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 La Révolution française (1789/1799)

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Blackeu Viking
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MessageSujet: La Révolution française (1789/1799)   La Révolution française (1789/1799) EmptyMer 3 Mai - 16:05

Afin de résoudre les problèmes économiques du royaume, Louis XVI consent à convoquer les états généraux, alors qu'ils avaient pas été réunis depuis 1614. En quelques semaines, cependant, le souverain perd le contrôle de cette assemblée où les notables, issus de la bourgeoisie, dominent les nobles et les représentants du clergé.

Les états généraux se proclament Assemblée nationale constituante le 9 juillet 1789. Le 14 juillet, le peuple de Paris s'empare de la Bastille, symbole de l'absolutisme royal. Lors de la nuit du 4 août, l'Assemblée vote l'abolition des privilèges. Les 5 et 6 octobre, le peuple, et notamment les femmes, ramène le roi à Paris. Louis XVI tente de fuir en juin 1791, mais il est arrêté à Varennes.

L'Assemblée législative, qui succède en octobre 1791 à la Constituante, est marquée par la guerre avec les puissances européennes et par l'insurrection du 10 août 1792. De septembre 1792 à octobre 1795, la Convention marque le paroxysme du processus révolutionnaire, qui culmine avec la brève dictature jacobine au Comité de salut public en 1794, jusqu'à la chute de Robespierre lors de Thermidor. Le Directoire, s'il profite des victoires de ses armées à l'extérieur, est incapable de résoudre les problèmes intérieurs ; il finit par être tributaire de ses propres généraux, jusqu'au coup d'Etat de brumaire.
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MessageSujet: Re: La Révolution française (1789/1799)   La Révolution française (1789/1799) EmptyMer 3 Mai - 16:05

Révolution: les mots et la réalité


La période 1789-1799

Entre 1789 et 1799, la France a connu un bouleversement dont les conséquences et la mémoire ne cessent d'influer sur le quotidien du XXe siècle: la Révolution a proclamé les droits de l'homme, institué l'égalité civique et le système métrique, créé les départements, supprimé - un temps - l'esclavage, donné au pays un panthéon de héros et de martyrs. Ce faisant, elle a aussi popularisé la guillotine et la terreur, entraîné des catastrophes économiques et démographiques, provoqué des revirements considérables dans les situations sociales, et ouvert la voie aux révolutions du XIXe siècle.

La période 1789-1799 ne peut pas être considérée comme n'importe quelle autre époque historique. Le retentissement des événements a été immédiat et considérable, entraînant de nombreux débats, provoquant la naissance de traditions de pensée et d'un vocabulaire politique qui sont encore les nôtres. Avant même d'aborder le déroulement des faits, il est nécessaire de prendre conscience de cette histoire qui constitue toujours notre culture devant la Révolution.

Des traditions ancrées
1789 a ébranlé l'Europe. Des Allemands, comme le philosophe Kant ou l'étudiant Hegel, ont aussitôt perçu l'ampleur de la rupture entraînée par la prise de la Bastille et la Déclaration des droits de l'homme. Leurs œuvres ont témoigné de leur attente d'un monde rénové par l'action politique.

Les Anglais et les Américains se sont déchirés sur les enseignements à tirer de ce qui se passait en France: pour le Britannique Edmund Burke, député whig aux Communes (Reflections on the Revolution in France, 1790), l'insurrection populaire a ruiné les fondations historiques de la nation française; le démocrate anglo-américain Thomas Paine répond à ce violent réquisitoire par The Right of Man (1791-1792), où la Révolution est présentée comme l'annonce d'un monde meilleur bâti par les hommes.

Malgré la tragédie de la guerre, de la Terreur et les exécutions du roi et de la reine, qui glacent l'Europe, l'idéal révolutionnaire continuera de vivre, en France et hors de France: il animera les Polonais, les Tchèques et les Allemands de 1848, et les Russes s'en réclameront encore en 1917.

Tout au long du XIX e siècle, des peuples demanderont la reconnaissance de leurs droits et feront vaciller les régimes autoritaires. Au XX e siècle, en revanche, les dérives totalitaires - celle de l'Union soviétique en particulier - jetteront le discrédit sur l'idée de révolution, dont la Révolution française apparaît comme la matrice. Il est impossible d'ignorer ces différents jugements, d'abord parce qu'ils sont souvent responsables des mots employés pour décrire l'histoire, ensuite parce qu'ils existent depuis le départ des événements en France: la Révolution française est inséparable des systèmes de pensée qu'elle a engendrés.

La France divisée
La Révolution de 1789 n'apparaît pas par hasard. La France, comme les nations voisines, est alors traversée par des interrogations politiques sur son devenir. Certains penseurs, dans le sillage du duc de Saint-Simon, souhaitent revenir à un Etat fondé sur la prééminence des aristocrates, garants des libertés provinciales et porteurs d'une tradition; d'autres, les «philosophes», parmi lesquels Diderot et Voltaire, imaginent de nouveaux rapports entre les hommes, remettant en cause les hiérarchies sociales et même, dans certains cas, les autorités religieuses. Certains ont échafaudé de véritables utopies, modèles possibles de rénovation.

C'est en fonction de ces opinions préétablies que les observateurs ont jugé les événements de 1789. Les partisans des réformes ont accepté et défendu tout ce qui pouvait corroborer leurs espoirs, et dénigré leurs adversaires, qu'ils ont qualifiés d'«aristocrates», d'«esclaves» ou d'«ennemis de la liberté». Ils ont justifié les répressions les plus terribles par la nécessité de juguler une «contre-révolution» toujours renaissante et toujours plus dangereuse, voire féroce. Ce discours a été repris, à peu de chose près, par les républicains de la fin du XIX e siècle, qui ont enraciné dans la tradition scolaire le souvenir de la Révolution fondatrice et libératrice.

Le rejet de la Révolution n'a pas été moins fort de la part de nombreux Français «émigrés» de l'intérieur ou de l'étranger: nobles et membres du clergé, mais aussi toute une partie de la population qui a pris peur ou s'est sentie persécutée. Certains ont lutté ouvertement contre la Révolution, dans les «armées des princes» et dans les journaux; d'autres plus discrètement, dans les réseaux d'espionnage ou dans une résistance quotidienne. On en trouve aussi l'écho, au long du XIX e siècle, dans la publication de souvenirs sur les «buveurs de sang» et les «martyrs», que la droite catholique et monarchiste ne cessera de rappeler.

Nous sommes donc les héritiers de deux siècles d'anathèmes. Pourtant, la réalité de la Révolution n'est ni toute blanche, ni toute noire: la fin de l'année 1794, par exemple, voit des révolutionnaires disqualifiés depuis quelques mois reprendre le pouvoir, envoyer les plus radicaux à la guillotine et nouer des contacts avec certains extrémistes comme avec des modérés, voire des royalistes. Il n'est pas facile de rendre compte, au fil du temps, de ces évolutions complexes et parfois contradictoires, comme celles d'un Danton, qui passe en deux ans du radicalisme le plus virulent à une position «indulgente», ou celle d'un Fouché, véritable marionnette politique.

Le langage même des acteurs de la Révolution a été si souvent une arme qu'il n'est pas aisé d'employer leurs mots pour rendre compte de la réalité historique: les «contre-révolutionnaires» de 1792 ne sont pas les «contre-révolutionnaires» de 1793, et diffèrent encore plus des «contre-révolutionnaires» de 1794, puisque aux «royalistes» - encore faudrait-il distinguer les partisans d'un retour intégral à l'Ancien Régime de ceux qui souhaitent instaurer une monarchie constitutionnelle - ont alors été joints les «Girondins», puis les «Hébertistes»; Robespierre et ses amis finiront eux-mêmes par être rangés sous ce vocable!

La difficulté est encore plus grande en ce qui concerne les masses rurales qui s'engagent, plus ou moins volontairement, dans un camp ou dans l'autre, voire, comme ce sera le cas en certains points de la vallée du Rhône, dans un camp puis dans l'autre. A propos de ces temps d'extrême tension, tous les arguments, toutes les condamnations ne sauraient être adoptés sans précaution par l'historien, qui doit se méfier également des souvenirs des acteurs - lesquels ont tendance à reconstruire leur vie après coup, en fonction du résultat d'actions entreprises parfois dans l'ignorance, ou pour des buts qu'il devient nécessaire d'occulter. Cependant, précisément parce qu'il y a eu ces conflits d'idées qui nous concernent encore, il n'est pas possible de réduire la Révolution à une suite d'actions aveugles menées par des acteurs inconséquents. C'est en rendant compte du bruit, de la fureur et de leurs conséquences imprévisibles, mais aussi de la confrontation d'idéaux élevés, d'analyses rigoureuses et de projets chimériques, que l'on pourra tenter de faire l'histoire de cet événement majeur.
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MessageSujet: Re: La Révolution française (1789/1799)   La Révolution française (1789/1799) EmptyMer 3 Mai - 16:06

Des états généraux à la révolution


Lorsque le roi réunit les états généraux à Versailles, à partir du 5 mai 1789, il renoue moins avec une institution tombée en désuétude depuis 1614 qu'il n'ouvre des voies inédites à la vie politique française, tant les habitudes d'organiser une telle assemblée sont oubliées et tant cette réunion entraîne un débat inhabituel dans le pays. Les représentants des trois corps, ou «états», ont été élus au printemps (mars-avril) - in extremis, le tiers état (les roturiers) a obtenu un nombre de députés double de celui de la noblesse ou du clergé -, mais rien n'a été prévu pour organiser les votes par la suite, et aucune question précise n'a été inscrite à l'ordre du jour.

En outre, chaque communauté paroissiale et chaque corps de métier a été appelé à rédiger des cahiers de doléances, dont les synthèses doivent être apportées à Versailles par les députés, élus au terme d'élections en cascade (suffrage à deux ou trois niveaux). Cependant, toute la société française est alors traversée par l'espoir de changements importants dans la marche du royaume.

