinq Dynasties, Tchao remit en vigueur le système des examens impériaux, organisés désormais de manière régulière tous les trois ans dans chaque district, suivant un principe qui devait rester le même jusqu'à leur abolition au début du XX e siècle. Les candidats, auxquels on soumettait plusieurs sujets de dissertation tirés des classiques confucéens, restaient enfermés plusieurs jours dans de minuscules cellules. Les lauréats (deux cents sur plusieurs milliers) pouvaient avoir accès aux plus hautes charges et constituaient cette gentilhommerie de fonctionnaires (lettrés, mandarins), qui, à l'exception d'une brève éclipse sous les Yuan, allaient gouverner seuls la Chine pendant des siècles.
Au cours du XII e siècle, le système fut complété par la création de collèges et d'une université d'Etat, où les études, fort poussées, étaient sanctionnées par des contrôles mensuels et des examens bisannuels.
L'essor des campagnes Dès les débuts du règne de T'ai-tsou, la production agricole connut un accroissement notable (amélioration des techniques, moulins, irrigations), de sorte que la population chinoise devait atteindre dans le courant du XII e siècle une centaine de millions d'habitants (soit deux fois plus qu'au VIIIe siècle). La condition paysanne par elle-même resta cependant très misérable car, contrairement aux Sui ou aux Tang, les Song n'entreprirent pas de grande réforme agraire; la terre appartenait entièrement à de gros propriétaires. Cette situation, rendue plus critique par une inflation générale, appelait des mesures énergiques: au XI e siècle, l'audacieux Wang Ngan-che (1021-1086), chef d'un «parti réformateur», attaqua les monopoles commerciaux au profit des petits commerçants et fit bénéficier les petits cultivateurs de crédits substantiels. En même temps, le salaire des fonctionnaires fut largement relevé pour qu'ils n'aient pas la tentation de se livrer à des exactions. Un parti réactionnaire se dressa bientôt contre Wang et parvint à anéantir toute son œuvre. En 1102, l'ère des réformes avait vécu.
La vie urbaine sous les Song Les regroupements sociaux caractéristiques de l'époque des Song se manifestèrent par l'apparition d'une vie urbaine intense.
L'organisation urbaine Dans de vastes agglomérations tracées au cordeau, des avenues parfois larges de plusieurs dizaines de mètres empêchaient la propagation des incendies (la plupart des maisons étaient en bois). L'Etat entretenait d'ailleurs un important corps de pompiers très bien équipé. Sur des tours bâties à chaque carrefour, des cloches sonnaient toutes les heures du jour et de la nuit. A sept heures, la population était éveillée et les portes ouvertes.
Les habitants Les différents métiers, regroupés en guildes, étaient répartis suivant des quartiers bien déterminés; des accessoires vestimentaires particuliers permettaient de reconnaître au premier coup d'œil le métier de tel ou tel. Une multitude de restaurants servaient des plats de toutes les provinces, avec une paire de baguettes et une serviette en papier. Le service des ordures était assuré par des contractants. Les œuvres sociales se développèrent sous l'influence bouddhique (hôpitaux, orphelinats, maisons de vieux, pompes funèbres pour les pauvres). De nombreux clubs et sociétés regroupaient les amateurs de poésie, les joueurs ou les marchands simplement désireux de se réunir. En règle générale, parvenus aussi bien que beaux esprits se retrouvaient dans les maisons de thé ou chez les courtisanes en renom, dont le rôle dans la société était de premier plan. En contrepartie de cette existence colorée, les villes abritaient toute une faune de voleurs à la tire, de proxénètes et de faussaires.
Les fêtes Les nombreuses fêtes réparties au long de l'année permettaient au peuple d'oublier les soucis d'une existence active. Les plus populaires étaient la fête du Printemps, celle du Troisième Mois, l'anniversaire de la naissance du Bouddha et la fête des Lanternes, cette dernière se tenant tous les mois. Certaines cérémonies officielles se déroulant dans la capitale étaient honorées de la présence de l'empereur. La plus grande attraction en était les éléphants envoyés en tribut par les petits Etats vassaux du Sud-Est asiatique.
