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 Les Révolutions anglaises

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Blackeu Viking
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MessageSujet: Les Révolutions anglaises   Les Révolutions anglaises EmptyMer 3 Mai - 16:02

Révolution modèle, la révolution anglaise ne s'est cependant pas faite sans heurts: de 1642 à 1660, les îles Britanniques ont été soumises à un déferlement de violence, ponctué d'idées utopiques où le sectarisme le disputa à l'inspiration, où la générosité sociale des «partageux» se heurta à la défense de la propriété.

En ce sens, il y a donc bien deux révolutions, la radicale et la modérée: l'une accouche d'une république, transmuée en dictature par Cromwell; l'autre, sans feu ni sang, pose les jalons d'un régime tempéré. En tout, deux révolutions sans égales et sans suite dans une histoire insulaire plus réformiste que révolutionnaire depuis maintenant trois siècles.


Une révolution en devenir


Le puritanisme
Le puritain est un être hybride: spéculatif et homme d'action, tourmenté en son âme et assuré de son salut; il manie avec un rare bonheur, et selon les circonstances, l'équerre et le compas. La Bible dans une main, le glaive dans l'autre, ce protestant intrépide part à l'assaut du monde avec audace. Le puritain de la révolution, selon une imagerie éprouvée, se voit qualifié de «tête ronde» - sans doute du fait de la coupe de ses cheveux, ou de ce chapeau rond dont l'affublent les caricaturistes. Son contraire, royaliste, est le «cavalier», à dessein aristocratique dans sa mise, défenseur du trône et de l'autel.

Réforme religieuse ou révolution politique?
La révolution est religieuse: la cause royale se confond vite avec le maintien de l'Eglise anglicane, la révolution avec la refonte totale des communautés. Une seule Réforme en trois siècles: au schisme du XVI e siècle, les années médianes du XVII e siècle superposent leur immense espérance bafouée d'un monde conforme à la Parole; d'aucuns attendent même le retour imminent de Jésus-Christ, tandis que certains, songeurs, se prennent à rêver à un monde d'égalité sociale et de partage.

Au XVIII e siècle, dernier avatar de cette espérance déçue, la Réforme s'intériorise avec le méthodisme; elle rompt avec la politique.

Ce fut bien au XVII e siècle «la fortune de l'Angleterre, écrit Guizot, que l'esprit de foi religieuse et l'esprit de liberté politique y régnaient ensemble». Et l'ancien ministre de Louis-Philippe de poursuivre: «L'Angleterre entreprit en même temps les deux révolutions.»

Interprétation et choix terminologique
Deux révolutions en une seule, la politique et la religieuse, dans lesquelles on n'a longtemps vu, en mauvaise part, qu'une Grande Rébellion - interprétation conservatrice - ou une Réformation - vision puritaine.

Le parallélisme français
Le terme «révolution» est tard venu pour caractériser la période. Il ne s'impose pas avant le XIX e siècle et repose sur une comparaison explicite avec la Révolution française: radicalisme social, exécution d'un roi, proclamation d'une république, puis finalement confiscation de l'héritage révolutionnaire par un général, ici Cromwell, là Bonaparte. Sans compter ces retours d'exil, celui des Stuarts en 1660, celui des Bourbons en 1814-1815, qui closent la période. Si, de 1642 à 1660, l'Angleterre expérimente bien un total bouleversement, cette révolution s'est vu qualifiée diversement. Révolution bourgeoise? Révolution puritaine? Voire révolution anglaise? Aucune de ces épithètes n'emporte une totale adhésion.

Révolution bourgeoise ou puritaine?
La révolution bourgeoise supposerait un changement économique, à bien des égards indémontrable. De plus, le conflit entre le roi et le Parlement ne met pas aux prises des classes sociales différentes. «Révolution puritaine» paraît plus acceptable si l'on se garde d'interpréter l'événement en termes uniquement religieux. «Révolution anglaise» n'est pas moins inexact quand on prend en compte l'ampleur du phénomène, qui s'étend à l'ensemble des îles Britanniques.