Un espoir déçu
La convocation des Etats généraux a été décidée le 8 août 1788; elle consacre en fait l'échec du gouvernement, qui n'a pas pu faire face au déficit croissant du Trésor royal, ni trouver les appuis politiques nécessaires au lancement d'une nouvelle collecte des impôts. L'échec est d'autant plus grave que la crise économique frappe de plus en plus les Français, et que la police ne réussit pas à maintenir le calme dans les rues de Paris. En avril 1789, une émeute subite contre un manufacturier, Réveillon, a causé la mort de plusieurs centaines de personnes, avant que l'ordre ne soit difficilement rétabli.

Les quelque 1150 députés arrivent à Versailles, non sans une certaine angoisse - beaucoup de provinciaux sont ignorants de la cour et de Paris, et ont du mal à trouver où se loger. Ils attendent en général beaucoup de ces états généraux, pour lesquels ils ont été élus au terme de réunions nombreuses, et parfois de luttes vives, qui leur ont donné le sens de leurs responsabilités. Chacun se sent investi d'une mission nouvelle, mais tous ne partagent pas, évidemment, les mêmes objectifs. En Bretagne, les députés du tiers se sont affrontés aux nobles, qui ne voulaient ni modifier l'autonomie de la province ni perdre leur prééminence politique, et qui, après une rixe ayant entraîné mort d'homme (janvier 1789), ont fini par boycotter les élections aux états. Dans le Dauphiné, des mouvements de protestation avaient posé dès 1788 les revendications d'une Constitution écrite et d'une égalité devant l'impôt; la population des villes avait appuyé ces demandes, manifestant violemment contre les troupes du roi (Journée des tuiles, à Grenoble, le 7 juin 1788).

Une partie de la noblesse est venue aux Etats généraux pour réaffirmer le rôle politique éminent dont elle estime avoir été dépossédée par l'entourage du roi. Elle veut bien accepter des réformes si ses privilèges politiques ne sont pas remis en cause. A l'occasion des élections, elle a déjà rejeté dans le tiers état nombre d'anoblis récents. Certains nobles ont lutté tant qu'ils ont pu contre le doublement des députés du tiers, finalement décidé par le roi et son ministre Necker. Les pamphlets hostiles aux aristocrates ont donc fleuri, comme celui publié par l'abbé Sieyès, Qu'est-ce que le tiers état?, qui réclame que les roturiers soient reconnus comme seuls représentants de la nation.

Naissance de l'Assemblée nationale
Les querelles commencent aussitôt entre représentants des divers ordres, qui sont différenciés par leurs habits et par leur place dans la salle des Menus-Plaisirs: les aristocrates sont proches du roi, tandis que les roturiers ne peuvent pas l'entendre. Le mécontentement s'accroît lorsque Louis XVI et ses ministres, négligeant les prétentions réformatrices de nombreux députés, assignent comme objectif essentiel aux états généraux un accroissement des impôts. Les jours suivant la séance d'ouverture, tandis que le roi pleure la mort de son fils, le dauphin Louis (1781-1789), et qu'aucune directive ne vient encadrer les travaux des députés, les antagonismes se fixent sur la vérification des mandats - le tiers voulant une vérification commune qui permette de valider le vote par tête (et non par ordre entier).

Le blocage est dénoué le 17 juin, lorsque le tiers état se proclame seul représentant de la nation et prend le nom d'«Assemblée nationale», qu'il déclare ouverte aux députés des autres corps. L'Assemblée s'arroge aussitôt le pouvoir de consentir à tous les impôts, déniant au roi le droit d'exercer son veto sur les décisions qu'elle avait prises et qu'elle prendrait par la suite. Devant ce coup de force, qui rallie une majorité des membres du clergé et quelques nobles libéraux, les nobles intransigeants se liguent avec le roi. Le 20 juin, les députés du tiers trouvent la porte de leur salle fermée; ils se réunissent alors dans la salle du Jeu de paume, où ils prêtent serment de ne pas se séparer avant d'avoir donné une Constitution au royaume. L'épreuve de force est commencée. Quelques jours plus tard, à la séance du 23 juin, le roi somme les députés de délibérer par ordre, séparément; à l'ordre de dispersion donné par le maître de cérémonies, le comte de Mirabeau répond, selon la légende, par la formule célèbre: «Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n'en sortirons que par la force de baïonnettes!»

Le 27 juin, Louis XVI fait mine de céder en invitant les ordres privilégiés à se joindre à l'Assemblée nationale. Mais, le 26 juin, il fait venir des troupes (20'000 hommes de régiments étrangers) sur la capitale, puis renvoie ses ministres jugés trop libéraux, parmi lesquels Necker, contrôleur des Finances, renvoyé le 11 juillet. La peur d'une répression militaire gagne les députés et les Parisiens, qui se heurtent dans les jardins des Tuileries aux soldats du Royal-Allemand du prince de Lambesc, accusés d'avoir tué des manifestants. L'effervescence grandit, les Parisiens vont chercher des armes, en trouvent au Châtelet et viennent, le 14 juillet, se masser aux portes de la prison royale de la Bastille. Après de longues heures d'échanges de coups de feu et de négociations confuses, la foule s'empare de la forteresse redoutée et en tue le gouverneur. Le roi avalise cette violence en se rendant à l'Assemblée, le lendemain 15 juillet, pour annoncer le retrait des régiments étrangers de la capitale; le 17, il accepte la cocarde tricolore des mains du député Bailly, président de l'Assemblée nationale, qui vient d'être élu maire de la Commune de Paris. Pendant ce temps, la renommée des «vainqueurs de la Bastille» gagne la France entière. La force l'a emporté, venant au secours des réformateurs.

Les nouveaux principes
Dans tout le pays, ce choc ébranle les autorités. Les partisans des réformes (qui s'appellent entre eux les «patriotes») prennent le pouvoir dans les municipalités urbaines et, parfois, chassent les troupes stationnées dans les châteaux royaux. Dans les campagnes, des rumeurs incontrôlées poussent les ruraux à s'armer contre de mystérieux «brigands», accusés de brûler les récoltes. Ils forment des attroupements qui s'en prennent aux propriétaires, détruisent des titres de propriétés, dévastent des logis seigneuriaux, molestent des personnes, provoquant parfois mort d'homme. Les événements parisiens, aussi inquiétants que prometteurs, trouvent manifestement un écho qui témoigne des attentes et des craintes des ruraux français, lesquels espèrent souvent la fin des impôts, celle de la police des blés, et des terres à acheter!

Cette manifestation de psychose collective, que l'on a appelée la «grande peur», se répand du 20 juillet au début d'août dans presque toute la France - n'y échappent guère que la Bretagne, l'ouest de l'Aquitaine, la Lorraine et l'Alsace. Elle provoque en retour, à Versailles, au sein des ordres privilégiés, le sentiment qu'il faut abandonner d'urgence des principes devenus caducs. Le 4 août, sous la poussée d'une poignée de nobles libéraux (dont le vicomte de Noailles et le duc d'Aiguillon), et dans l'effusion générale, l'Assemblée décrète la fin des privilèges et la destruction complète du régime féodal. D'un seul coup, sans aucune préparation, toutes les habitudes sociales sont jetées à bas dans la confusion. Le clergé perd ses ressources (en l'occurrence son impôt, la dîme), et les seigneurs lâchent leurs droits honorifiques, obtenant toutefois que leurs droits de propriété soient rachetables. Evidemment, l'abolition des privilèges mécontente toute une partie de la noblesse, dont certains représentants éminents (comme les frères du roi) émigrent; mais elle déçoit également les paysans, qui comprennent que leurs charges ne sont qu'allégées.

Cette liquidation du passé débouche logiquement sur la recherche de nouvelles bases sociales. Une discussion complexe s'engage sur une Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (dans le sillage des déclarations adoptées par les Etats américains quelques années plus tôt); elle est votée le 26 août. Placée sous les auspices de l'«Etre suprême» (principe supérieur de raison et de vertu), la France admet dorénavant que tous ses habitants sont «libres et égaux en droits» et qu'ils détiennent la souveraineté du pays. Louis XVI devient «roi des Français», la religion catholique perd son statut de religion d'Etat: l'Assemblée nationale a ainsi réalisé une véritable révolution politique.

Paris, capitale de la France révolutionnaire
Pourtant, rien n'est réglé. La cour résiste, la reine Marie-Antoinette jouant un rôle manifeste dans ce refus. Des troupes sont rappelées autour de Paris; certains officiers sont accusés d'avoir foulé aux pieds la cocarde tricolore - mêlant les couleurs bleue et rouge de la capitale à la couleur blanche de la royauté -, qui est devenue l'emblème des patriotes depuis le 14 juillet. Dans le camp opposé, les députés de l'Assemblée nationale ont réussi, difficilement, à faire accepter l'idée que le pouvoir législatif soit exercé par une Chambre unique et n'ont accordé au roi qu'un droit de veto «suspensif» par rapport aux décisions de la Chambre (septembre 1789). Le roi repousse la signature des décrets qui promulguent ces changements, alors que la crise économique frappe toujours le petit peuple, qui ne mange pas à sa faim. Sous l'effet de la conjonction des demandes politiques, des manœuvres politiciennes et des réclamations populaires, plus ou moins orchestrées, une foule de Parisiens et de Parisiennes se rend au château de Versailles et l'envahit, le 5 octobre, tuant quelques soldats. Au soir du 6, après avoir avalisé les mutations politiques, le roi est contraint de revenir à Paris avec le cortège des émeutiers. Désormais, Louis XVI peut se considérer - c'est le point de vue qu'il adoptera - comme prisonnier du peuple de Paris.