Les Song du Sud (1127-1279) Fait assez rare en Chine, les Song donnèrent la primauté absolue à la politique intérieure. Dès le règne de T'ai-tsou, pourtant, la pression des Mongols Khitan se fit durement sentir sur les confins septentrionaux. Au lieu de lutter, les Song préférèrent leur acheter la paix au prix d'un lourd tribut annuel (chose difficilement pensable dans le passé).
L'invasion de la Chine du Nord Les Khitan sinisés fondèrent en Mongolie et en Mandchourie une dynastie Liao, bientôt renversée et remplacée dans les confins septentrionaux par une tribu vassale, celle des Jin (Jürchen). Ces derniers n'étaient guère portés à transiger. A peine avaient-ils soumis leurs anciens maîtres qu'ils envahirent la Chine du Nord, s'emparèrent de l'empereur Huizong (Houei-tsong), obligeant la cour à abandonner sa capitale de Kaifeng, près du fleuve Jaune, pour se réfugier en 1127 à Hangzhou, à plus de deux cents kilomètres au sud du Yangzi (fleuve Bleu), le point le plus méridional jamais choisi pour une capitale impériale.
La naissance d'une nouvelle civilisation Une fois refoulés au sud, les Song semblent avoir renoncé à tout désir de reconquérir le Nord. L'importance prise par les régions méridionales au cours des siècles précédents permettait d'ailleurs d'y constituer un Etat beaucoup plus cohérent que n'avaient pu le faire les Cinq Dynasties du Sud. La cour, l'aristocratie et les marchands se laissèrent aller à la douceur de vivre, édifiant une civilisation d'un raffinement extrême, tout entière tournée vers l'art et le plaisir.
L'arrivée des Mongols Malgré de périodiques et brèves remontées au pouvoir d'un « parti militariste », il n'y eut guère de conflits avec les Jin. En effet, les Song se placèrent (comme avec les Liao), sous leur vassalité; le traité de 1165 mit les deux Etats sur un pied d'égalité. L'invasion de l'empire des Jin par les Mongols (1210) fit un moment croire aux Chinois qu'ils étaient débarrassés de voisins gênants, illusion entretenue du reste par l'arrêt momentané de la conquête. Sous la conduite d'un aventurier de génie, Kia Sseutao, qui créa en particulier des terres nationalisées destinées au budget de l'armée, on put même espérer une renaissance nationale. En fait, il en résulta une plus grande tension sociale. Lésée par ces mesures, l'aristocratie accueillit presque avec soulagement les Mongols quand ceux-ci pénétrèrent enfin à Hangzhou en 1279. Toute la Chine fut alors placée pour près d'un siècle sous le joug barbare. La civilisation des Song Jamais la Chine n'avait connu un tel épanouissement culturel et artistique. Le développement de grands centres urbains (Kaifeng, Hangzhou) donna naissance à une vaste aristocratie urbaine de fonctionnaires et de marchands (mieux admis désormais dans les milieux lettrés), qui cultivait jusqu'à l'excès le plaisir de l'instant présent, comme pour ne rien perdre des dernières heures précédant la tourmente.
Le développement économique Le développement urbain et agricole, et la croissance considérable de la population dans le Sud s'accompagnèrent de réels progrès dans le domaine technique (industrie minière, métallurgie, chantiers navals). Le commerce intérieur comme le commerce extérieur se développèrent considérablement.
Les échanges les plus importants se faisaient avec les nomades du Nord (Liao puis Jin), mais la Chine restait en contact étroit avec toute l'Asie méridionale, jusqu'à l'Inde. Marier sa fille à un «capitaliste» indien de Canton ou de Hangzhou était une excellente affaire: les quartiers étrangers se multipliaient dans tous les ports, où s'effectuait la plus grande partie du commerce extérieur (exportations de thé, la Route de la soie) et surtout porcelaine: les céladons Song se répandirent dans le monde entier). Parallèlement au commerce, les activités financières et bancaires s'accrurent sensiblement: on imprima un grand nombre de billets de banque, portant un numéro de série ainsi que la mention «tout contrefacteur sera décapité».