Une révolte écossaise contre Charles I er met le feu aux poudres, une insurrection irlandaise et la grande peur qui s'ensuit rythment l'événement. Enfin, la pacification des trois royaumes, d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande, sera le fondement de l'ascendant cromwellien. On parlera donc de «révolution d'Angleterre» pour aborder un phénomène qui ne se limite pas géographiquement à un seul royaume. Cette dernière a surtout réalisé l'unité des îles Britanniques au profit du plus peuplé de ses territoires.
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MessageSujet: Re: Les Révolutions anglaises   Les Révolutions anglaises EmptyMer 3 Mai - 16:02

La première révolution
1642 - 1660



Vers l'unification des royaumes
Le «Bref Parlement» (1640)
Jacques VI d'Ecosse gravit en 1603 les degrés du trône d'Angleterre et prend désormais le titre de Jacques I er d'Angleterre. Il rêve à l'union des trois royaumes, qu'il ne parvient pas à imposer.

Son fils Charles I er poursuit la tâche entreprise: en 1637, les Ecossais (presbytériens) se révoltent contre la liturgie (anglicane) qu'on leur prescrit. Depuis 1629, Charles I er régnait sans convoquer le Parlement. La guerre avec l'Ecosse va précipiter les choses: une première Assemblée se réunit le 13 avril 1640; elle ne siège que quelques semaines, et se contente de rappeler avec fracas ses «libertés» et ses privilèges bafoués. Le souverain n'en a cure et renvoie les députés (5 mai).

Le «Long Parlement» (1640-1653)
Mais ce «Bref Parlement» - Short Parliament - est suivi, à quelques mois d'intervalle, d'un «Long Parlement» - Long Parliament -, qui siège jusqu'en 1653, au travers de tous les aléas d'une période troublée. Ce dernier est celui de la révolution.

La volonté réformatrice est immense: l'on s'en prend à la fiscalité, à la justice, à l'Eglise même, jugée encore trop catholique dans ses rites ou dans sa doctrine. En novembre 1641, plusieurs protestants sont massacrés en Irlande: l'indignation est à son comble. On envoie au roi une Grande Remontrance, qui appelle dans un même souffle à châtier papistes et libertins, et à honorer les puritains, qui «désirent préserver les lois et les libertés du royaume, et maintenir la religion sous l'emprise du pays».

La première guerre civile (1642-1646)
En janvier 1642, Charles Ier décrète l'arrestation de six parlementaires, dont Pym et Hampden. Mais il doit lui-même s'enfuir de Londres. Après plusieurs mois de silence, le 18 juin, le souverain tente une manœuvre de la dernière chance en prêchant la concorde: la monarchie, l'aristocratie, la démocratie doivent se compléter dans l'Etat, assène-t-il. Mais c'est peine perdue. En août, Charles Ier lève son étendard, en octobre a lieu la première grande bataille de la guerre civile à Edgehill.

L'émergence de Cromwell
Les royalistes jouissent de l'avantage de la mobilité que leur procure une cavalerie supérieure en nombre et en adresse. Parce qu'il aime les chevaux et qu'il sait commander aux hommes, un quadragénaire rougeaud, à la foi impeccable, se hisse à la première place dans l'armée parlementaire: Oliver Cromwell. Celui-ci, né en 1599, n'a connu jusqu'alors qu'une destinée obscure. Mais il va doter les puritains d'une remarquable cavalerie. De Marston Moor (juillet 1644) à Naseby (juin 1645), Cromwell administre à ses ennemis, comme à ses amis, la preuve de son talent.

Les indépendants
L'Eglise, pendant ce temps-là, se réforme. Du moins, elle essaie. Les théologiens se réunissent à Westminster en 1643: les débats ne portent pas tant sur la doctrine que sur l'organisation de l'Eglise. Une poignée d'indépendants se détachent: ils prêchent l'indépendance des congrégations et se méfient du centralisme des presbytériens, adeptes d'une Eglise nationale fortement contrôlée. Les indépendants mettent, pour leur part, l'accent sur la conscience de chaque croyant. Le redouté Cromwell sera lui aussi un indépendant, adepte de la liberté de conscience. Singulier paradoxe, chez ce militaire épris d'autorité.