Ainsi, en quelques mois, la violence a fait basculer la France dans une aventure politique dont les enjeux sont énormes, et les règles inconnues. A partir d'octobre 1789, les Français vont prendre conscience d'être entrés dans une ère nouvelle, qui dépasse les débats sur la monarchie constitutionnelle: la Révolution.
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MessageSujet: Re: La Révolution française (1789/1799)   La Révolution française (1789/1799) EmptyMer 3 Mai - 16:06

Les conséquences d'une mutation sociale


L'évolution préalable des mentalités
Cette mutation n'est pas survenue comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. La faiblesse du gouvernement a joué un rôle considérable dans le déroulement des événements et explique la brutalité des enchaînements. D'autres pays européens, qui ont connu les mêmes antagonismes, ne sont pas toutefois entrés en révolution. L'autorité a été maintenue en Belgique, dans les Pays-Bas, en Suisse, où des volontés réformatrices se sont pourtant exprimées - nombre de réformateurs déçus rejoindront d'ailleurs la France, où ils contribueront activement au mouvement révolutionnaire.

La France a subi un déclin continu de l'autorité royale. Louis XVI, qui règne depuis la mort de Louis XV, en 1774, ne possède pas l'énergie de son aïeul; il abandonne les réformes de fond que celui-ci avait commencé à mettre en œuvre, après 1770, avec ses ministres Maupeou, Terray et d'Aiguillon. Louis XVI n'a pas de ligne politique ferme, et sa personnalité est en outre gravement mise en cause par l'opinion. Roi cultivé mais maladroit et renfermé, il a peu de contacts avec ses sujets. Son mariage, qui n'est pas consommé pendant plusieurs années, a été rapidement l'objet de plaisanteries graveleuses, dont il fait les frais; la reine Marie-Antoinette est devenue un sujet de scandales, colportés dans tout le pays à travers des récits débridés publiés dans des opuscules licencieux. Les frères du roi ne jouissent pas d'une meilleure image.

A la fin du XVIII e siècle, l'opinion publique s'est élargie au-delà de la cour et des élites traditionnelles du royaume. De nombreuses familles d'officiers, de négociants et de grands marchands des villes possèdent des bibliothèques et envoient leurs enfants dans les collèges et les universités. De nouveaux métiers intellectuels se sont développés qui, s'ils ne permettent pas toujours à leurs titulaires de bien vivre, alimentent un débat d'idées important; une foule de publicistes éditent des journaux, publient des pamphlets et des opuscules, et participent à des concours organisés par des sociétés de pensée, comme celui que gagne Jean-Jacques Rousseau devant l'Académie de Dijon, en 1755, avec son Discours sur l'origine et le fondement de l'inégalité parmi les hommes.

La contestation possible
Les idées des philosophes des Lumières sont ainsi diffusées par une kyrielle d'imitateurs et de petits maîtres, qui mêlent parfois la critique politique à l'écriture érotique. Ces « Rousseau du ruisseau», selon l'expression de l'historien américain R. Darnton, jouent un rôle important dans la mutation de l'esprit public. La cour est allée applaudir, en 1784, aux représentations du Mariage de Figaro, pièce du marquis de Beaumarchais, qui critique les inégalités sociales. Les loges de la franc-maçonnerie accueillent dans un égalitarisme relatif tous ceux qui sont épris de spéculations intellectuelles, tandis que les cercles de lecture mettent à portée des lettrés les journaux et les revues, discutés en commun. Même dans la paysannerie, les croyances traditionnelles sont en recul; l'exode rural touche tout le Bassin parisien, et les modes de vie urbains - y compris la diffusion des méthodes contraceptuelles, comme le coitus interruptus - commencent à concerner les communautés rurales. Certes, la personne du roi est toujours vénérée dans les cahiers de doléances, mais son image apparaît ternie dans un pays qui a perdu le sens du sacré des fonctions et des traditions, et qui est en train d'envisager des formes inédites de gouvernement.

Le débat politique a été ouvert à toute la population cultivée dans les années 1760, lorsque Louis XV s'est opposé aux jésuites avec le soutien des parlementaires mobilisés dans une véritable défense de la nation. La politique est depuis lors discutée dans des ouvrages et des pamphlets que la censure laisse, de fait, circuler librement. Les incertitudes dans l'organisation des états généraux ont pu, ainsi, être mises à profit par d'innombrables publicistes.

La situation du roi est d'autant moins forte qu'il doit confesser à la nation que les caisses du Trésor sont vides, et qu'il faut trouver de nouveaux impôts. Les tentatives de réorganisation financière ont toutes échoué, les parlements ont refusé d'agréer toute nouvelle imposition et une assemblée de notables, composée pourtant de membres choisis par le roi, a rejeté en février 1787 les réformes du ministre Calonne, comme les nouvelles formes d'organisation régionale qu'il préconisait. Non seulement la convocation des états généraux a été un aveu d'impuissance, mais elle a aussi poussé les élites à penser que le sort de la nation était entre leurs mains. Dans ces circonstances, les flambées de violence provoquées par les maladresses de procédure ne pouvaient qu'appeler des concessions. Le processus de décomposition politique était à l'œuvre avant 1789; reste à comprendre pourquoi ces tensions ont débouché sur une révolution.

Un pays en renouvellement
Que la Révolution ait lieu dans le pays le plus riche d'Europe peut sembler paradoxal. Mais c'est bien du dynamisme économique et social de la France, aux conséquences parfois brutales, que la contestation politique s'est nourrie.

En 1789, la monarchie française est millénaire; établie dans le pays le plus grand et le plus peuplé du continent (Russie exceptée), elle jouit d'un prestige considérable et, grâce à une flotte régénérée, vient de mettre à mal la puissance de la Grande-Bretagne en aidant les colonies américaines à prendre leur indépendance, en 1783. Le château de son roi, Versailles, a été copié dans tout le monde, sa langue est utilisée par toutes les cours et toutes les ambassades. La société française s'est enrichie depuis les dures années du début du siècle. Les disettes ont pratiquement disparu - mais les années 1787-1789 marquent cependant un retour de la pénurie alimentaire -, les jeunes sont de plus en plus nombreux et les villes s'étendent; si Paris est devenu une énorme cité de 600'000 h., d'autres villes, comme Nantes, Bordeaux ou Marseille, se sont agrandies, embellies et font montre d'une vitalité nouvelle.

A la veille de la Révolution, les quelque 28 millions de Français forment un écheveau social complexe. La société, fondamentalement inégalitaire, est organisée en trois ordres (clergé, noblesse, tiers état) dont chacun possède des privilèges propres, face à l'impôt et à la justice notamment - noblesse et clergé sont très avantagés, mais la population entière de certaines provinces, comme la Bretagne, possède également des avantages fiscaux ou administratifs importants. De la même façon, les «coutumes» continuent à régir les relations sociales différemment selon les régions, et des assemblées d'état et des parlements veillent sur la pérennité des lois coutumières dans les provinces rattachées récemment au royaume.

Le clergé - la religion catholique étant religion d'Etat - est le premier ordre; il possède d'importantes richesses, négocie ses impôts avec le roi, prélève la dîme sur les récoltes et assure des revenus considérables aux évêques et aux grands dignitaires, tandis que les curés et les vicaires vivent souvent difficilement dans les paroisses. La noblesse - le second ordre - est très disparate; les aristocrates qui vivent auprès du roi et bénéficient, parfois très largement, de ses gratifications sont enviés par la masse des propriétaires et des grands officiers de noblesse récente, et surtout par la «plèbe» nobiliaire, qui vit chichement de biens fonciers.

Le troisième ordre - le tiers état - a connu les modifications les plus nombreuses. Les ruraux composent encore l'énorme masse de la population, et beaucoup vivent dans des conditions difficiles: au moins 10 % d'entre eux ne possèdent rien ou presque, et doivent mendier et migrer. Les journaliers et la plupart des petits propriétaires peinent à assurer leur subsistance quotidienne. Cependant, le nombre des «laboureurs» dotés d'une certaine aisance est en augmentation. Ils côtoient, dans les bourgs, non seulement des tisserands et des marchands, mais aussi des officiers et des notaires, qui composent un groupe social en ascension. Dans les plus grandes villes, les classes sociales se sont diversifiées, avec le développement de professions libérales - avocats, médecins, enseignants, etc - qui constituent une bourgeoisie nouvelle à côté de celle, plus ancienne, des marchands et des négociants, grossie de quelques manufacturiers. L'ascension sociale, toujours difficile pour les plus pauvres, est cependant possible; ceux qui ont du bien peuvent acheter des offices royaux, anoblissants pour eux-mêmes ou pour leur descendance.

Les blocages
Cette société entre en révolution pour plusieurs raisons. L'essor économique, dû à l'amélioration des récoltes et à la multiplication des produits manufacturés, a créé de nouvelles catégories sociales qui veulent obtenir des statuts juridiques en accord avec leur situation économique. L'exode rural commence à toucher les campagnes, notamment autour de Paris, les plus pauvres gagnant la ville dans l'espoir d'une meilleure vie. Or ces mutations surviennent à un moment où la France traverse une série de crises particulièrement importantes. Entre 1787 et 1789, une succession de mauvaises récoltes touche toutes les productions essentielles - blé, vins, bestiaux -, provoquant des hausses de prix importantes et durables, et limitant les échanges commerciaux; les habitants des villes, privés de travail et confrontés à des prix élevés, en subissent douloureusement les conséquences. La situation est d'autant moins acceptée que, depuis le milieu du siècle, la prospérité semblait assurée, les famines et les disettes n'étant plus qu'un mauvais souvenir.

Le mécontentement s'accroît à mesure que les barrières sociales se renforcent, les propriétaires et les nobles voulant restaurer leurs droits fonciers ou exigeant plus fermement le paiement de leurs rentes. En outre, l'aristocratie ferme peu à peu aux roturiers les carrières les plus brillantes dans l'armée et dans l'épiscopat. Cette «réaction féodale» suscite la grogne des ruraux, qui voient leurs charges aggravées, celle des lettrés des villes, qui perdent leurs espoirs de carrière, et celle des anoblis récents, qui sont rejetés dans le tiers état.