La pensée Song Après une longue stagnation, la philosophie chinoise se développa à nouveau sous les Song.
Les penseurs politiques Pour la première fois, on put parler de partis («réformateurs» et «conservateurs»), qui rassemblèrent leurs théories politiques dans des ouvrages du plus haut intérêt. Le penseur le plus original reste le grand syncrétiste Tchou Hi (1130-1200), qui introduisit dans le confucianisme des éléments taoïstes (entre autres la notion de t'ai-ki, le «faîte suprême») et bouddhistes. Son interprétation des classiques devait prévaloir jusqu'au XX e siècle. Les lettrés confucianistes se livrèrent par ailleurs à un nombre impressionnant de travaux d'érudition, dont le plus précieux est le Tseu tche t'ong kien («miroir pour aider à gouverner»), immense encyclopédie rédigée par Sseu-ma Kouang (1019-1086), un des plus farouches adversaires de Wang Ngan-che, où l'auteur fait un tableau magistral de la civilisation chinoise depuis les origines.
Les essayistes Les grands essayistes de l'époque des Song, très nombreux, marquent un retour à la prose sobre et claire des Tang telle que l'avait illustrée Han Yu. Une place de choix revient aux trois Sou: le père, Sou Siun, et les deux fils, Sou Che et Sou Tong-p'o. Tous trois innovèrent en introduisant dans leurs écrits des tours et des expressions populaires, sans jamais cependant tomber dans la vulgarité. Sou Tong-p'o (1036-1101), surtout, est l'un des plus grands lettrés selon l'idéal chinois. Il fut en effet le maître de la peinture de bambous en même temps qu'un grand poète qui sut apporter à ses œuvres une fraîcheur et une spontanéité inconnues des grands classiques.
L'académisme poétique A part Sou Tong-p'o, l'époque Song n'a guère eu de grands poètes, bien que tous aient pris un réel plaisir à participer aux concours poétiques, lesquels ont malheureusement suscité un académisme nuisible: on ne songe plus qu'à piller les Anciens pour «tourner des vers» à la mode. La poésie des Song est ravissante, certes, mais guère créatrice. La grande nouveauté réside dans le genre pi-ki, ou «notes du pinceau», utilisé par les plus grands auteurs pour parler de tout et de rien (de leur villa campagnarde jusqu'à des études sur la technique de l'imprimerie ou de profondes réflexions philosophiques). | |
| | | Vidar Blackeu Viking
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| Sujet: Re: La Chine médiévale Dim 9 Avr - 2:50 | |
| Les Song (Suite)
L'art sous les Song En paix avec elle-même, et achetant la paix à ses voisins, la Chine des Song se mit à l'étude du monde et redécouvrit l'univers des sentiments et de l'imagination, un moment éclipsé par le positivisme des Tang. L'intuition philosophique s'allia à une énergie créatrice profonde pour porter l'art chinois à l'un de ses plus hauts sommets, dans un climat favorable aux esthètes: tous les empereurs de la dynastie des Song furent des mécènes, sinon des artistes eux-mêmes.
L'architecture et la sculpture L'effervescence intellectuelle de l'époque Song se manifesta sur le plan artistique par l'apparition d'un certain nombre d'ouvrages théoriques. Le Ying-tsao fa-che (manuel d'architecture), en particulier, constitue un document précieux, grâce auquel nous avons une bonne connaissance de l'architecture sous les Song. Aux bâtiments robustes et massifs des Tang succèdent des formes gracieuses et élancées. Sous l'influence du Sud-Est asiatique, la mode des toits recourbés gagne peu à peu la capitale.
Les monuments bouddhiques les plus prestigieux de l'époque sont cependant l'œuvre des Barbares du Nord, Liao et Jin, plus portés à la dévotion. Dans le Nord, la sculpture reste d'ailleurs essentiellement bouddhique. Moins puissante que sous les Tang, elle ne leur cède pas en expression. Des drapés magistraux donnent une saisissante impression de vie. Les représentations de Kouanyin (manifestation féminine du Bouddha de compassion), loin d'exprimer la pitié, semblent hautaines et dédaigneuses, mais leur pouvoir de consolation s'en trouve renforcé. Le bouddhisme avait été durement frappé par la persécution de 845. Il n'en fut pas de même de la secte Tch'an (en japonais: zen), dépourvue d'organisation cléricale et essentiellement quiétiste. Le Tch'an joua sous les Song un rôle déterminant, d'autant qu'il s'accordait aux idéaux de l'époque (libération spirituelle et pureté de l'âme).