La seconde guerre civile (1648-1651)
La première guerre civile s'achève sans que l'on trouve la moindre issue politique ou religieuse. Cet attentisme inquiète. L'armée se révolte en 1647. Les hommes demandent les arrérages de leurs soldes et échafaudent mille projets. A l'automne, un gigantesque débat s'engage: on ne tarde pas à qualifier de «niveleurs» ces «partageux» qui souhaitent en finir avec les inégalités de fortune et de condition.

Une deuxième guerre civile se déroule en 1648. Cromwell écrase les Ecossais, alliés du roi, le 17 août à Preston, dans le Lancashire. Mais que faire de ce roi vaincu? Comment apaiser l'armée? Quelle attitude adopter face au Parlement qui s'aperçoit de plus en plus que le destin de «sa» révolution lui échappe? Cromwell sera l'homme de la situation. Il a su se tailler au combat une réputation d'intrépidité qui convainc les hommes; son élocution malhabile fait le reste: on ne sait jamais ce qu'il pense, ni s'il pense vraiment. Les radicaux se tournent vers lui. Il les rassure, il saura les réprimer par la suite.

La fin de Charles I
Le sang du roi va sceller la nouvelle alliance. Charles I er est exécuté le 30 janvier 1649 (1 er février selon le calendrier en usage sur le continent). Cette mort succède à un procès qui permet à un peuple, par procuration, de juger d'un roi. Charles Stuart échange, dans la mort, une «couronne périssable» contre une «couronne incorruptible». Les royalistes ont le sens du martyre; ils vouent au souverain mort un culte qu'ils ne pouvaient lui rendre de son vivant. Le pays est exsangue, assoiffé de légitimité, en un temps où l'on ne pouvait rendre la justice qu'au nom du roi.

La pacification de l'Irlande
La république remplit ce vide: elle est proclamée en mai, alors même que Cromwell, contrit, fait couler le sang des niveleurs. En septembre, le massacre de Drogheda, en Irlande, offre enfin aux Anglais quelques motifs de diversion. Dieu, conclut Cromwell à part soi, «condamne justement les pauvres imbéciles qui ont trempé leurs mains dans tant de sang innocent». Ce requiem pour quelques Irlandais perdus se répète en octobre à Wexford, dans le sud de l'île. Mais l'on ne pacifiera l'Irlande que par des mesures radicales: expropriation des terres, déportation de populations sont les pièces fortes d'un arsenal répressif qui équivaut à une authentique «révocation agraire», selon l'expression d'Emmanuel Le Roy Ladurie.

La chute de l'Ecosse
Les Ecossais persistent dans leur lutte contre les Anglais, et le 3 septembre 1650 ces derniers écrasent à Dunbar leurs remuants voisins, non sans entonner le psaume 117: «Louez l'Eternel, vous toutes les nations.» La victoire ne sera cependant totale que le 3 septembre 1651, à Worcester. Souhaitée par la monarchie, réalisée par la république, l'unification des îles Britanniques s'accompagne d'un formidable tonus commercial. Un Acte de navigation protectionniste d'octobre 1651 inquiète durablement les Hollandais. Ce sera la guerre de 1652 à 1654.

Cromwell, «Lord Protector» (1653-1658)
Le pays a besoin d'un pouvoir fort. Le 16 décembre 1653, Cromwell prête serment à l'«Instrument de gouvernement», seule Constitution écrite de l'histoire insulaire. Le Lord Protector est devenu respectable; il traite avec les rois. Sur le plan intérieur, renouant avec l'usage monarchique, Cromwell convoque un premier Parlement du protectorat en 1654, puis un second en 1656. Les relations entre le dictateur et l'Assemblée sont toujours très tendues. Les parlementaires, sélectionnés avec soin, sont les défenseurs d'un ordre moral puritain, souvent intransigeant, appliqué à traquer et à punir tous les déviants: blasphémateurs, fornicateurs, personnes adultères sont les cibles toutes désignées d'un ordre moral, aussi pointilleux qu'inefficace.