Ces malaises et ces frustrations vont trouver à s'exprimer, lors des élections aux états généraux de 1789, dans la rédaction des cahiers de doléances. Les nobles de l'Ouest revendiquent hautement le retour à une société strictement hiérarchisée, tout en acceptant la réduction de leurs privilèges fiscaux. Les curés et les vicaires expriment leur mécontentement face au haut clergé, au mode de vie dispendieux. Les élites roturières - et les anoblis qui les ont rejointes - affirment leur souci d'une Constitution écrite, leur désir de jouer un rôle dans la vie politique nationale et régionale. Les ruraux croient possible d'obtenir des allégements de leurs charges.

Ce sont toutes ces demandes contradictoires, que le roi a semblé ignorer en mai, qui ont rendu possible l'explosion de la violence, lorsque la machine des états généraux s'est grippée.
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MessageSujet: Re: La Révolution française (1789/1799)   La Révolution française (1789/1799) EmptyMer 3 Mai - 16:07

L'œuvre de la Révolution


L'Assemblée nationale a été proclamée constituante le 9 juillet 1789 (elle siégera jusqu'au 30 septembre 1791). Ses membres, qui ne se considèrent plus comme les députés de l'«Ancien Régime» - la formule commence à être employée à la fin de 1789 -, appliquent immédiatement leur volonté de modifier l'organisation politique et sociale du royaume: c'est dans cette perspective qu'ils entament la rédaction de la Constitution.

La régénération de la société
Le principe de la «souveraineté du peuple» étant admis, la question de la division des pouvoirs vient au centre du débat. Les éléments les plus radicaux l'emportent: le projet de la Chambre unique est adopté, contre l'avis des modérés, qui souhaitaient une Chambre haute, à l'image de la Chambre des lords britannique, pour tempérer les changements - proposition rejetée car elle risquait de réintroduire une hiérarchie sociale jugée inacceptable. Par la suite, les députés affirment la supériorité de la Chambre sur le roi. Louis XVI, dorénavant «roi des Français», régnera «par la grâce de Dieu et la loi constitutionnelle de l'Etat». Le corps législatif, composé de 745 députés, élus pour deux ans, établira et votera le budget et les lois, et décidera avec le roi de la paix et de la guerre; le monarque ne disposera que d'un droit de veto suspensif, renouvelable deux fois sur une même loi.

Les élections seront régies par un système censitaire, ouvert aux hommes de plus de 25 ans payant en impôt l'équivalent de trois journées de salaire; sont exclues du suffrage les femmes, et toute une population flottante de travailleurs urbains occasionnels et de pauvres journaliers - qui deviennent des citoyens «passifs», par opposition avec les électeurs, citoyens «actifs». Surtout, ne peuvent être éligibles que les personnes qui paient un minimum de 50 F d'impôts, ou qui possèdent un bien évalué à 150 journées de travail. Ces distinctions, qui mettent en cause le sens même de la Révolution, soulèvent immédiatement un débat national.

A partir de 1790, l'organisation administrative, judiciaire et militaire de la nation est remise en chantier. Quatre-vingt-trois départements, de superficie sensiblement équivalente et dénués de tout privilège, remplacent les anciens découpages provinciaux.

Cette mutation touche toutes les dimensions de la vie collective, et bouleverse toutes les organisations préexistantes. Les responsabilités administratives sont attribuées par élection entre candidats compétents, choisis par les citoyens éligibles constitués en «assemblées primaires».

Une nouvelle hiérarchie judiciaire est mise en place dans les départements, qui déconstruit le réseau complexe et disparate des anciens tribunaux royaux et seigneuriaux au profit d'une organisation uniforme sur l'ensemble du territoire. La réforme judiciaire s'accompagne d'une révision importante de la marche de la justice. Les peines sont mises en relation avec la gravité des délits, et l'usage de la torture et les punitions corporelles sont abolies. La peine de mort est maintenue sous la forme unique de l'exécution par la guillotine, ce qui interdit le recours à la roue, au gibet ou à la hache.

L'organisation religieuse est également profondément touchée: les biens de l'Eglise sont confisqués (2 novembre 1789) pour être mis à la disposition de la nation. Une telle décision marque la volonté de mettre à contribution l'ordre le plus riche du pays et d'affaiblir les ordres monastiques décriés.

Le différend religieux
Alors que cette attaque contre les ordres monastiques ne provoque pas de véritable réaction, la réorganisation de l'Eglise - mise en œuvre par la Constitution civile du clergé, votée le 12 juillet 1790 - met le feu aux poudres. Privé de ses ressources propres, le clergé est pris en charge par la nation, qui alloue des salaires à ses membres, mais exige en contrepartie la prestation d'un serment de fidélité. La Constituante procède à un redécoupage des paroisses et des évêchés (dont certains disparaissent), pour les mettre en harmonie avec les communes et les départements. Ce sont les citoyens des assemblées primaires qui élisent désormais les clercs; et les évêques reçoivent l'investiture spirituelle non plus du pape - qui est seulement informé de leur élection -, mais de leur archevêque.

Cette organisation remet en cause unilatéralement le concordat de 1516, au moment où les propriétés du Saint-Siège, en Avignon, sont agitées par une campagne populaire violente en faveur de leur rattachement à la France. Elle installe le régime dans des difficultés internationales graves, même si le pape ne réagit pas dans l'immédiat. Les membres du clergé français ne peuvent trouver de moyen terme: ils doivent tout accepter ou tout refuser. Après des hésitations et de nombreux débats, un peu plus de la moitié des clercs acceptent de prêter serment à la Constitution civile (nombre d'entre eux reviendront sur cette acceptation par la suite), les autres s'y refusant. Pratiquement tous les évêques sont dans ce dernier cas, ainsi que la majorité des prêtres des régions de l'Ouest, du Nord-Ouest, de l'Est et de la bordure méridionale du Massif central.

La rupture ne se fait pas seulement au gré des opinions individuelles, mais aussi, dans de nombreux cas, en fonction de courants collectifs. Dans l'Ouest notamment, les ruraux sont violemment hostiles à la Constitution civile du clergé, qu'ils accusent de provoquer un schisme éloignant d'eux leurs «bons prêtres». Dans le Midi, où protestants et catholiques cohabitent difficilement, les querelles tournent aussitôt au drame. Ajoutant les rancunes politiques et sociales aux questions religieuses, catholiques et protestants s'affrontent dans des «bagarres» qui font, au printemps de 1790, une centaine de victimes à Montauban et quatre cents morts à Nîmes. Dans ce débat, le roi ne prend pas ouvertement parti mais désavoue, de fait, la Constitution civile. Lorsque le pape la condamne finalement, le 11 mars 1791 - huit mois après son adoption -, le schisme religieux est consommé. Il présage le schisme politique. La France, qui avait cru à la fraternité, est maintenant partagée en camps opposés.

Résistances et tensions
L'élan fédérateur témoigne paradoxalement de cette déchirure. Les patriotes de la Garde nationale, milice civique chargée depuis 1789 du maintien de l'ordre dans presque tous les bourgs et villes du royaume, ont éprouvé le besoin de manifester leur cohésion dans des rencontres provinciales, appelées «fédérations». Le point d'orgue de ce mouvement est la fête de la Fédération, célébrée le 14 juillet 1790 à Paris, sur le Champ-de-Mars, en présence du roi. L'unité proclamée masque mal les tensions et les réticences. On en voit la preuve en août, lorsque des troupes soldées, les suisses casernés à Nancy, se révoltent, prétextant des droits des citoyens pour demander des augmentations et un meilleur sort, et qu'elles sont violemment réprimées par les soldats du marquis de Bouillé; l'affaire provoque un débat politique national.

A ce climat troublé s'ajoute la question financière. Les biens du clergé sont mis en vente progressivement comme «biens nationaux», sur lesquels sont gagés des billets émis par l'Etat, les assignats, qui deviennent une véritable monnaie en avril 1790; cette mesure provoque une hausse des prix et une pénurie de l'argent qui aggravent par contrecoup les conditions de vie des plus pauvres, renforçant le parti des opposants à la Révolution. A compter de 1791, ces derniers vont composer un véritable mouvement, dont l'unité se réalise en particulier dans le Midi: en août 1790 déjà, des milliers de gardes nationaux se sont rassemblés au camp de Jalès, dans le Vivarais, où un comité de nobles les a engagés à récuser la Constituante. Ils ont promis de lutter pour «rétablir le roi dans sa gloire». Dispersé une première fois, le camp de Jalès se reconstituera. Dans l'Ouest, les querelles se cristallisent sur le remplacement des prêtres qui ont refusé le serment. De véritables affrontements, parfois mortels, ont lieu épisodiquement ici ou là. Ailleurs, en Normandie, dans le Quercy, dans le Limousin ou en Bourgogne, des paysans s'opposent aux propriétaires, mettent à mal des châteaux et refusent de payer les redevances et les impôts.

En dépit de ces tensions, les bases du nouvel Etat français paraissent solidement implantées. Les cadres administratifs ne seront plus remis en question par la suite, ni les principes qui président à l'organisation des instances judiciaires - voire religieuses. Mais les bouleversements entraînés par ces modifications, qui heurtent parfois de façon délibérée les habitudes issues de l'Ancien Régime, s'ajoutent pour créer de multiples mécontentements poussant à une lutte politique ouverte.
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MessageSujet: Re: La Révolution française (1789/1799)   La Révolution française (1789/1799) EmptyMer 3 Mai - 16:08

Manœuvres politiques


Dans ce contexte troublé, l'annonce de la fuite du roi éclate comme un coup de tonnerre. Le 20 juin 1791, la famille royale s'enfuit vers la frontière orientale dans une lourde berline, le roi laissant derrière lui un manuscrit important qui désavoue toute l'œuvre de l'Assemblée. L'équipée est cependant arrêtée non loin de son objectif, dans la petite ville de Varennes, par le maître de poste Drouet, promu héros national; les fugitifs sont aussitôt reconduits sous escorte à Paris, où ils sont de retour le 25 juin.

Le roi discrédité
Le pays est traumatisé par cet événement, qui fait peur et symbolise l'impossibilité de tout compromis. La mobilisation a été générale sur toutes les frontières, où les troupes s'attendent à être attaquées par les émigrés et les étrangers hostiles à la Révolution. Le retour dans la capitale se fait dans le silence, tandis que l'Assemblée tente de maintenir la fiction de l'enlèvement du roi, décrète l'inviolabilité de sa personne et le prive de tout pouvoir.