La peinture: l'âge d'or du «paysage» La peinture Tch'an, dépouillée à l'extrême, n'utilisait que le papier et l'encre noire; le trait restait très proche de la calligraphie, avec une intensité inégalée. Les portraits d'arhats (saints bouddhiques) et d'ermites traduisent le mieux la mystique Tch'an. Les plus saisissants sont dus à Leang K'ai (actif vers 1200). Un autre moine, Mou-k'i (1200-1250), a laissé des «singes» mais il est surtout célèbre pour ses «six kakis».
Les théoriciens En dehors de la peinture Tch'an se poursuit la grande tradition paysagiste, dont le premier siècle des Song constitue l'âge d'or. Le grand théoricien King Hao, qui vécut sous les Cinq Dynasties, est cependant très représentatif des tendances illustrées par les artistes Song. Reprenant les six principes de Sie Ho avec une logique plus poussée, il soutient que, pour exprimer la vérité profonde de la nature, l'artiste doit rester réaliste, non pas forcément dans le coup de pinceau, mais dans la conception d'ensemble (qu'un homme ne soit pas plus grand qu'un arbre, que des fleurs qui ne fleurissent pas à la même saison ne soient pas représentées sur le même tableau, etc.), selon l'attitude taoïste d'harmonie universelle. Un autre théoricien, Chen Koua, condamne dans ses Propos de pinceau du ruisseau des rêves les effets de perspective, considérés comme une entrave à l'expression: «Les paysages doivent être vus dans leur totalité, afin d'en discerner la partie.»
Mi Fou De nombreux artistes, tels Li Tch'eng, Siu Tao-ning, Fank'ouan, vont édifier au cours du XIe siècle une vision nouvelle de la nature, d'une conception élevée et dramatique. La peinture des lettrés est représentée de façon idéale par Mi Fou (ou Mi Fei, 1051-1107), collectionneur jaloux et calligraphe excentrique qui ne vint à la peinture que fort tard (et très marqué par la calligraphie); de caractère difficile et fantasque, d'un esprit totalement indépendant, même vis-à-vis de son impérial mécène Houei-tsong, Mi Fou peignait par pur plaisir dans un style très original: les contours de ses montagnes étaient figurés non par des traits mais par des taches alignées, les «points de Mi». Trop indépendant pour faire un bon fonctionnaire, Mi Fou connut une carrière des plus mouvementées. Il en fut de même pour son ami intime Sou Tong-p'o, grand homme de lettres resté par ailleurs le peintre de bambous le plus apprécié.
L'Académie impériale de peinture Un contemporain de Mi Fou, Li Long-mien (ou Li Kong-lin, 1040-1106), fut le meilleur portraitiste des Song: il avait hérité la ligne ondulante de Wu Tao-tseu. Le règne de Houei-tsong (1101-1125), mécène généreux mais trop exigeant, artiste accompli lui-même (il excellait à peindre les oiseaux et avait maîtrisé un style calligraphique très personnel), fut marqué par la création de l'Académie impériale de peinture, qui devait, hélas! jouer dans l'histoire de l'art chinois un rôle assez négatif. Après l'invasion du Nord par les Barbares et l'exode vers le sud, l'Académie restera toute-puissante et empêchera souvent l'épanouissement de talents originaux. Elle permit pourtant la création d'un nombre considérable d'œuvres charmantes sinon géniales. Deux grands noms l'illustrèrent: Ma Yuan (XII e siècle) et Hia Kouei (XIII e siècle), fondateurs de l'école Ma-hia. Ces deux artistes ont laissé une interprétation romantique de la nature triomphante, à tel point que la critique occidentale a longtemps vu dans leur école l'essence même de l'art chinois.