La révolution a vécu. Il ne reste plus d'autre espérance que spirituelle. A une première vague, très sociale, de radicalisme réprimée par Cromwell succède dans les années 1650 un courant inspiré, le mouvement quaker, adepte du tutoiement, de la non-violence et du non-paiement de la dîme ecclésiastique. Des chrétiens sans pasteurs et sans sacrements qui, à l'idolâtrie du pouvoir qu'on leur propose, ne répondent plus qu'en évoquant le Christ intérieur, enfoui dans le cœur de chaque croyant.

Les Anglais, cependant, font des affaires. Ils concurrencent les Hollandais, s'en prennent à l'Espagne - à laquelle ils ravissent en 1655 la Jamaïque. Mazarin se félicite. Une alliance offensive avec la France est conclue en mars 1657. Cromwell décline la couronne quelques semaines plus tard, mais accepte sa solennelle investiture. Tandis que les troupes franco-anglaises célèbrent leurs victoires sur les Espagnols, le Lord Protector s'éteint en septembre 1658. Son fils, Richard, lui succède.
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MessageSujet: Re: Les Révolutions anglaises   Les Révolutions anglaises EmptyMer 3 Mai - 16:03

La Glorieuse Révolution
1688 - 1689


Contrairement à son aînée, qui se prolongea pendant vingt ans, la Glorieuse Révolution ne dura que quelques mois. Voltaire devait commenter, laconique: «Le malheureux Jacques II (...) perdit son royaume sans qu'on pût dire comment la chose arriva.»

La restauration des Stuarts
Vingt-huit ans plus tôt, en 1660, une foule en liesse avait pourtant célébré le retour des Stuarts. On déterra les restes de Cromwell pour les pendre, on exécuta pour la forme quelques régicides. Le pays évita soigneusement toute terreur blanche. Même Milton, un temps secrétaire de Cromwell, put méditer sur le Paradis perdu et sur la chute des révolutions en ce bas monde.

Sous le règne de Charles II (1660-1685)
Charles II, homme de plaisirs, était catholique au fond de son cœur: il se convertit sur son lit de mort. Son frère Jacques II, qui lui succéda en 1685, professait ostensiblement la «vieille religion», ce qui lui valut de perdre son trône.

Un roi catholique pour un peuple protestant: cela tenait de la gageure. L'année 1685 fut assez sombre: Monmouth, fils bâtard de Charles II, débarque dans l'ouest du pays, où il dirige une insurrection qui se termine dans le sang. Comme si cela ne suffisait pas, Louis XIV révoque en octobre l'édit de Nantes, qui garantissait l'existence légale de ses sujets protestants, appartenant, comme l'on disait à l'époque, à la RPR, la «religion prétendue réformée». Jacques II en recueillit tout le discrédit. Comment prouver désormais que la coexistence pacifique entre catholiques et protestants n'est pas une chimère? La Glorieuse Révolution naît en partie de la honteuse révocation. Elle en est la réciproque inversée: Louis XIV, catholique, révoque les privilèges de ses sujets protestants, tandis qu'outre-Manche les protestants révoqueront leur roi catholique.

Jacques II, le bouc émissaire
Jacques II a eu un mérite essentiel: il a réalisé la quasi-unanimité du pays... contre lui. Rien ne garantissait au départ la bonne entente des divers courants issus de la Réforme: une Eglise établie, fidèle à sa confession de foi anglicane et à la hiérarchie épiscopale, toisait avec mépris une importante minorité de non-conformistes, presbytériens, indépendants, baptistes ou quakers, qu'elle considérait comme une poignée de républicains séditieux et de fanatiques sectaires.

Les catholiques, largement majoritaires dans le royaume d'Irlande, ne sont qu'une poignée en Angleterre, environ 60'000 sur une population évaluée à un peu moins de 5 millions d'habitants, soit autour de 1%. Anglicans, presbytériens et baptistes ou indépendants avaient au moins en commun leur appréhension de la menace «papiste» - ainsi que l'on qualifie alors les catholiques. Ce papiste est, du reste, l'un de ces boucs émissaires ou de ces souffre-douleur que s'inventent périodiquement les sociétés en mal de consensus. Entre le papiste réel et celui de l'imagerie populaire existe un véritable gouffre, creusé par la fantasmagorie protestante. De paisibles gentlemen, de robustes artisans sont suspectés de dissimuler en leur sein les légions de l'Antéchrist, prêtes à fondre sur les honnêtes Anglais pour les égorger durant leur sommeil ou incendier leurs maisons.