La volonté de préserver les institutions prévaut, alors que certains imaginent déjà l'instauration d'une république. Une campagne de presse d'une intensité et d'une férocité considérables se développe dans tout le pays. Le roi et sa famille sont présentés sous des formes infamantes et obscènes. La personne du roi n'a plus rien de sacré après cet épisode, qui fait considérer définitivement le pouvoir comme la résultante d'un rapport de forces. Cette fermentation est aggravée par l'agitation sociale entretenue par le club révolutionnaire des Cordeliers, qui accepte en son sein des citoyens «passifs» désireux de jouer un rôle politique et que l'on commence à appeler les «sans-culottes». Les tensions culminent le 17 juillet 1791, lorsqu'une manifestation contre la personne du roi se tient, malgré l'interdiction de l'Assemblée, sur le Champ-de-Mars. Les troupes, débordées, font feu et tuent une cinquantaine de manifestants. La réponse politique est immédiate. Les patriotes se divisent entre ceux qui veulent poursuivre le cours de la Révolution, et se rassemblent dorénavant dans le club des Jacobins, et ceux qui veulent mettre fin aux innovations révolutionnaires, et se retrouvent dans celui des Feuillants.

Partisans et adversaires de la Révolution sont donc entrés dans des luttes ouvertes pour le pouvoir, et tout le pays est concerné par les divisions politiques. Comme les clercs, les officiers de l'armée sont confrontés à l'obligation de prêter serment, ce qu'une partie d'entre eux refuse de faire: ils sont nombreux à émigrer vers les villes frontalières des principautés allemandes. Les menaces internationales grandissent contre la Révolution. Après les empiétements français en Avignon et les restrictions appliquées aux propriétés des princes allemands en Alsace, les cours européennes ont été choquées par l'arrestation du roi et de la reine, princesse autrichienne. Son frère, l'empereur d'Autriche Léopold II, et le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume, se concertent en août 1791 dans la ville de Pillnitz et signent une déclaration conjointe dans laquelle ils se déclarent prêts à intervenir pour rétablir les droits du roi en France. Cette proclamation, maladroite puisque aucun des deux souverains n'envisage d'entrer en guerre, sonne cependant comme une menace intolérable, radicalisant les positions et présentant le couple royal comme traître à la France. Alors que, le 14 septembre 1791, le roi approuve la Constitution du pays - permettant qu'une nouvelle Assemblée, la Législative, soit élue pour deux ans -, le pays est gravement divisé.

La politique du pire
La Législative se réunit en séance inaugurale le 1er octobre 1791, avec des hommes nouveaux - les députés de la Constituante ont en effet été déclarés non rééligibles. Bien que leur majorité reste modérée, tous ces hommes appartiennent au camp révolutionnaire. Ils se méfient du roi, avec lequel les frictions se multiplient d'emblée. L'Assemblée commence par renforcer les mesures à l'encontre des prêtres réfractaires et des émigrés, demandant aux princes de l'Empire - les Electeurs de Trèves et de Mayence en particulier - de disperser leurs bandes rassemblées aux frontières (29 novembre 1791). Le comte de Provence, frère du roi (futur Louis XVIII), est sommé de regagner la France, sous peine d'être déchu de ses droits au trône.

Une politique étrangère belliqueuse va bientôt réunir, pour des motifs évidemment opposés, les espérances des différents groupes politiques. En cas de guerre, la «droite» et le roi attendent de la désunion du pays et du départ des officiers une défaite rapide des troupes françaises, qui serait le prélude à une restauration monarchique; la «gauche» espère que les traîtres se démasqueront et escompte d'une croisade de la liberté le soutien des autres peuples européens. Certains, comme La Fayette, veulent profiter des circonstances pour obtenir des avantages politiques. Rares sont ceux qui, comme Robespierre, prêchent la prudence, redoutant la prise du pouvoir par des intrigants.

A l'intérieur du pays, l'agitation peut laisser craindre bien des débordements; les exigences des sans-culottes, qui arborent maintenant le bonnet rouge (ou «bonnet phrygien») et s'organisent dans tout le territoire, s'affirment de plus en plus radicales. Les jacqueries continuent dans de nombreuses régions, notamment dans l'Orléanais, où l'on réclame la taxation des prix des subsistances - à Etampes, au printemps 1792, le maire est tué par les émeutiers. Dans la vallée du Rhône, d'Arles à Avignon, partisans et adversaires de la Révolution s'affrontent en de véritables massacres, qui s'étendent de l'automne 1791 au printemps 1792. En août 1791, les esclaves noirs de Saint-Domingue se révoltent, entraînant la désorganisation du florissant commerce maritime et faisant s'affronter négociants, adversaires de l'émancipation des esclaves, et abolitionnistes.

Au milieu de ces luttes politiques incertaines, le 20 avril 1792, le roi et l'Assemblée déclarent la guerre au chef du Saint Empire, l'empereur François II d'Autriche, allié au roi de Prusse; ces derniers prennent aussitôt l'offensive. Les armées françaises doivent reculer dès les 28 et 29 avril, tandis qu'à Paris l'atmosphère se fait orageuse: les contre-révolutionnaires se réjouissent ouvertement, leurs journaux applaudissent aux défaites, tandis que les révolutionnaires dénoncent les trahisons, impliquant la reine, leurs officiers et une partie de l'Assemblée. Or, bouleversant les calculs politiques, un élan patriotique imprévu se manifeste. De nombreux jeunes gens s'enrôlent dans les armées: un appoint de médiocre valeur dans l'immédiat, mais qui scelle l'alliance du peuple en armes et de la Révolution. Le Chant de guerre pour l'armée du Rhin, composé à Strasbourg par un jeune officier, Rouget de Lisle, deviendra, après juillet 1792, le symbole de cet élan populaire sous le nom de la Marseillaise

Les luttes politiques ont donc conduit à un échec des modérés au profit des extrémistes des deux bords. Les partisans d'une révolution limitée n'ont pas pu trouver un allié dans la personne du roi, qui a préféré la politique du pire. Les contre-révolutionnaires se sont continuellement renforcés, recrutant des alliés à l'étranger et des soutiens à l'intérieur, dans les milieux hostiles à la Constitution civile du clergé. Les révolutionnaires, pour leur part, ont trouvé dans les événements la preuve que leurs craintes de trahison étaient fondées.

Pour s'imposer à l'Assemblée, les députés doivent en outre compter avec les revendications sociales qui agitent le pays. La France tout entière s'est politisée, chaque manifestation de la vie - pratique religieuse, comportement social, conduite privée - étant dorénavant connotée «aristocrate» ou «patriote», ou encore, comme on commence à le dire, «de droite» ou «de gauche».
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Le recours à la violence


Pratiquant la politique du pire, le roi a évincé les Feuillants des ministères, en mars 1792, pour les confier aux Jacobins modérés, les «Brissotins», amis des chefs Brissot et Roland - plus tard connus sous le nom de «Girondins», une grande partie d'entre eux provenant du département de la Gironde. Il s'ensuit une radicalisation accélérée des positions, et un aiguisement de la réflexion idéologique des révolutionnaires.

L'ombre de la guerre civile
Dans cette conjoncture où les menaces intérieures semblent faire écho aux menaces extérieures, les contre-révolutionnaires devenant chaque jour plus nombreux, le gouvernement durcit sa politique. Le 27 mai 1792, un décret exige la déportation des prêtres réfractaires, tandis qu'un autre ordonne, le 4 juin, la constitution d'un camp de volontaires fédérés sous les murs de Paris pour arrêter l'avancée des armées étrangères. L'opposition du roi à ces mesures provoque une réaction des sans-culottes (dirigés par le club des Cordeliers), qui envahissent le palais des Tuileries, le 20 juin, pour contraindre le roi à revenir sur ses refus. Acculé dans l'enseigne d'une fenêtre, coiffé d'un bonnet rouge et obligé de boire à la santé de la Révolution, Louis XVI maintient cependant ses décisions. Il est soutenu, peu après, par de nombreuses lettres de loyauté provenant de tout le pays.

L'été 1792 voit chaque camp se préparer à un affrontement inévitable, tandis que les compromis deviennent impossibles: les Feuillants échouent à convaincre le roi de fuir par Rouen, ce qui les disqualifie; le général La Fayette manque sa tentative de coup d'Etat et doit quitter la France, pour se retrouver emprisonné dans une forteresse autrichienne pendant plusieurs années. Aux Tuileries, le roi s'entoure d'une garde dévouée, que rejoignent des royalistes décidés. Pendant ce temps, les révolutionnaires, renforcés par un afflux de volontaires, durcissent leurs positions. Un comité secret, dit «de l'Evêché», prépare l'insurrection, qui commence dans la nuit du 9 au 10 août 1792.

Les affrontements entre les volontaires patriotes et fédérés et les défenseurs du roi, notamment les gardes suisses, durent toute la journée, avant que Louis XVI - qui s'est rendu avec sa famille dans l'enceinte de l'Assemblée législative - n'abandonne la partie. Le coup d'Etat a réussi au terme d'un véritable bain de sang. Pendant que la foule envahit et pille les Tuileries, la suspension du roi est décidée par la Législative, qui l'emprisonne au Temple avec ses proches et qui décide qu'une nouvelle Assemblée constituante, la Convention, devra statuer sur le futur régime politique de la France.

En fait, l'Assemblée a perdu toute emprise sur les événements, et les ministres sont doublés par les instances insurrectionnelles mises en place par la Commune de Paris, dans laquelle les extrémistes, qui possèdent le pouvoir armé, se taillent la part belle. A Paris, les sections électorales siègent en permanence; dans toutes les villes naissent des comités de surveillance et des sociétés populaires qui s'arrogent le droit de contrôler l'administration, de surveiller les populations et de traquer les traîtres, à commencer par les membres des autres instances élues.