La céramique Song Sous les Song, les productions des potiers, destinées à une élite intellectuelle, sont restées inégalées par la pureté de leurs formes et de leurs coloris (monochromes pour la plupart). Dans la capitale du Nord existaient déjà des ateliers chargés de fabriquer une «céramique officielle» (kouan). Après le transfert de la cour à Hangzhou, la région située autour de la capitale se remplit de centres de production de la «porcelaine impériale». Malheureusement, un grand nombre de ces pièces ne sont connues que par des catalogues de collectionneurs ou des traités spécialisés. Pour la plupart des grès sous couvertes, les céramiques étaient classées en fonction de leurs formes et de leurs tons. La qualité du toucher et la sonorité de l'objet constituaient également des critères fondamentaux pour les amateurs. Les «ting» (couvertes blanc crème), les «tch'ai» («bleu comme le ciel après la pluie»), dont il ne subsiste aucun spécimen, et les céladons «jou» étaient particulièrement appréciés. Ces derniers, qui ont parfois sous la couverte un léger relief à motif de fleurs ou d'oiseaux, ont été copiés de l'Annam à la Corée; dès l'époque des Song, ils ont été exportés dans toute l'Asie. | |
| | | Vidar Blackeu Viking
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| Sujet: Re: La Chine médiévale Dim 9 Avr - 2:51 | |
| Les Yuan
La conquête mongole Sous la dynastie mongole des Yuan, la totalité du territoire chinois est, pour la première fois, occupée par un peuple étranger: les Mongols. C'est une période traditionnellement «noire» aux yeux des historiens chinois anciens et modernes. Toutefois, la dynastie des Yuan ne semble pas avoir joué un rôle si négatif, au moins sur le plan culturel.
En 1125, les Jürchen (Protomandchous) s'étaient emparés du nord de la Chine, mettant fin à la dynastie des Song du Nord. Les Song du Sud purent composer avec ces dangereux voisins, mais bientôt, les Mongols, surgissant du cœur de l'Asie après avoir opéré d'immenses conquêtes vers l'ouest, se jetaient sur la Chine, renversant les Jin (dynastie djurtchète du Nord) en 1234, puis les Song du Sud en 1276-1280.
Khoubilaï Khan C'est au petit-fils de Gengis Khan, Khoubilaï, héritier de l'apanage oriental, monté sur le trône sous le nom de Che-tsou (1280-1294), que revint la tâche d'asseoir la puissance mongole en Chine. A cette date, les conquérants n'étaient plus ces hordes sauvages que Gengis avait menées à l'assaut du monde. La conquête de la Chine du Sud se fit, sinon en douceur, du moins sans ravages irréparables. Peu nombreux, les Mongols se contentèrent de contrôler tous les points stratégiques.
La nouvelle société chinoise La société chinoise fut officiellement divisée en quatre groupes: Mongols, privilégiés dans tous les domaines, autres peuples nomades, Chinois du Nord et enfin Chinois du Sud, conquis plus récemment. A part ceux qui surent s'entendre avec les vainqueurs, les Chinois durent, dès lors, se résoudre à des fonctions subalternes. Ils furent en outre l'objet de mesures discriminatoires: interdiction de porter les armes et de parler la langue mongole (peu de Chinois se seraient d'ailleurs souciés de l'apprendre). En dépit de cette ségrégation, la période qui s'ouvre marque un renouveau de l'unité chinoise.
L'extension de l'espace chinois Sur le plan intérieur, l'empire fut réorganisé en provinces, qui sont restées sensiblement les mêmes jusqu'à nos jours: consciemment ou non, les époques postérieures ont donc, d'une certaine manière, recueilli l'héritage mongol. D'autre part, les liens avec le Tibet furent resserrés, et le Yunnan, indépendant depuis les Tang, fut rattaché à l'empire. D'ailleurs, à peine les Mongols avaient-ils envahi la Chine du Sud qu'ils se lançaient dans des expéditions plus lointaines: Japon en 1274 et 1281 (ce fut un échec), Annam de 1280 à 1285 (succès sans lendemain), Birmanie en 1287 et Java en 1292. Dans toutes ces expéditions, les Chinois, et non les Mongols, fournirent le gros des troupes. La recherche du contrôle des détroits indonésiens sera reprise, plus pacifiquement, au XV e siècle, sous les Ming.