L'Angleterre, donc, n'avait jamais été aussi divisée. Jacques II, comme Charles II avant lui, tente d'imposer à ses peuples une politique d'indulgence. Le terme est à retenir, car il correspond à la liberté de conscience garantie par l'arbitraire, ou du moins par ce bon plaisir du roi perçu comme arbitraire par les contemporains outre-Manche. L'indulgence suppose une exception juridique: la non-application d'une loi discriminatoire envers tous ceux, catholiques ou protestants, qui ne se rallient pas à l'Eglise établie.

Une Déclaration d'indulgence
Jacques II, le 4 avril 1687, promeut une Déclaration d'indulgence, dans laquelle il avoue benoîtement: premièrement, son attachement à la religion catholique («Nous souhaiterions que tous nos sujets fussent membres de l'Eglise catholique»); deuxièmement, sa volonté d'en finir avec les persécutions («Il ne faut pas contraindre les consciences»). Il s'agit, en fait, d'en terminer avec le monopole ecclésiastique anglican. Même si l'Eglise d'Angleterre demeure la seule établie, on ne peut plus être poursuivi pour ne pas avoir respecté ses rites. L'indulgence est, littéralement, une mesure de bienveillance ou d'équanimité envers les non-conformistes. La clémence d'Auguste reçoit un accueil mitigé: pendant un an, cependant, des messages d'espoir affluent de l'ensemble du pays.

Les presbytériens de la capitale adressent, dès le 29 avril, leurs remerciements au roi qui «restaure l'empire de Dieu sur les consciences». La politique de Jacques II finit cependant par échouer. Le 27 avril 1688, un an plus tard, le roi renouvelle sa Déclaration, et le 4 mai il ordonne que le texte en soit lu dans toutes les paroisses du royaume. Sept évêques, dont Sancroft, primat d'Angleterre, se dérobent à l'injonction. Jacques II n'accepte pas leur insubordination: mis en accusation, les sept prélats sont acquittés fin mai. La crosse et la mitre l'emporteraient-elles sur le sceptre et la couronne? Jacques II a échoué: une mesure d'apaisement se transforme en son contraire. L'anticatholicisme est à son comble: au milieu des toasts portés aux évêques anglicans, on brûle le pape en effigie.

Naissance d'un fils
Un nouvel événement survient alors. Le 10 juin, Jacques II a un fils. Dieu a entendu sa prière: le catholicisme anglais est désormais assuré de la pérennité dynastique. L'opinion protestante, inquiète, laisse percer ses doutes sur la réalité d'une naissance qui contrarie autant ses projets. Une légende se fait jour: l'enfant a été apporté à la dérobée dans une bassinoire, et glissé auprès de la reine pour laisser penser à un accouchement. Avec causticité, on se gausse de cette naissance miraculeuse, non sans égratigner au passage le dogme catholique de la virginité mariale: «Dans sa conception miraculeuse, la mère de Dieu l'a manifestement secourue.»


Une révolution dans la paix
Guillaume d'Orange
Le 30 juin, Guillaume d'Orange, gendre de Jacques II, est exhorté par plusieurs notabilités d'intervenir directement dans les affaires insulaires. Le 10 octobre (le 30 septembre d'après le calendrier en usage outre-Manche), il s'adresse, depuis les Pays-Bas, aux Anglais qu'il souhaite aider: «La paix publique et le bonheur d'un Etat ou d'un royaume sont en danger dès lors que les lois, les libertés et les coutumes établies par l'autorité légale sont ouvertement bafouées ou transgressées, particulièrement lorsque l'on tente de subvertir la religion pour introduire une autre religion, contraire à la loi.»