Les rivalités de pouvoir rendent la France ingouvernable, au moment où des émeutes contre-révolutionnaires éclatent, en juillet dans la vallée du Rhône, à Jalès, et en août dans l'Ouest breton et poitevin, où les affrontements font plusieurs centaines de victimes. Un peu partout, la chasse aux prêtres réfractaires, considérés comme les responsables de l'agitation, est ouverte. Une soixantaine d'administrateurs et de clercs sont lynchés dans le pays pendant l'été 1792.

Le traumatisme des massacres de Septembre
Dans ce contexte aggravé par les victoires des troupes ennemies, qui marchent sur Paris lentement mais, semble-t-il, inexorablement, faisant tomber les forteresses les unes après les autres, des fédérés et des sans-culottes se rendent responsables, entre le 2 et le 6 septembre 1792, de massacres de prêtres réfractaires et de suspects incarcérés dans les prisons à Orléans et, surtout, à Paris. Des «procès» expéditifs font comparaître plus d'un millier d'ecclésiastiques emprisonnés avant de les livrer aux couteaux d'une foule incontrôlée. La princesse de Lamballe, amie de la reine, est assassinée dans des conditions atroces. Les tueries durent plusieurs jours sans que les autorités administratives osent intervenir, et les députés ne les condamneront pas avant plusieurs mois.

Ces «massacres de Septembre», qui frappent l'opinion, marquent un tournant essentiel dans la Révolution. Généralement spontanés, ils s'enracinent dans une tradition de violence populaire, liée aux habitudes d'émeutes, et sont causés par la peur de la vengeance prévisible des royalistes en cas de prise de la cité par les armées étrangères. Ils relèvent aussi de la stratégie insurrectionnelle des extrémistes qui mettent les élus devant le fait accompli.

C'est au cœur des massacres de Septembre que se déroulent les élections à la Convention, pour lesquelles est mis en place un système de suffrage universel masculin à deux degrés, et qui ne concernent qu'une minorité de participants (10 % du corps électoral). Les révolutionnaires les plus légalistes, les Brissotins, prennent le contrôle de la Convention, aidés en cela par la victoire inespérée de l'armée française sur les Prussiens, le 20 septembre, au moulin de Valmy. Prussiens et Autrichiens quittent la France désormais lancée sur une nouvelle voie révolutionnaire: le 21 septembre 1792, la royauté est abolie. L'an I de la République est daté du lendemain.

L'exécution du roi Louis XVI
La nouvelle Assemblée est confrontée à des rivalités politiques majeures. Les sans-culottes, qui jouent un rôle de premier plan à la Commune de Paris et dans les sections, font connaître leurs revendications sociales par le biais d'orateurs populaires comme Marat, publiciste de l'Ami du peuple. Au sein des Conventionnels, les Montagnards - ainsi appelés parce qu'ils siègent sur les gradins les plus élevés - sont sensibles à ces arguments, alors que les Girondins, qui sont des libéraux, se montrent résolument hostiles aux réglementations économiques sur les prix et les salaires, et dénoncent les violences.

Au-delà et en deçà des frontières, la contre-révolution est toujours présente. Un complot important agite alors tout l'Ouest, autour du chevalier de La Rouërie, qui rassemble des armes et de la poudre dans des châteaux bretons. Les mécontentements populaires se cristallisent sur les problèmes liés à la politique religieuse, entraînant de nombreuses difficultés locales, tandis que des prêtres réfractaires se cachent dans les campagnes avec la complicité de la population.

Dans ce climat, et alors que la guerre se prolonge, la Convention ouvre le procès du roi, le 11 décembre 1792. La correspondance secrète de Louis XVI, cachée dans une armoire de fer, vient d'être découverte: elle atteste son double jeu politique. Les Montagnards, conduits par Saint-Just et Robespierre, imposent l'idée que le roi doit être condamné, tandis que les Girondins, désireux de temporiser, se déconsidèrent par des manœuvres malhabiles.

Au terme d'un mois de débats, qui mettent au jour des tensions extrêmes entre les groupes révolutionnaires - les imprimeries des journaux girondins sont mises à sac - et au cours desquels est développée l'idée de la mort du roi comme un symbole nécessaire, l'exécution est votée le 19 janvier 1793, et appliquée le surlendemain, 21 janvier.

Le roi devient aussitôt l'un des martyrs de la contre-révolution. Le gouvernement britannique rejoint les puissances continentales: c'est la première coalition contre la France (1er février 1793).
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Le temps de la Terreur


Indiscutablement située dans le fil des orientations antérieures, très vite marquées par la violence, la Terreur apparaît toutefois à la conjonction de conflits nouveaux et d'une surenchère idéologique, qui forme un des caractères fondamentaux de la Révolution.

Guerre de Vendée et coups d'Etat des sans-culottes
La mort du roi relance la guerre: la Convention décide, le 24 février 1793, de lever 300'000 hommes pour les envoyer aux frontières. Cette mesure s'accompagne de l'envoi d'émissaires de l'Assemblée, les représentants en mission, dans tous les départements pour en surveiller l'application. Telle est la goutte qui fait déborder le vase: des soulèvements, parfois considérables, ont lieu dans de nombreuses régions. L'armée maîtrise la situation en Bretagne, en Alsace et dans le Massif central, mais échoue au sud de la Loire, permettant que les bandes d'insurgés s'organisent en «armées catholiques et royales». La défaite la plus importante s'étant produite dans le département de la Vendée, les Conventionnels prennent l'habitude de parler de «guerre de Vendée» après mars 1793. L'ampleur des combats et les nouvelles contradictoires en provenance de la région alimentent les rivalités politiques entre les différentes tendances - Girondins, Montagnards, sans-culottes -, qui mènent entre elles une lutte sans merci. Généraux et représentants du peuple se surveillent et se dénoncent, ce qui peut conduire à la guillotine.

Les Girondins, qu'anime toujours Brissot, vont tenter de contrer leurs adversaires montagnards et sans-culottes conduits par les Enragés - tels l'ancien vicaire Jacques Roux et le commis des postes Varlet -, qui veulent taxer les riches et réglementer le prix des grains. En avril, ils mettent Marat en accusation, mais le Tribunal révolutionnaire l'acquitte; puis ils créent une commission de douze membres pour contrôler les sections parisiennes et mettre en accusation d'autres chefs sans-culottes, comme Hébert. Certains Girondins menacent même de réunir les suppléants des Conventionnels dans la ville de Bourges (supposée être au centre de la France) pour atténuer la pression des sans-culottes sur l'Assemblée; ils prononcent des menaces contre Paris, considérée comme la ville de l'anarchie révolutionnaire.

La montée des tensions débouche sur les émeutes populaires des 31 mai et 2 juin 1793: les sans-culottes obtiennent par les armes que le noyau des députés girondins soit arrêté et que la Convention passe aux mains des Montagnards. Or, dans le même temps, les sans-culottes qui étaient à la tête de la Commune de Lyon perdent le pouvoir au profit de révolutionnaires plus modérés, tandis que de nombreux départements et villes prennent fait et cause pour les Girondins évincés, contre la toute-puissance des sections et l'extrémisme parisien.

Le mouvement de protestation affecte surtout la vallée du Rhône, depuis Lons-le-Saunier jusqu'à Marseille; il s'étend à Toulon, touche Bordeaux, qui mobilise, ainsi que les grandes villes de l'Ouest et la Normandie. Aucune unité ne s'établit entre ces différents mouvements qu'on appellera «fédéralistes», violents verbalement mais incapables d'organiser des forces qui chasseraient les sans-culottes sans livrer le pays aux contre-révolutionnaires. Cette incapacité permet aux Parisiens d'assimiler le fédéralisme à la contre-révolution et de le combattre férocement. Lyon, Marseille, puis Toulon sont ainsi livrées, sous l'autorité des représentants en mission, à une répression militaire brutale, à l'automne 1793.

La Terreur militante
Alors que les armées étrangères assaillent à nouveau toutes les frontières, que les Britanniques débarquent à Toulon, que les vendéens contrôlent toute une région et qu'une jeune femme, Charlotte Corday, vient d'assassiner Marat (le 13 juillet), la Terreur «est mise à l'ordre du jour» par la Convention au début de septembre 1793. Les fédéralistes, les émigrés, les prêtres réfractaires sont déclarés «suspects» de crimes contre-révolutionnaires et sont désormais passibles de la peine capitale. Les rebelles vendéens doivent être détruits, ainsi que leurs «repaires»; les Lyonnais et les Marseillais insurgés doivent également disparaître, et avec eux le nom même de leurs villes. Des dénonciations suffisent à désigner les suspects.

L'unité révolutionnaire est mise cependant à l'épreuve. Les Montagnards, conduits par Robespierre, acceptent un certain nombre de mesures sociales réclamées par les sans-culottes: la loi du maximum (29 septembre 1793) fixe les prix des denrées et les salaires; les biens des émigrés sont mis en vente par petits lots, permettant leur rachat par la paysannerie; tous les droits pesant encore sur la terre sont purement et simplement abolis; les grains sont réquisitionnés. La rupture avec le passé est totale lorsque le calendrier révolutionnaire, décrété par Romme et imaginé par Fabre d'Eglantine, remplace le calendrier romain le 5 octobre 1793 - soit le 14 vendémiaire an II. Ces avancées privent les Enragés d'un support populaire; ils sont jetés en prison ou contraints au silence, tandis que les clubs de femmes révolutionnaires sont fermés et certaines de leurs porte-parole exécutées ou incarcérées.

Les Montagnards doivent cependant composer avec la masse des sans-culottes. Ces derniers, restés puissants au ministère de la Guerre, mettent sur pied une «armée révolutionnaire» et dirigent les opérations en Vendée. Hébert, leur nouveau chef, détient l'un des journaux les plus lus, le Père Duchesne, d'une grande violence verbale. Lors de son procès, en octobre, Marie-Antoinette est accusée des pires maux, de la trahison à l'inceste. Ce procès dévoile les méthodes funestes utilisées par la suite contre les hébertistes ou les dantonistes (faux témoignages, constructions policières, amalgames). L'ex-reine est exécutée le 16 octobre; Mme Roland est guillotinée le 8 novembre.