La Chine sous les Mongols La réouverture de la Route de la soie, pratiquement inexploitée depuis les Tang, annonçait une ère de prospérité économique.
L'essor des villes Les premiers bénéficiaires en furent les grandes villes, dont le développement s'était amorcé sous les Song. La Hangzhou des Mongols fut une métropole fréquentée par tous les peuples de l'Asie; elle vit même les Italiens Marco Polo et Odoric da Pordenone, ainsi que le Maghrébin Ibn Batutta. Stèles et bas-reliefs ont révélé la présence, dans les villes du Sud, de communautés hindouistes, musulmanes, chrétiennes, etc. Au nord de la Chine, Khoubilaï construisit une nouvelle capitale, Khanbalik (la Cambaluc de Marco Polo), aujourd'hui Pékin. Les marchands d'Asie centrale y affluaient en si grand nombre que l'on institua un office gouvernemental pour s'occuper d'eux.
La paupérisation des campagnes Malgré l'organisation de greniers d'Etat destinés à régulariser la redistribution, il semble que l'essor des grandes villes se soit fait au détriment des campagnes, dont on attendait, en fait, qu'elles assurent la survie des premières. D'importantes confiscations de terres au profit des Mongols, la formation de grands domaines privés et des catastrophes naturelles comme la crue du Huanghe, en 1351, augmentèrent la misère paysanne. Des bandes de rebelles se constituèrent bientôt, prises en main par les sociétés secrètes. L'un de ces mouvements, celui des Turbans rouges, devait venir à bout de la dynastie des Yuan avant d'être lui-même anéanti par un de ses anciens meneurs, Tchou Yuan-tchang, le fondateur de la dynastie des Ming.
La civilisation des Yuan Parallèlement à cette exploitation et à cette paupérisation de la Chine, la dynastie des Yuan connut une période d'essor culturel, peut-être la dernière grande période créatrice de l'histoire chinoise. Cet essor fut en grande partie permis par les nouveaux contacts: arrivée en Chine du Nord de musulmans, de chrétiens, de juifs. Impact aussi et surtout des peuples de l'Asie centrale, Tibétains, Turcs, etc.
Un Népalais fut l'un des grands architectes de Pékin (alors Ta Tu). Dans le domaine scientifique, ce fut sa connaissance des sources musulmanes qui permit au grand astronome Kouo Cheou-king de corriger le calendrier et de construire un observatoire à Pékin. En même temps, l'Occident s'enrichissait au contact du monde chinois (poudre, imprimerie). Au XIV e siècle, des ingénieurs chinois furent employés aux travaux d'irrigation de la Mésopotamie, tandis que des médecins chinois rencontraient le grand savant persan Rashid ud-Din. Les voyageurs dans le monde sino-mongol Les prédécesseurs de Marco Polo De 1253 à 1255, le franciscain flamand Guillaume de Ruysbroeck, parti de Syrie, s'avança jusqu'à Karakorom, en plein cœur de la Mongolie, à travers les steppes de la Sibérie méridionale. De 1245 à 1247, l'Italien Plan Carpin (Piano dei Carpini), parti de Kiev, accomplit sensiblement le même périple. Ni l'un ni l'autre, il est vrai, n'atteignirent la Chine proprement dite. Pourtant, et d'après les sources chinoises elles-mêmes, Marco Polo ne fut pas le premier à y parvenir.
Marco Polo Marco Polo fut le premier à donner un compte rendu mémorable de son périple, le Livre des merveilles du monde. Il fut aussi le voyageur qui connut le destin le plus fabuleux, puisque, parvenu à Pékin en 1275, il fut chargé des plus hautes fonctions par l'empereur Khoubilaï. A ce titre, il fut le témoin oculaire de la conquête mongole en Chine méridionale. Au cours des seize années qu'il passa au service du souverain mongol, Marco Polo fut envoyé en mission en Annam, au Tonkin, en Inde et en Perse. En 1291, il regagna Venise par la voie maritime, après avoir vu l'Asie comme aucun autre voyageur occidental n'eut l'occasion de la voir.