Le 5 novembre, Guillaume débarque dans l'ouest du pays, afin de voler, proclame-t-il, au secours de la religion protestante et des libertés parlementaires. Puis il se dirige vers Londres; en fin tacticien, il souhaite mettre Jacques II en échec sans carnage inutile. Le roi, trahi, est de plus en plus délaissé par les siens. John Churchill, un ancêtre de sir Winston, abandonne son roi en lui demandant avec bonté de considérer sa trahison sans excessive malveillance.

La Déclaration des droits (février 1689)
Un mois plus tard, à la veille de Noël, Jacques II s'enfuit à jamais de son royaume perdu. Guillaume d'Orange aura ainsi évité de transformer 1688 en une réplique de 1649. Jacques II est moins dangereux, dans son royal exil à Saint-Germain-en-Laye, que s'il était resté pour affronter ses bourreaux.

La révolution emprunte alors, tout naturellement, la voie d'une restauration. Comme en 1660, une convention se réunit. Les parlementaires élaborent un texte célèbre entre tous, la Déclaration des droits, le 13 février 1689, qui devient le fondement de la séparation des pouvoirs exécutif et législatif. La révolution est terminée. Jacques II ayant «abdiqué», le trône «vacant» est confié à Guillaume et à Marie, conjointement roi (Guillaume III) et reine (Marie II) d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande; mais il reste à asseoir pleinement la légitimité de ce nouveau régime.
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MessageSujet: Re: Les Révolutions anglaises   Les Révolutions anglaises EmptyMer 3 Mai - 16:04

Un bilan contrasté


Le règne de Guillaume III et Marie II d'Angleterre
Guillaume n'est pas républicain et il déteste, en homme d'ordre, tous les débordements. Comme Cromwell avant lui, il poursuit en Irlande un travail de conquête du pouvoir qui fournit au nouveau régime la sanction, providentielle, des champs de bataille. Le combat, d'ailleurs, est à l'échelle européenne. Le philosophe huguenot Pierre Bayle, réfugié en Hollande, reconnaît en octobre 1688 que l'Angleterre «est à présent le grand théâtre du monde: on y est si fort occupé de tant de grands projets, et présents réellement, et par l'anticipation des conjectures, qu'on y peut facilement oublier les autres pays. Je sens l'effet des grandes révolutions de l'Europe».

Louis XIV, révocateur de l'édit de Nantes, voit se dresser devant lui une immense coalition qui s'étend des îles Britanniques à l'Espagne, en passant par la Hollande, le Brandebourg et l'Autriche... sans oublier la Savoie à compter de 1690. Cette guerre, dite de la ligue d'Augsbourg, se prolonge jusqu'en 1697. La fracture n'est pas religieuse, tant s'en faut. La France, l'Autriche et l'Espagne se recommandent pareillement, en dépit de leur adversité, de la foi catholique la plus authentique. L'Angleterre gagnera cependant dans cet affrontement une image de modernité philosophique libérale qu'exalteront au siècle suivant Voltaire et Montesquieu.

Le «Bill of Rights» (décembre 1689)
Le siècle des Lumières commence en un sens en Angleterre en 1688-1689. Le Bill of Rights, adopté à la fin de l'année par le Parlement, reprend mot pour mot la Déclaration des droits de février 1689. Ce texte ponctuel assume une valeur canonique pour les Britanniques, qui y voient encore de nos jours l'un des fondements de leur Constitution (terme qui ne désigne pas un texte unique comme en Amérique ou en France).

A le parcourir, ce texte justement célèbre paraît pourtant bien daté. On remarque ainsi la clause, à tous égards archaïque, prévoyant la possibilité laissée aux sujets protestants de s'armer contre les papistes. Cela n'a pas empêché certaines personnalités politiques de demander récemment en Grande-Bretagne un nouveau Bill of Rights, garantissant de façon plus formelle les libertés individuelles des citoyens.

La différence avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, promulguée en 1789, est éclatante: point ici de prétention à l'universalité. On n'énonce que les droits des Anglais, et encore de façon linéaire et inductive, sans évoquer tellement de grands principes abstraits comme en France. Affaire de tradition intellectuelle, sans doute, modelée par un juridisme jurisprudentiel, où la quête du précédent supplante l'esprit de système.