Dans les départements, une partie des représentants en mission mettent en œuvre une «terreur» qui s'en prend aux révolutionnaires modérés comme aux prêtres (réfractaires ou constitutionnels): les statues des églises sont détruites, et des mascarades antireligieuses organisées à l'occasion de fêtes de la déesse Raison; les denrées alimentaires possédées par les plus riches sont réquisitionnées, au besoin violemment, et le pouvoir est laissé à des groupes d'extrémistes aux intentions douteuses mais couvertes par des mots d'ordre politiques.

Se distinguent ainsi Javogues à Saint-Etienne, Fouché à Lyon, et Carrier à Nantes, qui fait fusiller et noyer des milliers de personnes après que les insurgés vendéens eurent lancé une offensive victorieuse jusqu'à Granville, en novembre, et furent écrasés au Mans, en décembre. Dans les campagnes du sud de la Loire où ces derniers sont désormais contenus (la «Petite Vendée»), le général Turreau envoie, en janvier 1794, ses «colonnes infernales».

La Terreur contrôlée
Contre l'éparpillement des initiatives, qui profite aux sans-culottes, les Montagnards centralisent de plus en plus le pouvoir entre les mains du Comité de salut public. La lutte politique dure tout l'automne 1793 et une partie de l'hiver 1794. Robespierre s'élève contre la déchristianisation et l'athéisme qui se répandent; la liberté des cultes est réaffirmée (théoriquement) le 8 décembre, et le «vandalisme» révolutionnaire est condamné le 10 janvier 1794 par l'abbé Grégoire, qui stigmatise les destructions gratuites. Dans le même temps, l'esclavage est aboli dans les colonies.

Avec le renfort d'un nouveau groupe de révolutionnaires rassemblés autour de Danton et de Desmoulins, les «Indulgents», qui veulent arrêter la Terreur, les Montagnards peuvent ouvrir le procès des Hébertistes. Fouquier-Tinville, zélé accusateur public du Tribunal révolutionnaire et soutenu par une intervention de Saint-Just, les inculpe contre toute vraisemblance de complot avec l'étranger; ils sont exécutés le 24 mars 1794. Leur audience est brisée d'un coup.

Les règlements de compte touchent aussitôt après les Indulgents, mis en cause pour corruption. Danton - terrassé par un discours célèbre de Saint-Just -, Desmoulins et leurs amis sont envoyés à la guillotine le 5 avril. Des personnalités qui ont joué un rôle éminent depuis le début de la Révolution sont ainsi éliminées par le Comité de salut public. Dans la Convention violemment secouée par ces deux séries de crises, les Montagnards robespierristes détiennent désormais tous les pouvoirs.
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MessageSujet: Re: La Révolution française (1789/1799)   La Révolution française (1789/1799) EmptyMer 3 Mai - 16:09

La France de Robespierre


A partir du printemps 1794, Robespierre et ses amis - Saint-Just, Couthon, Le Bas - peuvent imprimer une marque décisive à l'idéologie révolutionnaire, développant des exigences de vertu politique et morale. Mais les contradictions politiques, sans parler des difficultés économiques, n'étant pas évacuées, la même année verra, après son apogée, la chute du «tyran».

La Révolution centralisée
L'élan révolutionnaire est désormais fermement contrôlé par le Comité de salut public, qui rappelle les représentants en mission trop indépendants, encadre les sections sans-culottes, supprime les tribunaux révolutionnaires extraordinaires des armées au profit du Tribunal de Paris. Les sans-culottes sont associés au pouvoir, mais leurs exigences de contrôle des salaires et des prix sont abandonnées. La vision politique d'une Révolution morale, exigeante, utopique tente de s'imposer. Le décret du 7 mai 1794, qui stipule l'existence d'un Être suprême, pour lequel une fête est instaurée, et l'immortalité de l'âme, en est l'exemple le plus éclatant.

L'athéisme et la vague antireligieuse doivent faire place à une pédagogie civique. L'école propose aux enfants des exemples inspirés des faits d'armes les plus récents, et les patriotes héroïques comme Joseph Agricol Viala - célébré par Chénier dans le Chant du départ - remplacent les «martyrs de la Révolution» - Marat, Chalier, Le Peletier - glorifiés par les sans-culottes. L'idéal d'une organisation collective régie par l'égalité et la vertu est au cœur d'innombrables discours, qui touchent tous les domaines de la vie nationale. Robespierre, entouré de Saint-Just et de Couthon, exerce véritablement le magistère national, même si d'autres personnalités, compétentes dans certains domaines (comme Carnot à la Guerre), jouent un rôle important dans le Comité de salut public.

Dans cette révolution dans la Révolution, la tentation de la dictature est grande, pour établir par la nécessité de la violence le bonheur collectif à venir. La Grande Terreur est instaurée par la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794). Les coupables d'accaparement, de défaitisme et de dilapidation, qui sont appelés «ennemis du peuple», sont désormais justiciables du Tribunal révolutionnaire. Certes, cette loi est édictée à la suite de tentatives d'assassinat sur des membres du Comité de salut public, dont Robespierre, mais elle témoigne avant tout d'une volonté moraliste radicale. La Grande Terreur frappe surtout Paris et marque les esprits par la rapidité des exécutions au moment où les victoires des armées françaises à l'extérieur - comme celle de Fleurus sur les Autrichiens le 26 juin - renforcent la position du gouvernement.

Mais les rivalités internes aux groupes dirigeants ne cessent de croître. Les membres du Comité de sûreté générale, qui cherchent à rogner les attributions de leurs collègues - et rivaux - du Comité de salut public, trouvent de nouvelles raisons de s'opposer à Robespierre, en particulier lorsque celui-ci préside la fête de l'Être suprême (8 juin 1794), cérémonie grandiose dans laquelle beaucoup de révolutionnaires voient un retour à une religion d'Etat. Le courant hostile se développe d'une manière diffuse dans la Convention et les Comités de gouvernement.

Thermidor ou la chute du «tyran»
Au cours de l'été 1794, des rumeurs prêtent des intentions monarchiques à Robespierre; elles insistent sur sa volonté de restaurer la religion et sur sa complicité avec une illuminée, Catherine Théot, qui se proclame «mère de Dieu». Son absence temporaire de la Convention, en juillet - fatigue, écœurement? -, si elle renforce les craintes des députés, qui redoutent d'être victimes de la Terreur, permet les manœuvres politiciennes des opposants, qui s'entendent pour faire chuter «l'Incorruptible». Le 8 thermidor an II (26 juillet), dans un grand discours programmatique, Robespierre, revenant à la Convention, annonce de nouvelles mesures répressives contre des «conspirateurs», qu'il ne nomme pas. Le lendemain, 9 thermidor, les députés mettent Robespierre en minorité, l'empêchent de parler et enfin le décrètent d'arrestation, ainsi que ses proches. Les chefs sans-culottes, mis dans l'incapacité de mobiliser leurs troupes, réussissent malgré tout à délivrer les prisonniers et à les conduire à l'hôtel de ville. Mais les forces de la Convention, conduites par Barras, s'emparent de Robespierre et de ses amis, qui sont exécutés le lendemain, 10 thermidor (28 juillet 1794).

Dans les jours qui suivent, les clubs jacobins du reste du pays envoient des témoignages de satisfaction à l'annonce de la chute du «tyran». Une légende noire naît, qui décrit Robespierre comme un révolutionnaire rêvant de guillotiner la France entière et d'accaparer tous les pouvoirs. Les différents courants de la Convention se liguent dans cette opération: anciens Girondins qui retrouvent leur liberté et leur siège de député, anciens terroristes devenus dénonciateurs des exécutions des années précédentes - en faisant oublier leur propre rôle.

Cet épisode dramatique illustre, en les poussant au paroxysme, les mécanismes qui sont à l'œuvre depuis les débuts de la Révolution. De fait, les factions révolutionnaires n'ont jamais cessé d'être en rivalité les unes contre les autres, les mots d'ordre politiques ont souvent été détournés de leur signification pour cacher des jeux politiciens, les opinions ont été manipulées. Il convient de comprendre ces jeux pour ne pas être, aujourd'hui encore, prisonnier des images léguées par les Thermidoriens, qui ont noirci la «dictature» de Robespierre pour se blanchir eux-mêmes. Pendant les années qui suivent, le 9 Thermidor devient une fête nationale.

L'impossible stabilité
La Convention «thermidorienne», épurée des Montagnards robespierristes, va régler ses comptes et tenter de sortir de la Terreur. La chasse aux «buveurs de sang» est ouverte, tandis que l'abbé Grégoire publie la liste des destructions imputables aux terroristes ou aux «vandales». On mêle ainsi, dans une condamnation générale et imprécise, extrémistes sans-culottes et Montagnards. Certains révolutionnaires vont payer pour que Thermidor donne l'image d'une rupture. Carrier et Turreau, notamment, sont mis en accusation devant tout le pays. Le premier rassemble sur sa tête tous les péchés du terrorisme et du robespierrisme; malgré sa défense acharnée, il sera exécuté en décembre 1794, au terme d'un procès influencé par des pamphlets dénonciateurs très violents - dont l'un est commis par Babeuf. Le second réussit à éviter la mort en rédigeant des mémoires justificatifs, qui le présentent comme «l'agent passif» de la Convention montagnarde. Quelques mois plus tard (en mars 1795), d'anciens Conventionnels comme Vadier, Barère, Billaud-Varenne et Collot d'Herbois - ces deux derniers ayant pourtant joué un rôle clé dans Thermidor - sont condamnés à la déportation ou à l'exil. Six d'entre eux préfèrent se donner la mort.