Rabban Oauma Il serait injuste de clore la liste des grands voyageurs du XIII e siècle sans parler du chrétien nestorien Rabban Oauma, né à Pékin en 1225 et qui, refaisant le voyage de Marco Polo à l'envers, gagna l'Europe, où il fut reçu à la cour de Philippe le Bel.
L'art Yuan Après le raffinement splendide des Song, l'accession au pouvoir de la dynastie mongole des Yuan (1260-1368), avec Genghis Khan et son fils Kubilaï Khan, ne pouvait que marquer une coupure dans l'histoire de l'art chinois. Les empereurs Yuan étant peu portés au grand mécénat, les lettrés et artistes, par ailleurs opposés à la domination étrangère, s'installent à l'écart de la cour, dans la région de Jiang Si Anhui. La production picturale prend un caractère privé et parfois contestataire.
Rupture avec l'art des Song La rupture la plus sensible se manifeste dans l'architecture. Après la hardiesse gracieuse des édifices song aux savants enchevêtrements de consoles, les bâtiments yuan adoptent des lignes plus régulières, plus massives (le style n'en changera pas beaucoup jusqu'au XIX e siècle).
Dans l'ensemble, l'artisanat (pierres dures, céramiques) des Yuan représente un moment de décadence entre les dynasties Song et Ming. Les fours de King Tö Tchen restèrent actifs, mais les formes pures et les glaçures raffinées des Song ne furent pas perpétuées. Il faut toutefois mentionner une abondante production de très beaux «bleu et blanc», fort appréciés des collectionneurs. La faveur accordée au bouddhisme, pour des raisons politiques (facteur d'unification des idées, religion des nomades constituant les catégories ethniques privilégiées), se concrétise par une production intéressante de sculptures à thèmes religieux (bois, terre cuite vernissée) et par l'arrivé d'artisans népalais (bouddhistes lamaïstes).
Les peintres lettrés La période des Yuan est riche de grands peintres. Pourtant, presque tous, méprisant les conquérants barbares, s'éloignèrent de la cour pour peindre dans l'intimité. Tchao Mong-fou (1254-1322) fait exception à la règle: il eut accès à des hautes charges (ce sont d'ailleurs des lettrés tels que lui qui, en civilisant les Mongols, contribuèrent le mieux à leur chute). Cet excellent calligraphe fut un spécialiste de la peinture de chevaux, mais aussi un grand paysagiste, original et sensible (il ne peignait pas pour la cour, mais pour son plaisir).
Hormis Tchao Mong-fou, c'est dans le sud de la Chine que vivaient les «Quatre grands Maîtres» des Yuan. Le premier est Hao K'o-kong (né vers 1248), continuateur des paysages brumeux de Mi-Fou. Houang Kong-wang (1269-1354), quant à lui, peignit des œuvres épurées, détachées de tout souci décoratif. Ni Ts'an (1301-1374) est l'un des plus grands noms de la peinture chinoise; sa concision dans l'expression est remarquable: «il utilisait son encre comme si c'eût été de l'or». Quelques arbres dénudés et quelques silhouettes de montagnes lui suffisent à suggérer un monde. Wang Meng (vers 1300-1385) est très différent: ses paysages sont tourmentés et encombrés, ses traits sont précis et serrés, la force de ses compositions est impressionnante (il devait mourir en prison en 1385, sous les Ming, pour avoir occupé un poste sous les Mongols).
Une réponse à l'occupation Il convient de souligner le rôle symbolique de certains thèmes picturaux, en particulier celui du bambou, cher aux lettrés yuan. Il symbolise en effet le lettré intègre qui se courbe sous le vent de l'adversité de l'occupation mongole, mais reste prêt à se redresser. Wou Tchen et Ni Ts'an furent d'excellents peintres de bambous. Signalons enfin une intéressante peinture de Jen Jen-fa, Cheval gras et cheval maigre (musée de Pékin), censée figurer deux lettrés, le «collaborateur» (cheval gras) et le «patriote» (cheval maigre). | |
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