L'Acte de «tolérance»
Guillaume d'Orange lui-même fut salué par John Locke comme «notre grand Restaurateur». On ne saurait mieux résumer cette révolution conservatrice, qui magnifie un passé, certes mythique, sans jamais songer à l'abolir. La même prudence se retrouve dans le fameux Acte de «tolérance», plus cité que vraiment lu. Avec le Bill of Rights, la loi «exemptant les sujets protestants de leurs majestés séparés de l'Eglise d'Angleterre des peines encourues à la suite de certaines lois» complète un arsenal législatif destiné à maintenir la paix civile. Le terme de «tolérance» n'apparaît pas.

Il s'agit, de façon plus réaliste que philosophique, d'interdire les persécutions pour des motifs de conscience. Mais le texte demeure plus limité que l'indulgence promise par Jacques II: les catholiques, du moins en théorie, ne sont pas admis. En pratique, ils jouissent d'une relative liberté, tout en continuant d'être des citoyens de seconde zone. L'obscurité est d'ailleurs le mérite d'un texte qui prévoit un serment contre la soumission au pape - qui ne saurait s'adresser qu'à des catholiques -, quitte à préciser que les catholiques et les antitrinitaires sont de toute façon exclus.

Par ses modalités, la tolérance se distingue radicalement de l'indulgence. Plus limitée dans son aire d'application, elle dépend du droit, voté par le Parlement, et non du fait du souverain. Elle donne de l'Angleterre un visage apaisé qui séduit tout particulièrement Voltaire au siècle suivant lorsqu'il écrit, non sans humour: «C'est ici le pays des sectes. Un Anglais, comme homme libre, va au ciel par le chemin qui lui plaît.»

La bataille de la Boyne
Les Irlandais ne jouissent pas du même bonheur. Du moins les Irlandais catholiques sont-ils, à la suite de la Glorieuse Révolution, un peuple vaincu. Le 1 er juillet 1690, Guillaume aligne ses légions de 36'000 hommes face aux 25'000 partisans de Jacques II. La rivière Boyne, au nord de Dublin, devient pour les propagandistes protestants un nouveau Jourdain, qu'aurait traversé un nouveau Josué en la personne de Guillaume d'Orange, pressé d'écraser les Irlandais pour pouvoir asseoir par une belle bataille son prestige de vainqueur. Guillaume, du reste, se montre bon prince avec les vaincus.

Le traité de Limerick, en octobre 1691, permet à de nombreux Irlandais de s'exiler. La législation ultérieure est moins amène: interdiction du clergé régulier, naguère prospère en Irlande, bannissement des évêques. Le clergé séculier est tout juste admis, mais les offices se déroulent en plein air ou dans des bâtiments de fortune. Comme les protestants français, les papistes irlandais connaissent leur «désert».


Des révolutions britanniques à la révolution américaine
Les révolutions d'Angleterre ne prennent donc tout leur sens qu'à l'échelle des îles Britanniques: 1642-1660 tout comme 1688-1689 sont incompréhensibles en dehors de cette dialectique du centre et de la périphérie - que l'histoire coloniale américaine a mise au cœur de sa problématique.

Pour Guizot, la révolution américaine est d'ailleurs étroitement tributaire, dans le deuxième quart du XVIII e siècle, du siècle précédent. Lecteurs de Locke - comme du reste de Montesquieu -, les compatriotes de Benjamin Franklin, de George Washington et de Thomas Jefferson rédigent à compter de 1776 plusieurs Constitutions, correspondant aux différentes colonies: celles-ci s'accompagnent en préambule de leurs Bills of Rights.

Ainsi la Constitution de la Virginie reconnaît-elle la «liberté» et l'«indépendance» que tous les hommes ont en partage d'après un droit naturel, qui demeure imprescriptible. La Constitution de la Pennsylvanie ajoute la liberté de parole ou de l'abstention non violente lors des conflits. Enfin, la garantie liminaire de la liberté de tous les hommes permet dans le Massachusetts la libération des esclaves, une fois interprétée par les juges.

Rapportée à l'expérience américaine, qui s'en éloigne et la complète, l'histoire britannique s'apprivoise et perd de son insularité. La transition avec 1789 se trouve dans 1776.
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