Dans tout le pays, la réaction contre les sans-culottes est vive. A Paris, la Convention refuse toutes leurs demandes sociales, et réprime brutalement leurs manifestations en avril et mai 1795, alors que les conditions économiques sont particulièrement difficiles. La vallée du Rhône est le lieu d'innombrables règlements de comptes que les autorités politiques laissent commettre par la «jeunesse dorée» des «muscadins» contre les sans-culottes. Ces derniers sont rassemblés et exécutés au cours d'une contre-Terreur, ou «Terreur blanche», qui touche des dizaines d'hommes à Aix, à Marseille et plus tard à Toulon, et plus d'une centaine à Lyon, en mai 1795. La page de la Révolution extrême est bien tournée.
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Vers la réorganisation du Directoire


Le désordre administratif
Le désordre administratif permet la renaissance de nombreuses bandes de brigands qui infestent les campagnes, «chauffant» les pieds des paysans pour voler leurs économies, se confondant avec les bandes chouannes qui continuent de parcourir la Bretagne et qui reçoivent l'aide des émigrés et des Britanniques.

Pour faire face à la guerre intérieure et extérieure, la République accepte de signer une paix équivoque avec les chouans et les vendéens de Charette et de Stofflet. Mais ce répit ne suffit pas aux armées françaises pour vaincre l'étranger. Et les républicains se trouvent confrontés à des oppositions oubliées. Devant les nombreuses demandes de réouverture d'églises, ils doivent accepter de reconnaître dans les faits la liberté des cultes et tolérer la présence de prêtres réfractaires, en concurrence avec le clergé constitutionnel déconsidéré. Un royalisme diffus se répand dans tout le pays, affecte notamment les muscadins et permet que se nouent deux tentatives de prise de pouvoir.

En juin 1795, une flotte anglaise assure le débarquement d'une troupe composée pour l'essentiel d'émigrés français en baie de Quiberon. L'expédition, qui rassemble plusieurs milliers d'hommes mal encadrés et mal organisés, est écrasée par le général Hoche; au moins un millier d'hommes disparaissent au combat ou sont noyés, tandis que près d'un autre millier (essentiellement les nobles débarqués) sont fusillés à l'issue de la bataille. Les royalistes s'engagent alors dans une nouvelle voie: la participation aux élections des deux Assemblées (Conseil des Cinq-Cents et Conseil des Anciens) qui formeront le Corps législatif dans le nouveau régime institué par la Constitution de l'an III (22 août 1795).

Pour éviter le succès prévisible des royalistes, la Convention thermidorienne décide de réserver les deux tiers des Assemblées à ses propres membres. Les royalistes tentent alors un coup de force, le 5 octobre 1795, à Paris. Mais l'armée, avec le jeune général Bonaparte, écrase au canon cette tentative mal coordonnée. Les élections au Corps législatif ont donc lieu dans les conditions prévues, le 21 octobre 1795, les deux tiers des sièges revenant à d'anciens Conventionnels. Les députés thermidoriens, qui se réclament des idées de 1789, paraissent ainsi avoir triomphé de la gauche - les sans-culottes - comme de la droite - les royalistes -, et être en mesure de terminer la Révolution.

De nouveaux équilibres
Compte tenu des échecs précédents, les nouveaux dirigeants de la France cherchent à réunir les conditions d'un subtil équilibre politique. L'exécutif est détenu par un Directoire de cinq membres, dont l'un, désigné par tirage au sort, doit être renouvelé chaque année. Les directeurs - Barras, Rewbell, Carnot, Letourneur, La Révellière-Lépeaux... - se partagent toutes les attributions du pouvoir au cours de savantes tractations.

Le principe de la Chambre unique est abandonné: les deux Chambres (Cinq-Cents et Anciens) doivent adopter conjointement les lois. Armés de nouvelles prérogatives, ministres et commissaires nommés peuvent faire appliquer dans les départements les décisions prises. Ainsi est confirmée la centralisation administrative amorcée en 1793 - qui renoue avec la centralisation monarchique -, même si les administrations départementales élues redeviennent puissantes avec la disparition des comités révolutionnaires. Les cadres administratifs et juridiques perdent leur caractère révolutionnaire extraordinaire.

Les royalistes réapparaissent dans la vie publique: dès 1795, ils forment aux Assemblées un courant modéré qui se retrouve dans un club politique - le club de Clichy - pour préparer légalement l'arrivée au pouvoir de Louis XVIII, frère de Louis XVI et oncle du jeune Louis XVII, mort en prison.

La voie électorale apparaît en effet comme la seule possible après 1795. La guerre de Vendée, arrêtée quelques mois, a repris en même temps que le débarquement de Quiberon (juin 1795). Au printemps 1796, les généraux vendéens Charette et Stofflet sont capturés et fusillés, laissant la région dans une paix troublée; Cadoudal se rend le 19 juin. Une situation analogue règne aux frontières. L'épuisement des combattants est général; il conduit à des traités de paix avec les pays européens (traités de Bâle avec la Prusse en avril 1795, de La Haye avec la Hollande en mai, de Bâle encore, avec l'Espagne, en juillet). La Grande-Bretagne et l'empire d'Autriche continuent la guerre, mais les frontières sont dorénavant assurées.

Une société inégalitaire
La réorganisation s'applique à tous les domaines de la vie publique. Dès 1795, l'école fait l'objet d'une sollicitude intéressée: il convient de confirmer les mutations sociales par le renouvellement des élites. Des écoles centrales sont mises en place dans chaque département, qui doivent recevoir les élèves du secondaire; on crée en outre des écoles de santé, un Conservatoire des arts et métiers, une Ecole normale, une Ecole polytechnique, et un Institut regroupant des savants qui coiffe cette pyramide pédagogique. L'effort est réel, mais il ne concerne, essentiellement, que les classes aisées urbaines; les dommages subis par l'enseignement primaire ne sont pas réparés, et il faudra attendre encore plusieurs années avant que des programmes pédagogiques clairs ne soient définis.

Par ailleurs, les hôpitaux retrouvent une autonomie réelle, mais le désengagement de l'Etat leur fait perdre une aide qui n'est pas compensée par la récupération de leurs propriétés, souvent démembrées. Ainsi, dans la plupart des domaines sociaux, les difficultés ne sont plus prises en charge par l'Etat.

L'armée, bien qu'affectée par un grand nombre de désertions, devient l'une des institutions les plus importantes du régime. Elle est réorganisée par une loi de 1797, qui jette les bases d'une pratique destinée à durer, la conscription, tout en autorisant le remplacement (des parents riches peuvent payer quelqu'un pour être conscrit à la place de leur fils désigné par le tirage au sort).

Les problèmes financiers et religieux
Les difficultés majeures que le régime doit affronter sont héritées du début de la Révolution. L'Etat a fort à faire face au délabrement des finances et de la monnaie. L'assignat a perdu pratiquement toute sa valeur; il est remplacé par le «mandat territorial» en février 1796. Mais, après une dévaluation brutale, ce papier est démonétisé un an plus tard. Les impôts ne rentrent plus dans les caisses, au point que le Directoire doit emprunter au bey d'Alger et à des commerçants de Hambourg en 1796; il compte de plus en plus sur les gains opérés par ses armées dans les pays conquis. En Belgique, les biens nationaux sont vendus; des envois d'argent se font depuis l'Italie investie par le général Bonaparte. Ces mesures ponctuelles ne suffisent pas à éviter la banqueroute accélérée par des scandales financiers, qui est proclamée au détriment des créanciers de l'Etat, tandis que les fournisseurs des armées obtiennent de véritables monopoles. L'Etat vit ainsi au jour le jour, dans la dépendance des généraux et des banquiers.

Cet échec s'accompagne de difficultés sociales. Après les années de disette, en 1794-1795, les récoltes sont abondantes en 1796, mais l'économie est entrée dans une phase de dépression depuis la suppression du papier-monnaie. Aussi les prix agricoles chutent-ils, ce qui soulage les classes populaires urbaines mais achève d'affaiblir la demande de produits manufacturés de la part des producteurs ruraux. Seuls certains secteurs industriels (le coton, le charbon, la métallurgie) échappent au marasme, et l'ensemble progresse de façon très disparate, laissant des régions entières en marge de la reprise. Les ports ne retrouvent pas leur activité d'avant guerre. Cette économie difficilement renaissante permet à des spéculateurs de s'enrichir, tandis que les écarts sociaux s'accroissent. La société française, épuisée après tant de drames, peine à retrouver un rythme de croissance.

Vers un Etat fort
Du 31 octobre 1795 au 9 novembre 1799, le Directoire, marqué par de nombreuses tentatives de prise du pouvoir, n'a connu qu'une succession d'équilibres instables. Le brutal arrêt donné aux progrès des royalistes en octobre 1795 favorise le retour des idées jacobines, qui trouvent un nouveau dynamisme avec l'action de Gracchus Babeuf, publiciste naguère incarcéré sous la Terreur, et qui a abandonné ses sentiments antirobespierristes.

La conjuration des Egaux
Recherché par la police pour ses articles publiés dans le Tribun du peuple, Babeuf entre dans la clandestinité en décembre 1795. Il fonde alors un parti «plébéien», pour lequel il rédige le Manifeste des Egaux, qui réclame «l'égalité des jouissances», la suppression de la propriété privée, et préconise l'établissement de la «communauté des biens et des travaux». Il noue ainsi l'alliance entre les derniers Jacobins et les sans-culottes, et recueille l'adhésion de nombreux ouvriers parisiens touchés par la crise économique et de soldats de la Légion étrangère. Le «Comité insurrecteur» des Egaux, ou Directoire secret de salut public, qu'il crée en mars 1796 avec Buonarroti et Le Peletier notamment, conspire contre le régime. Dénoncés par un agent infiltré, les conjurés sont arrêtés le 10 mai 1796. Leur procès ne s'ouvrira qu'en février 1797, après l'échec d'une tentative de soulèvement militaire inspirée par l'idéologie des Egaux, en septembre 1796, au camp de Grenelle. Condamné à mort, Babeuf sera exécuté le 27 mai 1797. En réprimant ainsi les derniers représentants de la gauche jacobine, le Directoire fonde involontairement une légende prolétarienne à venir.
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